Israël en guerre - Jour 364

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La décision de la Cour suprême sur le monopole du rabbinat sera-t-elle respectée ?

Dans un jugement historique visant à embrasser la diversité du peuple juif, les conversions hors des autorités religieuses d’Israël doivent être acceptées pour l’état civil. Mais cette décision sera-t-elle “avortée” par une coalition de députés religieux ?

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

La présidente de la Cour suprême Miriam Naor lors d'une audience relative à la démolition de maisons de terroristes arabes, le 29 octobre 2015 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)
La présidente de la Cour suprême Miriam Naor lors d'une audience relative à la démolition de maisons de terroristes arabes, le 29 octobre 2015 (Crédit : Yonatan Sindel / Flash90)

Bien que né au Koweït dans une famille de réfugiés palestiniens, Mark Halawa vit aujourd’hui avec son épouse et sa fille juives dans le cœur de Jérusalem. Son chemin vers Israël est sinueux, et a commencé comme adulte au Canada, quand des discussions sur les racines juives de sa mère avec un accueillant rabbin du Habad ont déclenché un changement de son identité.

Halawa a été de plus en plus attiré par le judaïsme et a finalement décidé de cimenter son engagement et de suivre une conversion respectant strictement la halakha [loi juive]. Après des années d’étude, il est devenu juif dans la ville israélienne ultra-orthodoxe de Bnei Brak en 2013.

Mais c’est seulement jeudi qu’Halawa a gagné le droit à la citoyenneté juive en Israël.

Dans un jugement historique de la Cour suprême, une session plénière complète de neuf juges a établi que pour le statut civil israélien, la loi du retour reconnaissait les conversions des milliers de juifs en Diaspora qui, comme Halawa, se sont convertis dans une cour indépendante, en dehors des auspices du grand-rabbinat israélien.

« Dimanche matin, je vais commencer mon processus de citoyenneté », a déclaré un Halawa enthousiaste tout en se préparant pour Shabbat. « Je veux l’alyah [immigration juive en Israël], je veux commencer à faire des choses ici. »

Mark Halawa, né au Koweit, est un réfugié palestinien qui a retrouvé ses racines juives et vit comme un juif pratiquant à Jérusalem aujourd'hui.(Crédit : Amanda Borschel-Dan / The Times of Israel)
Mark Halawa, né au Koweit, est un réfugié palestinien qui a retrouvé ses racines juives et vit comme un juif pratiquant à Jérusalem aujourd’hui.(Crédit : Amanda Borschel-Dan / The Times of Israel)

Aux côtés de centaines d’autres en Israël, Halawa – et l’un des pétitionnaires de l’affaire de la Cour suprême – s’est converti dans le tribunal du rabbin Nissim Karelitz. Bien que leurs conversions soient « casher » selon la halakha, jusqu’à jeudi leur statut en Israël procurait du stress, des complications bureaucratiques et de l’incertitude.

‘Dimanche matin, je vais commencer mon processus de citoyenneté’

Halawa, un militant pro-Israël populaire qui chante les louanges du pays dans le monde, a déclaré que sa situation civile était devenue si précaire en Israël que lui et sa femme avaient commencé à discuter de s’installer à l’étranger.

« J’adorerais payer des impôts ici », a-t-il déclaré, ajourant qu’on lui avait proposé du travail au ministère des Affaires étrangères, mais qu’il devait être citoyen pour pouvoir être payé. « C’est si difficile de faire des choses ici côté travail… Je veux contribuer à ce pays. »

Pour beaucoup de convertis vivant des vies juives en Israël et en Diaspora et qui ont lié leur destin à celui du peuple juive, depuis que leurs conversions ne sont pas reconnues par le grand-rabbinat d’Israël, ils sont coincés dans une sorte de limbe existentielle vis-à-vis d’Israël.

Sans législation claire, de multiples pétitions ont été présentées devant la Cour suprême au cours des dix dernières années, mais ils attendent toujours un jugement sur leur statut civil.

« Il y a beaucoup de personnes qui sont coincées, qui ne peuvent ni avancer ni reculer à cause de l’incertitude sur leur statut juif. Cela ravive leur judaïsme et renforce Israël à l’étranger dans le même temps », a déclaré Halawa.

