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La folle histoire du rabbin danois qui amena le monde animal en Israël

Une exposition et un nouveau film racontent l'histoire tendre et curieuse de Mordechai Shorenstein, un rabbin devenu célèbre pour son amour des animaux sauvages

Le rabbin Mordechai Shorenstein promène son tigre en laisse à Tel Aviv (Autorisation)
Le rabbin Mordechai Shorenstein promène son tigre en laisse à Tel Aviv (Autorisation)

Une girafe adulte observe la rue depuis le balcon du Beit Hair, l’hôtel de Tel Aviv, son long cou traversant les vitres du bâtiment historique de deux étages. Un toucan coloré est perché sur une terrasse voisine ; plus au sud, un chameau à deux bosses broute de l’herbe ; et une tarentule s’échappe de l’ancien bureau de Meir Dizengoff, le maire légendaire de Tel Aviv.

L’exposition « ZOO Tel Aviv » a récemment pris ses quartiers dans cet édifice historique. Les créatures actuellement exposées sont toutes des modèles en plastique, mais elles commémorent les lions, les tigres et les ours du zoo de Tel Aviv – une attraction très prisée pendant 42 ans d’activité, de 1938 à 1980.

Pendant presque la moitié de cette période, le zoo était installé à côté des bureaux de la municipalité, place Rabin, et accueillait environ 800 animaux – un voisinage pour le moins bruyant. Les bureaucrates de la ville ont longtemps travaillé au son du barrissement des éléphants et des hurlements des singes.

Illustration de Beit Hair et des animaux du rabbin Shorenstein (Illustration : Geffen Refaeli, “Bezalel Academy, Department of Visual Communication)

En plus de l’exposition présentée à Beit Hair qui permet de découvrir de faux animaux et des illustrations graphiques réalisées par les étudiants de l’Académie d’art et de design Bezalel de Jérusalem, le zoo autrefois emblématique de Tel Aviv est aussi commémoré cette semaine par la sortie d’un documentaire.

« There are no Lions in Tel Aviv » (« Il n’y a pas de lions à Tel Aviv ») a été présenté dans le cadre du festival du film Docaviv. Ce documentaire relate l’histoire de l’établissement du zoo dans la toute jeune ville israélienne, le projet passionné d’un rabbin originaire de Copenhague, amoureux des animaux.

« Les histoires qui n’ont jamais été racontées m’intéressent toujours », explique Duki Dror, réalisateur du film, « tout comme m’intéressent les gens qui ont façonné les lieux qu’ils habitaient mais que l’histoire a oubliés ».

Une personnalité déterminante du zoo de Tel Aviv aura été Mordechai Shorenstein, un rabbin danois ayant immigré en 1935 dans la ville, avec deux cages à oiseaux et leurs nombreux pensionnaires – ainsi que le désir de rapprocher les enfants de Tel Aviv du monde naturel.

Shorenstein commença modestement, avec une petite animalerie située au 15 de la rue Sheinkin, où il vendait 200 espèces d’oiseaux (et des petits singes). Le magasin, qu’il avait appelé « le zoo », est tout de suite devenu une attraction pour les enfants de toute la ville – et pour leurs parents aussi.

Les animaux étant devenus de plus en plus nombreux, le rabbin abandonna sa boutique de la rue Sheinkin pour s’installer dans un bâtiment d’allure modeste à un étage, plus proche du front de mer, rue HaYarkon.

Des photos de lui promenant en laisse ses lions Gibor et Tamar dans tout Tel Aviv, comme s’ils étaient des chiens, existent encore. Mais lorsque l’ours s’échappa un jour (il sera capturé plus tard par les vétérinaires municipaux), il est clairement apparu qu’il fallait vite trouver une autre solution.

A sa nouvelle adresse, il y avait bien un jardin où les animaux pouvaient passer leur journée à l’extérieur avant de partager le toit de Shorenstein pendant la nuit. Le rabbin cohabitait alors avec des serpents, un ours, un perroquet chantant et répondant au nom de Valencia, deux lions, Gibor et Tamar, offerts par un zoo du Caire alors qu’ils étaient des lionceaux.

On le surnommait le Rabbi Dolittle.

Dans l’ensemble, Shorenstein et ses colocataires s’accordaient plutôt bien avec le quartier en bordure de mer alors en plein développement. Des photos de lui promenant en laisse ses lions Gibor et Tamar dans tout Tel Aviv, comme s’ils étaient des chiens, existent encore. Mais lorsque l’ours s’échappa un jour (il sera capturé plus tard par les vétérinaires municipaux), il est clairement apparu qu’il fallait impérativement trouver une autre solution. C’est là que le projet de création d’un zoo vit le jour.

