Israël en guerre - Jour 537

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La lettre de Yarden Bibas à Benjamin Netanyahu

Dans une lettre lue à la Knesset, l'ex-otage qui a perdu sa femme et ses deux fils demande au Premier ministre de l'accompagner lorsqu'il retournera chez lui pour la première fois, et déplore que « si peu de responsables politiques » aient pris leurs responsabilités

Yarden Bibas (à droite) aux côtés de sa sœur Ofri rend hommage à son épouse Shiri et à ses deux jeunes fils Kfir et Ariel, au cimetière régional de Tsoher, le 26 février 2025. (Capture d'écran YouTube / utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Yarden Bibas (à droite) aux côtés de sa sœur Ofri rend hommage à son épouse Shiri et à ses deux jeunes fils Kfir et Ariel, au cimetière régional de Tsoher, le 26 février 2025. (Capture d'écran YouTube / utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Voici le texte intégral de la lettre écrite par l’otage libéré Yarden Bibas au Premier ministre Benjamin Netanyahu, lue à la tribune de la Knesset le 3 mars 2025 par le député du groupe HaMahane HaMamlahti Chili Tropper, alors que le Premier ministre assistait à la séance plénière.

La Knesset tenait un débat sur les appels à la création d’une commission d’enquête d’État sur les échecs précédant l’invasion et le massacre du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023.

Au cours du débat, Netanyahu a réitéré son opposition à une telle enquête.

Après avoir lu la lettre, Tropper s’est approché de Netanyahu, lui a parlé à l’oreille et a placé la lettre devant lui.

Monsieur le Premier ministre,

Mon nom est Yarden Bibas, et au moment où ces mots vous sont lus, je suis en train de faire shiva pour mon épouse Shiri et mes enfants, Kfir et Ariel. Des enfants innocents et purs qui ont été enlevés chez eux et assassinés en captivité. Ils auraient pu être sauvés, ils auraient dû sauvés.

Les maudits terroristes ont assiégé Nir Oz en tongs. Ma famille et moi avons été violemment enlevés de notre maison et traînés à Gaza. Ce matin maudit, l’État était absent de Nir Oz. Les seuls présents étaient les héros locaux — les membres des équipes d’intervention d’urgence et les soldats courageux qui ont fait tout ce qui était en leur pouvoir, qui ont même payé de leur vie.

À présent, 514 jours plus tard, je suis rentré de Gaza dans une réalité inimaginable, dans laquelle j’ai dû enterrer toute ma famille en un seul jour. Personne ne devrait jamais avoir à traverser ce cauchemar.

Pourtant, malgré mon immense chagrin, je vous demande en cet instant d’arrêter. Ce n’est pas le moment pour la vengeance. En ce moment précis, notre devoir est de permettre le retour immédiat de nos frères et sœurs, parmi lesquels mon ami le plus proche, David Cunio, et son frère Ariel. David est mon meilleur ami depuis l’école primaire, mon voisin au kibboutz, et croupit désormais dans les tunnels du Hamas.

Le député Chili Tropper lit une lettre de Yarden Bibas au Premier ministre Benjamin Netanyahu, tandis que Netanyahu et d’autres députés écoutent, lors d’un débat sur les appels à une enquête d’État sur les échecs entourant l’invasion et le massacre du Hamas le 7 octobre 2023, le 3 mars 2025. (Chaim Goldberg / Flash90)

Je sais que je ne vais plus jamais pouvoir prendre mes enfants ou ma femme dans les bras. Mais Emma et Yuli, les deux jeunes filles de David, qui ont été prises en otage à seulement 3 ans [et ont été libérées de Gaza en novembre 2023], attendent de pouvoir serrer leur père dans leurs bras. Sa femme, Sharon, mérite de l’embrasser à nouveau.

Une fois David et les autres otages à la maison, je serai le premier à soutenir toute action qui permette le démantèlement du Hamas. En tant qu’habitant de Nir Oz, je comprends complètement que le Hamas doit être éliminé, ou bien nous ne serons jamais en sécurité. Mais nous ne devons jamais perdre de vue le caractère sacré de la vie, la dignité des morts, et notre devoir fondamental de ne laisser personne derrière — autrement nous aurons perdu notre identité même.

