La Cour suprême interdit à Gopstein et Marzel de se présenter aux législatives
Les juges ont évoqué les dizaines de propos racistes des candidats d'Otzma Yehudit ; le parti est autorisé à se présenter, tout comme la Liste arabe unie
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Deux membres d’un parti d’extrême droite, considérés comme racistes, ont été interdits par la Cour suprême israélienne de se présenter aux élections législatives du 17 septembre.
Benzi Gopstein et Baruch Marzel ne pourront concourir, a annoncé la Cour dans un communiqué publié tard dimanche, citant une loi condamnant « l’incitation au racisme » des candidats aux élections.
Un panel de neuf juges a voté à l’unanimité en faveur de la disqualification de Benzi Gopstein, et un seul juge s’est prononcé en faveur d’une autorisation à se présenter pour Baruch Marzel.
La Cour suprême a en revanche rejeté les appels à interdire le parti extrémiste Otzma Yehudit et maintenu la candidature d’Itamar Ben-Gvir, à la tête de la liste électorale du parti pour le scrutin de septembre prochain.
Otzma Yehudit veut pousser « les ennemis d’Israël à émigrer afin de conserver le caractère juif de l’Etat d’Israël », en référence aux Palestiniens et Arabes israéliens commettant des attaques terroristes anti-israéliennes. Il souhaite aussi l’annexion de la Cisjordanie, où vivent plus de 2,5 millions de Palestiniens.
Gopstein dirige l’organisation raciste Lehava, qui s’oppose à toute interaction interconfessionnelle et interethnique, et aux relations et mariages mixtes. Lehava a organisé des manifestations devant des mariages judéo-arabes, le long des marches de la Gay Pride et appelé le public à alerter l’organisation si des femmes juives venaient à fréquenter des hommes arabes.
Inculpé 53 fois depuis son adolescence, M. Ben-Gvir se vante d’avoir été innocenté dans 46 cas. C’est sur la recommandation des juges qu’il a entrepris des études de droit, pour se défendre lui-même, se targue-t-il. Il défend les Israéliens accusés de violences, dont les juifs radicaux jugés pour un incendie criminel qui a révulsé le pays : un bébé de 18 mois et ses deux parents morts en 2015 en Cisjordanie. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait été très critiqué avant les élections d’avril pour avoir négocié l’inclusion d’Otzma Yehudit dans l’ex-Union des partis de droite.
Marzel a dirigé Kach, le parti extrémiste du rabbin Meir Kahane après le meurtre de ce dernier en 1994. Il a longtemps été associé à l’objectif du parti extrémiste d’expulser les Arabes du pays. Il a été partisan de la formation politique jusqu’à sa dissolution en 1994, après que le parti a été classé comme groupe terroriste par le gouvernement israélien.
La présidente de la Cour suprême Esther Hayut a justifié la décision de la cour en s’appuyant sur les « dizaines » de propos tenus par le chef de Lehava, qui montrent « sans équivoque » qu’il « incite systématiquement au racisme à l’encontre du public arabe ».
« Gopstein présente le public arabe, dans son intégralité, comme un ennemi avec lequel aucun contact pouvant être interprété comme de la coexistence ne doit exister », a poursuivi Hayut.
La cour a notamment cité des propos tenus par le chef de Lehava au mariage de sa fille : « disons que s’il y avait un serveur arabe ici, il ne servirait pas à manger, il chercherait l’hôpital le plus proche ».
La cour a jugé que ses paroles « montrent une nouvelle bassesse dans le discours raciste, encore inconnue », déplorant par ailleurs le fait que Gopstein n’a jamais accepté de revenir sur ses propos.
En ce qui concerne Marzel, les juges ont reconnu qu’il avait formulé des regrets pour des propos anti-arabes. Le résident de Hébron et militant avait attribué ses propos à des écarts de langage. Cependant, la cour a statué que Marzel avait émis des remords quand sa candidature avait été remise en cause en 2003 et 2015. La cour avait, à l’époque, donné son feu vert.
« Mais dans les faits, il a persisté dans une attitude qui incite au racisme », ont écrit les juges, concluant qu’ils ne lui accordaient pas de troisième chance.
Les juges se sont alignés à la recommandation du procureur général Avichai Mandelblit, qui, dans une opinion juridique, avait appelé la semaine dernière à la disqualification des deux candidats.
Cette recommandation repose sur la « Loi fondamentale : la Knesset », qui stipule que les partis ou candidats ne peuvent pas briguer de mandat s’ils se livrent à de la provocation et à de la haine raciale,
L’ancien numéro un d’Otzma Yehudit, Michael Ben-Ari, avait été interdit de se présenter aux élections d’avril par la Cour suprême en raison de cette même disposition légale, et avait été remplacé à la tête de la formation par l’avocat Itamar Ben-Gvir.
Otzma Yehudit a fustigé dimanche la décision de justice et déclaré que la Cour suprême appartenait à la gauche politique, qui s’acharne à empêcher la création d’un autre gouvernement de droite. Ben Gvir a assuré que cette décision doperait la performance du parti aux urnes.
Gopstein a déclaré que la Cour suprême était une « branche du Meretz », en référence au parti de gauche.
Les juges ont en effet rejeté une pétition qui appelait à la disqualification de la Liste arabe unie, une alliance qui rassemble quatre partis majoritairement arabes.
Il a fustigé la décision d’autoriser la candidature de la Liste arabe unie – dont le numéro 8, Heba Yazbak, avait salué le terroriste du Hezbollah Samir Kuntar qui avait tué des civils israéliens, dont des enfants.
Contrairement à Oztma Yehudit, la pétition appelait à la disqualification du parti arabe dans son intégralité, et ne visait pas des candidats particuliers.
« Le mouvement réformé et les partis de gauche sont unis contre nous, basés sur l’idée que nous nous battrons pour un Etat juif et ferons avancer les valeurs de la Torah à la Knesset », a déclaré Marzel dans un communiqué réagissant à la décision de justice.
Le parti Yamina, dirigé par l’ancienne ministre de la Justice Ayelet Shaked a également fustigé cette décision. Elle a promis d’oeuvrer à « l’équilibre » de l’instance judiciaire à l’issue des élections de septembre.
« Une fois de plus, il s’avère que la protection des minorités, la valeur de l’égalité et le droit à choisir et à être choisi est réservé aux membres arabes de la Knesset, qui haïssent Israël et soutiennent le terrorisme », a clamé le parti de droite.
D’autres partis du centre et de gauche ont, pour leur part, salué cette décision.
Le parti Kakhol lavan a déclaré qu’il était « inconcevable qu’au nom de son immunité personnelle, [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu envisage d’importer le racisme le plus dangereux qui soit au sein de la Knesset ».
Le communiqué du parti centriste faisait référence aux efforts du Likud pour faire pression sur une fusion Yamina-Otzma Yehudit afin de garantir que la faction d’extrême-droite intègre la Knesset, rejoigne la coalition et, selon les allégations des opposants de Netanyahu, soutienne le Premier ministre dans ses efforts présumés destinés à se protéger de poursuites criminelles.
Stav Shaffir, du Camp démocratique, a salué la décision de la Cour sur Gopstein et Marzel mais a déploré que Ben Gvir n’ait pas fait l’objet d’une décision similaire.
« Il n’y a pas de place à la Knesset pour les kahanistes qui sabotent la démocratie et soutiennent la violence contre des innocents », a-t-elle déclaré au sujet du parti, qui se réclame du rabbin américano-israélien Meïr Kahane, fondateur du parti anti-arabe Kach.
L’AFP a contribué à cet article.