La Grande synagogue de Paris critiquée pour avoir invité Eric Zemmour
Le chef du CRIF a dénoncé l’invitation de l'historien juif qui prétend que le régime de Vichy pro-nazi a tenté de sauver les Juifs français durant l'Holocauste
Vendredi, un dirigeant juif français a critiqué la décision de la Grande synagogue de Paris d’accueillir un débat auquel participait un historien juif populaire controversé dans les milieux d’extrême-droite, qui a dit que le gouvernement fantoche pro-nazi de la France avait sauvé les Juifs français pendant la Shoah.
Francis Kalifat, président Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a déclaré à JTA que Eric Zemmour « n’aurait pas dû être invité » à la Grande synagogue de Paris le mois dernier pour un débat sur les archives historiques du régime de Vichy.
Lors de ce débat qui s’est déroulé le 1er juin, avec l’ancien grand rabbin de France Gilles Bernheim, Zemmour a réitéré l’essentiel de sa thèse sur Vichy, établissant qu’ « il y a effectivement un pacte avec le diable, c’est-à-dire que, effectivement Vichy donne les juifs étrangers dont de toute façon il voulait se débarrasser, pour préserver les juifs français ».
Il a mentionné la critique par le noyau dur pro-fasciste au sein du gouvernement de Vichy de la présence de certains Juifs en France.
Avant que l’Allemagne n’envahisse la France en 1940, des dizaines de milliers de Juifs allemands et d’Europe centrale ont fui vers la France. L’affirmation de Zemmour est qu’ils ont été sacrifiés par le gouvernement collaborationniste du maréchal Pétain pour sauver les Juifs nés en France.
Mais Yad Vashem, le musée de l’Holocauste à Jérusalem, ne fait pas cette distinction. Il précise que Pierre Laval, le Premier ministre du régime de Vichy, a été l’initiateur de l’expédition des enfants juifs dans le cadre de la déportation du Vel d’Hiv’ de 23 000 Juifs en juillet 1942 vers les camps de la mort – dont beaucoup étaient des citoyens français.
Quand les Juifs se sont cachés en France, « les autorités allemandes et françaises ont répondu en organisant des raids dans les zones rurales », a écrit Yad Vashem. Environ 22 % des 350 000 Juifs français ont péri dans l’Holocauste – moins en termes de pourcentage qu’aux Pays-Bas et en Belgique, mais plus qu’en Italie ou en Bulgarie.
Zemmour a cité des données montrant que 90 % des Juifs français avaient survécu à l’Holocauste dans la clandestinité – une proportion qui, affirme-t-il, prouve que le gouvernement de Vichy les a protégés.
Cependant, les historiens ont fait valoir que le taux de survie plus élevé des Juifs français nés sous l’Occupation était dû à leurs compétences et leurs connaissances linguistiques qui leur ont permis de se cacher plus facilement que les Juifs étrangers vivant sur le territoire.
Bernheim a noté cet argument et a tenté de déconstruire les arguments du polémiste. Il a également déclaré que les lois anti-juives adoptées par Vichy ne faisaient aucune distinction entre les Juifs étrangers et les locaux, et que la haine des deux provenait de la xénophobie.
« Zemmour est libre d’exprimer son opinion, mais une synagogue n’est pas un endroit approprié parce que sa défense du gouvernement de Vichy est perçue comme une insulte aux victimes qui ont été assassinées », a déclaré Kalifat. « Je pense que les administrateurs de la synagogue ont fait une erreur, une erreur que je ne comprends pas ».
Jacques Canet, le président de la synagogue, a écrit dans un communiqué que c’était un lieu approprié, car c’est un symbole du « judaïsme français » et que les allégations de Zemmour ont été « fortement et clairement » attaquées par Bernheim.
En 2010, Zemmour a dit que la plupart des trafiquants de drogue en France étaient d’origine africaine ou arabe et que les employeurs avaient donc le droit de rejeter les demandeurs d’emploi de ces ethnies. Il a été reconnu coupable de discours de haine pour ces affirmations, qui, avec sa défense des fascistes français, font de lui une figure populaire dans certains milieux d’extrême-droite.
Sammy Ghozlan, le fondateur du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme, organisme de surveillance français, a rejoint la critique de Kalifat, qualifiant ce débat avec Zemmour, le mois dernier à la synagogue devant une foule de 1 300 personnes, d’ « inacceptable ».
Ghozlan a dit que Zemmour « justifiait l’antisémitisme du régime de Vichy ».
Au cours du débat, Zemmour a déclaré que « l’on croyait à l’époque que les Juifs avaient trop d’influence, qu’ils dominaient excessivement l’économie, les médias, la culture française » et que cela était « en partie vrai ».
Certains Français, a-t-il ajouté, « ont constaté que les Juifs se comportaient avec l’arrogance d’un colon ».
Enfin, Zemmour a récemment déclaré que le port de la kippa est un « selfie-religieux, la vulgarité contemporaine du narcissisme et du consumérisme. »