Monsieur le Premier ministre, 514 jours et nuits se sont écoulés et ni vous, ni votre gouvernement n’avez pris vos responsabilités. La demande d’une enquête d’État n’est pas politique — c’est un consensus national. 83 % des Israéliens appellent à sa création, en même temps que 1 500 familles de victimes de la tragédie du 7 octobre, dont la mienne.

Il ne s’agit pas de reproches personnels, mais de tirer des leçons pour éviter la prochaine catastrophe. Monsieur le Premier ministre, je vous en supplie : unissez le peuple d’Israël, apportez-nous de la sérénité, entendez l’appel de la nation et des familles en deuil. Annoncez immédiatement la création d’une commission d’enquête d’État qui permettra de renforcer la sécurité d’Israël, d’éviter la prochaine catastrophe, et de m’apporter des réponses ainsi qu’à tout le peuple d’Israël.

Comment mon fils Kfir de 9 mois et mon fils Ariel de 4 ans ont été enlevés et assassinés avec leur mère, Shiri, dans une cruauté sans nom ? Comment est-ce possible qu’après des heures à nous cacher dans l’abri, personne ne soit venu à notre secours ?

Je ne peux cesser de penser à la façon dont j’ai échoué à protéger ma femme et mes enfants. Cela me ronge de l’intérieur. Je n’avais qu’une arme de poing, je n’étais qu’un simple civil dans un kibboutz paisible. Est-ce que vous [les dirigeants israéliens] ruminez cela ? Avez-vous, vous aussi, du mal à survivre jour et nuit sans crouler sous le poids écrasant des responsabilités dans ce qui est arrivé ? Pouvez-vous vous résoudre à le dire, clairement et à haute voix ?

Tant de citoyens ont demandé pardon. Peu de responsables politiques ont fait de même. Tant de citoyens et de soldats ont assumé leurs responsabilités. Si peu de membres du gouvernement les ont imités.

Lors des funérailles, ma sœur Ofri a dit quelque chose qui a profondément résonné en moi : « Le pardon signifie accepter la responsabilité et s’engager à agir différemment — à apprendre de ses erreurs. Le pardon n’a aucun sens tant que les défaillances n’ont pas fait l’objet d’une enquête et que tous les responsables n’ont pas assumé leurs responsabilités. Le désastre que nous avons subi en tant que nation et en tant que famille n’aurait pas dû se produire et ne doit plus jamais se reproduire. »

Je ne suis pas là pour régler des comptes avec le passé. Je tente de trouver la force de regarder vers l’avenir. Je demande que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour construire un meilleur pays, plus fort et plus uni.

Alors que je regardais au dehors, depuis la voiture du cortège funèbre, j’ai vu le peuple d’Israël. J’ai vu une nation en deuil — des religieux, des laïcs, des ultra-orthodoxes — les uns à côté des autres, brandissant des drapeaux, les larmes aux yeux. J’ai senti leur présence, leur solidarité. Je ne les connaissais pas, mais je savais qu’ils étaient mes frères et sœurs.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’adresse à la Knesset, en séance plénière, le 3 mars 2025. À sa gauche, le président de la Knesset, Amir Ohana. (Chaim Goldberg/Flash90)

Que faites-vous, vous qui êtes nos dirigeants, pour protéger cette unité ? Vous levez-vous chaque matin en cherchant à nous diviser, ou en renforçant nos liens ? Selon moi, cette mission est tout aussi cruciale que d’envoyer des avions de chasse détruire nos ennemis. Là est notre force, là est notre âme.

Donc, Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de faire une dernière demande. Je dois encore rentrer chez moi à Nir Oz. Je ne sais pas ce qui m’y attend. Je vous demande de venir avec moi — de m’accompagner au moment où je poserai le pied dans ma maison pour la première fois depuis le 7 octobre. Faisons cela ensemble. Car si nous ne regardons pas cette tragédie dans les yeux, nous ne guérirons jamais.

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