‘Le peuple d’Israël est un’

En effet, dans son jugement critique de jeudi, la juge de la Cour suprême Miriam Naor a eu un moment Emma Lazarus.

Alors que les politiciens orthodoxes ont récolté l’attention de médias dernièrement pour des déclarations désobligeantes et répétées à l’encontre de la communauté juive non orthodoxe, Naor devrait faire accueillir à Israël toute la diversité de la communauté juive de la Diaspora sur ses rivages surpeuplés.

La présidente de la Cour suprême, Miriam Naor; à la première réunion du comité de sélection judiciaire israélien au ministère de la Justice à Jérusalem le 9 aoû, 2015. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash 90)
La présidente de la Cour suprême, Miriam Naor; à la première réunion du comité de sélection judiciaire israélien au ministère de la Justice à Jérusalem le 9 aoû, 2015. (Crédit : Yonatan Sindel / Flash 90)

Signifiant l’importance du sujet, une plénière complète de juges a entendu les représentants de quatre défendants de trois affaires, une de 2006 et deux de 2011.

Ils ont été entendus dans une pétition combinée contre le ministère de l’Intérieur, l’état civil, l’autorité des conversions (via le bureau du Premier ministre) et les autorités de l’immigration. Les mouvements réformé et conservateur d’Israël s’étaient joints aux plaignants, ainsi que l’union mondiale pour un judaïsme progressif.

Le jugement comprend cinq pages de réfutation du refus de l’Etat de reconnaître comme juif les quatre individus qui se sont convertis au judaïsme en dehors des auspices du grand-rabbinat. Les juges Naor, Elyakim Rubinstein et Neal Hendel ont également réprimandé à plusieurs reprises le gouvernement d’aujourd’hui et des générations de politiciens pour leur extrême incapacité à mettre en place une législation claire sur la conversion.

‘La loi du retour reflète l’objectif de maintenir l’union du peuple juif en Diaspora et en Israël’

Selon Naor, une lecture large de la loi du retour de 1950 est essentielle pour que l’Etat d’Israël maintienne ses natures juive et démocratique. Il n’y a pas de place pour un traitement inégalitaire au sein de la diversité du peuple juif, a-t-elle écrit, et, par conséquent, au moins pour un objet civil laïc, le grand-rabbinat d’Israël ne peut pas être la seule autorité reconnue pour la conversion.

« Le peuple d’Israël est en fait un peuple, mais dispersé aux quatre coins du globe, et composé de beaucoup de communautés, avec des nuances différentes et des variations au sein de ces mêmes communautés. Par conséquent, la loi du retour reflète, en plus de la promotion de l’alyah, l’objectif de maintenir l’union du peuple juif en Diaspora et en Israël », écrit Naor.

Semblant réfuter l’idée que les individus utiliseraient la conversion comme un moyen d’immigration, citant le Livre de Jérémie (31:17), Naor écrit qu’une approche sectaire de la loi du retour est un anathème de l’idée de rassemblement des exilés, et par conséquent contraire à la nature essentielle de pays juif.

La portée sectaire des répondants ne permet pas cette inclusion, mais réduit plutôt de manière substantive le droit à l’alyah et ne prend pas en considération la diversité existante des communautés juives, et est donc inacceptable, a écrit Naor.

De ‘sans religion’ à juif en une nuit

Un jour après que le jugement historique de la Cour suprême qui a accepté la conversion au judaïsme en dehors des seuls auspices du grand-rabbinat israélien, le rabbin Seth Farber a déjà reçu des emails de convertis vivant en dehors d’Israël et demandant si leurs conversions au judaïsme étaient à présent considérées comme assez « casher » pour immigrer.

Un Sud-Américain, qui comme Halawa s’est converti via le tribunal ultra-orthodoxe Kurelitz, a demandé s’il pouvait immigrer « demain » en Israël, a déclaré Farber vendredi matin. Avant de transférer l’affaire à un autre avocat, l’association de Farber, Itim, qui aide les immigrants à naviguer dans le bourbier bureaucratique du grand-rabbinat, était l’un des premiers pétitionnaires de l’affaire de 2006 arrêtée jeudi par la Cour suprême.

