La haute cour s’interroge sur la “clause de stabilité” de l’accord gazier controversé
Le gouvernement a une semaine pour répondre aux questions sur la disposition empêchant des changements de l’accord cadre pendant 10 à 15 ans
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
La haute cour de justice a remis en cause un élément clé de l’accord cadre controversé du gouvernement pour développer les champs de gaz naturel récemment découverts en Israël, s’interrogeant sur sa capacité à garantir les termes de l’accord pour les années à venir sans législation de la Knesset.
Dans un avis publié lundi, la cour a exprimé ses réserves sur une clause comprise dans l’accord, qui empêche l’Etat de faire un changement substantiel dans l’accord cadre pendant 10 à 15 ans. Elle a demandé que le gouvernement réponde à ses questions sous sept jours.
« Nous nous concentrons en ce moment sur les dispositions traitant de la stabilité de l’accord, et sur la question de savoir si ce type de clause est possible sans législation », a écrit la cour.
« Afin de lever tous les doutes, nous voulons savoir s’il y a une possibilité d’inscrire cette clause dans la loi », a ajouté le communiqué.
L’accord accorderait à un consortium de deux compagnies – l’américain Noble Energy et l’israélien Delek Group – les droits pour développer le champ de gaz Léviathan en mer Méditerranée, le plus grand jamais trouvé dans les eaux territoriales israéliennes.
L’avis a été publié à la suite de l’apparition du Premier ministre Benjamin Netanyahu dimanche devant la cour, où il a exhorté à l’approbation de l’accord, déclarant qu’il était crucial pour assurer la sécurité et la place d’Israël au Moyen Orient.
Si l’accord actuel n’est pas approuvé, a-t-il déclaré au jury de cinq juges, « nous perdrons nos exportations potentielles vers la Jordanie, la Turquie, l’Egypte, les Palestiniens et aussi l’Union européenne ».
La présence du Premier ministre devant la haute cour pour défendre l’accord est presque inédite dans les annales de la cour, et vient après la demande de Netanyahu, en tant que ministre de l’Economie, d’obtenir la permission de témoigner en personne en réponse à une contestation judiciaire contre le projet d’accord.
Netanyahu a cherché à convaincre les juges de rejeter cinq demandes soumises par des partis d’opposition et une poignée d’ONG demandant une injonction contre le projet.
La « clause de stabilité », qui a été incluse dans l’accord sur ordre des compagnies gazières, craignant qu’un changement du cadre n’affecte la profitabilité du projet, a entraîné une opposition considérable des organisations protestant contre l’accord. Mais certains ont prédit que sans elle, les compagnies pourraient mettre à exécution leur menace de se retirer ensemble du projet.
« Le public voit la clause de stabilité comme si l’Etat s’était soumis aux compagnies gazières. L’Etat a besoin de stabilité ; peut-être même plus que nous. Sans stabilité, il ne peut pas y avoir de développement des réserves de Léviathan ou d’autres réserves de gaz. Et s’il n’y a pas de développement des réserves de gaz, c’est l’Etat qui perd », a déclaré un cadre supérieur d’une compagnie gazière à Globes.
Faisant écho au témoignage qu’il avait donné devant un jury de la Knesset avant l’approbation de l’accord, il a prévenu qu’ « Israël est vu [à l’étranger] comme un état sur-régulé, et cela nous crée un problème important. D’autres pays iront vers nos ennemis et achèteront [du gaz] chez eux. »
Ces inquiétudes, a-t-il déclaré, explique pourquoi « nous sommes maintenant à un moment décisif ».
Dans une attestation soumise à la cour la semaine dernière avant son témoignage, Netanyahu avait affirmé qu’un échec dans la mise en place de l’accord nuirait à la sécurité d’Israël, à son économie et à ses relations étrangères.
L’audience de la cour de dimanche pourrait être décisive, alors que Netanyahu se bat pour le droit de passer outre la décision de décembre 2014 de David Gilo, alors commissaire anti-trust du pays, qui a jugé que le consortium Noble – Delek pourrait violer les lois anti-trust.
En décembre 2015, Netanyahu a réussi à surmonter un délai d’un an dans l’approbation de l’accord controversé à la Knesset et au cabinet – mais seulement en se nommant lui-même ministre de l’Economie à la place d’Aryeh Deri, qui a démissionné.
Le ministre de l’Economie peut passer outre une décision anti-trust grâce à l’article 52 de la loi anti-trust, si le ministre détermine que le monopole est dans l’intérêt diplomatique ou de sécurité nationale d’Israël.
Après être devenu ministre de l’Economie en novembre, Netanyahu a finalement signé l’accord controversé avec les compagnies gazières le 17 décembre.
Les audiences en cour sont le dernier obstacle pour l’accord de bail, des députés et des ONG, dont le mouvement pour un gouvernement de qualité, qui affirment que les justifications du Premier ministre pour invoquer l’article 52 ne satisfont pas les critères de la loi pour un avantage clair en sécurité nationale ou diplomatie.
Les opposants à l’accord ont affirmé que le duopole créé de fait sur le marché du gaz allait mener à des prix élevés pour les consommateurs israéliens, tandis que les partisans de l’accord pensent que les protections accordées aux compagnies gazières sont nécessaires afin de les attirer pour investir les milliards de dollars nécessaires au développement des champs.
Cinq pétitions séparées ont été remises à la haute cour, l’appelant à annuler l’accord pour ces raisons et d’autres raisons légales.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.