Johnny Zusia, gardien du zoo de Tel Aviv, avec des lionceaux (Autorisation : Meitar Collection)

Une organisation des « Amis du zoo de Tel Aviv » fut fondée et signa une pétition recommandant vivement à la municipalité d’octroyer des terres à Shorenstein pour qu’il y installe un zoo.

Une demande acceptée par la municipalité, qui alloua alors au projet un verger en friche dans ce qui était alors une zone reculée, au nord-est de la ville. Ce nouveau site était à l’époque si éloigné du centre-ville que Shorenstein craignait que personne ne fasse le voyage, faisant de la publicité dans toute la ville – certaines avaient été illustrées par des artistes reconnus comme Nahum Gutman.

Les craintes de Shorenstein allaient s’avérer infondées : lors de l’ouverture du zoo, en 1938, le succès fut immédiat. Accompagnant des images d’archives, tournées lors de sa première année d’existence et présentées dans « Il n’y a pas de lions à Tel Aviv », le narrateur note que « parmi toutes les institutions culturelles de la ville, le zoo est particulièrement remarquable ».

Environ 50 000 visiteurs visitèrent le zoo l’année de sa création, à une époque où la population de Tel Aviv comptait environ 120 000 personnes.

Illustration du rabbin Shorenstein avec une lionne (Illustration : Autorisation de Geffen Refaeli, Académie Bezalel, département de communication visuelle)

« Les résidents de Tel Aviv [et même plus – les habitants arabes de Jaffa] apprécient particulièrement cette entreprise précieuse et s’y rendent souvent », avait écrit Israel Aharoni, premier zoologue en poste dans la région qui définit les noms en hébreu de nombreuses espèces animales, dans une lettre adressée en 1945 au maire de Tel Aviv, Israel Rokach. « Le zoo est devenu un facteur important dans la vie de tous, indépendamment du statut social ou de l’âge ».

Dans les années 1960, le zoo – qui se trouvait alors dans des banlieues inhabitées de la ville – s’est retrouvé au beau milieu d’un quartier résidentiel

Au cours des deux premières décennies de son existence, le zoo continua de s’agrandir, accueillant de nouveaux animaux fêtés lors de parades quand ils se rendaient dans leurs nouvelles habitations. Mais Tel Aviv aussi s’élargissait et dans les années 1960, le zoo – qui se trouvait alors dans des banlieues inhabitées de la ville – s’est retrouvé au beau milieu d’un quartier résidentiel.

Certains immeubles d’appartements se trouvaient à six mètres seulement du zoo. Des voisins ont rapidement commencé à se plaindre du bruit et des mauvaises odeurs, réclamant au maire de déplacer les animaux. Au milieu des années 60, des projets de relocalisation du zoo dans le plus grand espace vert de Tel Aviv le parc HaYarkon, furent envisagés, mais il resta au nord de la place Rabin jusqu’à l’ouverture du zoo de Ramat Gan en 1980.

Les pensionnaires furent déplacés un par un vers leur nouvel habitat, bien plus vert et qui leur offrait des conditions de vie bien plus spacieuses. Il reste aujourd’hui deux expatriés du zoo de Tel Aviv encore en vie : les éléphants Motek et Varda.

Motek et Varda, les deux éléphants qui avaient appartenu au zoo de Tel Aviv du rabbin Mordechai Shorenstein et qui sont encore en vie au zoo de Ramat Gan (Autorisation : Ramat Gan Safari)

Pour Dror, le réalisateur du documentaire qui a passé quatre années à faire des recherches sur le zoo après avoir appris son histoire grâce à l’artiste Zeev Engelmayer, Shorenstein est la personnalité la plus intéressante de tous les personnages du zoo.

Duki Dror, réalisateur d’un documentaire sur le fondateur du zoo à Tel Aviv qui a été récemment projeté au festival du film Docaviv (Autorisation : Duki Dror)

« C’est une histoire qui met en lumière des personnalités qui, c’est mon sentiment, ont été surprenantes et ont eu une immense influence sur nos vies : des personnalités qui ont créé quelque chose à partir de rien et dont la pensée était différente », explique-t-il. « Nous vivons actuellement à une époque où nous ne voyons plus de telles personnes ».

Engelmayer, qui a donné à ses étudiants de Bezalel Shorenstein comme sujet d’études visuelles ces dernières années et qui a contribué à l’exposition « ZOO Tel Aviv », affirme pour sa part que « l’histoire de Mordechai Shorenstein est l’histoire du docteur Doolittle israélien ».

« C’est une histoire merveilleuse, triste, d’un homme obsédé qui avait une vision folle, mais qui était parvenu à en faire une réalité. Il y a tout ce qu’on peut demander dans ce récit », conclut-il.

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