Le dirigeant de Itim, le rabbin Seth Farber, et Martina Pagacova à la Cour suprême à Jérusalem, le 30 juin 2015 (Crédit : autorisation Itim)
Le dirigeant de Itim, le rabbin Seth Farber, et Martina Pagacova à la Cour suprême à Jérusalem, le 30 juin 2015 (Crédit : autorisation Itim)

Bien que cette pétitionnaire ne soit pas assurée de recevoir une reconnaissance civile parce qu’elle résidait illégalement en Israël au moment de sa conversion, le jugement sur le sujet juridique a une résonnance immédiate pour les 150 Israéliens qui se sont convertis via les tribunaux de conversion orthodoxes de Farber, indépendants et récemment fondés.

L’initiative débutante Giyur Kahalacha a été soutenue par des dirigeants halachiques respectés, comme le grand rabbin d’Efrat Shlomo Riskin, le rabbin Nachum Rabinovitch de Maale Adumim, l’ancien rabbin politicien du Shas Haim Amsalem, le rabbin d’Otniel Reem HaCohen, et le dirigeant du mouvement rabbinique Tzohar, le rabbin David Stav. Il tente de résoudre le statut problématique douloureux d’environ 400 000 immigrants en Israël qui soit ne sont pas nés juifs selon la définition halakhique, soit ne peuvent pas prouver leur origine juive à la satisfaction du rabbinat.

En opposition aux demandes de plus en plus strictes du rabbinat aux convertis potentiels, Giyur Kahalacha a une position plus accueillante et indulgente et voit la conversion comme le début de la formation à l’identité juive, pas la fin du jeu.

Farber a expliqué que le jugement de jeudi de la Cour suprême reconnaît pour la première fois qu’aujourd’hui, contrairement à l’idée du 20e siècle des mouvements juifs, la communauté juive du 21e siècle est un judaïsme de diversité.

« Il dit aussi au gouvernement qu’il y a un problème dans ce pays qui doit être résolu », a déclaré Farber.

Le rabbi d'Efrat Shlomo Riskin (deuxième à gauche) pendant un examen de conversion au tribunal rabbinique Giyur Kahalacha, en novembre 2015. (Crédit : autorisation)
Le rabbi d’Efrat Shlomo Riskin (deuxième à gauche) pendant un examen de conversion au tribunal rabbinique Giyur Kahalacha, en novembre 2015. (Crédit : autorisation)

Pour les convertis Giyur Kahalacha, qui résident largement en Israël en tant que non juifs avec un grand-parent juif, ce jugement leur permet d’être reconnus dans le registre de la population comme juif. Aujourd’hui, ils sont enregistrés « sans religion », a déclaré Farber.

Pour les convertis Giyur Kahalacha, jusqu’à présent, leurs conversions étaient des actes privés d’affirmation religieuse. « Mais à présent, la Cour suprême dit que l’Etat d’Israël vous reconnaît en tant que juif », a déclaré Farber.

‘Cela change la vie parce que beaucoup de nos personnes ne s’intéressent pas au rabbinat. Ils veulent savoir que l’Etat les reconnaît en tant que juifs’

« Cela a une énorme portée symbolique, a déclaré Farber. Cela change la vie parce que beaucoup de nos personnes ne s’intéressent pas au rabbinat. Ils veulent savoir que l’Etat les reconnaît en tant que juifs ; c’est très important. »

Bien que personnellement significatif, en terme d’impact pratique, Farber a reconnu qu’il y a un long chemin à faire avant que les juifs qui se sont convertis en dehors du rabbinat ne jouissent de la parité religieuse.

« C’est un jalon, mais notre objectif réel est de résoudre le problème de la conversion et de résoudre la question ‘qui est juif ?’ Il y a encore beaucoup de travail devant nous », a-t-il déclaré.

Farber, comme les juges Naor, Hendel et Rubinstein, est clairement frustré par le quasi vide juridique et l’absence de volonté pour atteindre un compromis de la part du gouvernement. Dans son long jugement, Rubinstein a détaillé pour le protocole de l’histoire des exemples indénombrables dans lesquels le progrès a été entravé par la politique.

« J’ai toujours considéré la Cour suprême comme le dernier ressort », a déclaré Farber.

Un jalon important dans la bataille pour le pluralisme religieux

L’avocate Nicole Maor a représenté les mouvements réformé et conservateur en tant que répondants à la pétition. Rentrée tard chez elle jeudi, elle a souligné l’importance de la décision.

« La Cour suprême a établi aujourd’hui qu’il y a plus d’une manière d’être reconnu comme juif dans l’Etat d’Israël. Elle a établi qu’il ne peut pas y avoir de discriminations entre les conversions faites à l’étranger et celles faites en Israël », a déclaré Maor.

Pendant des années, la communauté juive libérale a été forcée de jongler dans sa lutte pour la reconnaissance de ses conversions en Israël, au point de faire voyager ses convertis à l’étranger pour des « conversions express » puisque celles réalisées en Israël n’étaient pas considérées comme valides pour l’état civil.

Nicole Maor, avocate du centre d'action religieuse du mouvement réformé en Israël, spécialisée dans l'aide légale aux immigrants. (Crédit : autorisation)
Nicole Maor, avocate du centre d’action religieuse du mouvement réformé en Israël, spécialisée dans l’aide légale aux immigrants. (Crédit : autorisation)

« Bien que la décision soit liée aux conversions haredi réalisées en Israël, les bases sont posées pour un jugement établissant l’égalité des conversions réalisées dans toutes les communautés juives reconnues en Israël. Elle a nié chaque argument que l’Etat a utilisé pour essayer de justifier la non reconnaissance des conversions réformées et conservatrices pratiquées en Israël, a déclaré Maor. C’est vraiment un jalon important dans la bataille pour le pluralisme religieux en Israël. »

Dans un long email de réponse de Californie, le rabbin avocat et militant de la liberté religieuse, Uri Regev, le dirigeant de l’ONG israélienne Hiddush, a également souligné l’importance du jugement pour le pluralisme juif en cela qu’il ouvre la voie à la reconnaissance totale des conversions de la communauté juive progressive pour le statut de citoyen dans le cadre de la loi du retour.

« L’importance principale de ce jugement est qu’il clarifie à nouveau que la législation sur la question de ‘qui est juif ?’ pour des raisons d’enregistrement et d’état civil doit être définie d’une manière large et pluraliste, qui inclut la diversité des mouvements juifs qui existent au sein du peuple juif », a déclaré Regev.

En apparence, la décision de jeudi de la Cour suprême est une grande victoire pour le pluralisme religieux.

Le dirigeant du parti Shas Aryeh Deri (à gauche) avec Moshe Gafni, de Yahadout HaTorah, le 2 septembre 2015. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le dirigeant du parti Shas Aryeh Deri (à gauche) avec Moshe Gafni, de Yahadout HaTorah, le 2 septembre 2015. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Cependant, a suggéré un Regev cynique, puisque la décision est une étape claire vers la rupture du monopole du rabbinat, les politiciens religieux de la Knesset vont sûrement se lever et légiférer pour « avorter » la décision de la Cour, comme ils l’ont fait avec d’autres jugements « progressistes », comme l’utilisation des bains rituels [mikvés] pour les conversions juives libérales en Israël.

Ou peut-être, a déclaré Regev, pour encore arriver à leurs fins, les politiciens religieux vont simplement menacer de renverser la coalition si fragile du gouvernement, comme cela semble être le cas pour le compromis égalitaire très annoncé au mur Occidental.

« Le jugement traite certes du sujet de la conversion privée », a déclaré Regev. Mais il est emblématique d’un combat bien plus profond – l’affrontement entre les pouvoirs législatif et judiciaire d’Israël concernant la nature essentielle d’Israël.

« Tous ceux qui s’inquiètent de l’identité d’Israël en tant qu’Etat à la fois juif et démocratique devraient se battre de toutes leurs forces pour empêcher une législation qui nuirait à la Cour suprême et tenterait de nier et castrer ses décisions », a déclaré Regev.

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