La lutte anti-incendie en Israël, une mission qui dure 365 jours par an
Avant la saison annuelle des incendies, les équipes se sont affairées dans le parc national du mont Carmel, dans le nord - où a eu lieu un incendie dévastateur en 2010

Le 30 avril, vingt-quatre heures avant le lancement officiel de la saison des feux de forêt en Israël, le bruit des tronçonneuses rompt le calme habituel du parc national du mont Carmel alors que des hommes s’affairent à couper les branches d’arbre à basse hauteur.
L’idée, explique Natan Elbaz, directeur des forêts situées dans le district du nord au sein de l’Autorité israélienne de la nature et des parcs, est de ne laisser intacte que la partie supérieure de l’arbre de manière à ce qu’en cas d’incendie, les flammes ne puissent pas se propager depuis le dessous.
« C’est comme poser les chaises à l’envers sur une table avant de nettoyer le sol », explique-t-il. « Vous commencez par le haut des arbres et ensuite, vous travaillez sur le bas. »
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Les zones boisées méditerranéennes d’Israël sont largement impénétrables. Elles sont dominées par la présence d’arbres qui tolèrent la sécheresse, comme les pistachiers, les chênes et une grande variété d’arbustes et autres conifères.
L’épanouissement de la majorité de ces arbres résulte de milliers d’années de manipulations humaines, commente Elbaz, qui est devenu le premier garde-forestier bénéficiant officiellement de ce titre au sein de l’Autorité en 2009.
Au fil des années, certains arbres ont été coupés pour donner de l’espace aux autres – là encore, c’est une initiative visant à empêcher la propagation d’un incendie – alors qu’une maintenance annuelle permet de garantir que les arbres ont été correctement taillés, les branches coupées pour laisser le tronc.

Une fois que les arbres ont été correctement taillés et que les pluies se sont arrêtées, le gros du travail consiste à couper l’herbe et autres plantes vivaces – qui transforment brièvement l’État juif en espace vert en hiver et au printemps avant de laisser la place à un paysage sec, d’un brun doré et hautement combustible.
Pour ce travail, Elbaz et son équipe utilisent toutes sortes d’outils – dont un tracteur dont les lames sont ajustables pour couper la végétation – mais aussi des animaux, des chèvres (dont le nombre est en baisse) et des chevaux, qui sont nombreux sur le mont Carmel.

Il n’y a pas d’orages d’été en Israël, à fort potentiel d’éclairs et de foudre. Tous les feux de forêt sont d’origine humaine et ils résultent habituellement d’actes de négligence.
Empêcher les incendies, explique Elbaz, est une mission qui dure toute l’année.
C’est un travail de cartographie et de supervision, c’est aussi comprendre comment un feu va se comporter dans une topographie donnée. C’est créer des plans de travail et réexaminer avec soin les équipements.
« Il faut comprendre comment se comporte la terre, comment un feu se conduira avant même d’avoir été déclenché », souligne-t-il, regardant la baie de Haïfa depuis l’université. « Ici, par exemple, le vent d’ouest peut créer un phénomène de tunnel. »
Un règlement avait été écrit au lendemain de l’incendie infernal et sans précédent qui avait dévasté les collines du Carmel, au mois de décembre 2010.

Le feu avait fait rage pendant 77 heures, détruisant de nombreuses maisons et obligeant les milliers de résidents du secteur à évacuer en hâte. Il avait fait 44 morts – en particulier les passagers d’un bus du Service israélien des prisons qui se rendait à la prison de Damon, au cœur du parc.
L’incendie était parti des abords de la ville druze d’Usfiyye, attisé par des vents d’ouest chauds, et il s’était transformé en seulement quelques heures en « un tsunami de feu », se souvient Elbaz.
Interrogé sur les leçons déterminantes qui avaient été tirées de ce sinistre, Elbaz met l’accent sur la nécessité de former les personnels à la lutte anti-incendie avant que les pompiers des villes voisines puissent arriver sur les lieux, évoquant l’importance d’une arrivée rapide des professionnels. Il parle aussi de la sensibilisation des Israéliens auxquels il faut apprendre, selon lui, à minimiser le potentiel de danger créé par une cigarette mal éteinte ou par un barbecue.
Le désastre entraîné par l’incendie du Carmel, en 2010, avait été particulièrement destructeur en raison du nombre important de sapins, particulièrement inflammables.
Dans les temps anciens, les pins ne se seraient développés que sur les collines, explique Elbaz. Leur propagation exceptionnelle a été entraînée par la pratique du brûlis, le défrichement par le feu. Les graines de pin s’épanouissent de manière déterminante dans les cendres riches qui résultent du feu.
Ces dernières années, l’Autorité de la nature et des parcs a supprimé les espèces de pins qui ne sont pas originaires d’Israël et elle a restreint la présence du pin d’Alep, une variété orientale de l’arbre, au sommet des collines.

Elbaz et son équipe de 15 personnes travaillent depuis une cabane en préfabriqué dans le parc du Carmel.
Ils ont la responsabilité de 500 000 kilomètres-carrés de zones boisées qui s’étendent du ruisseau de Hadera, dans le centre d’Israël, à Rosh Hanikra, dans le nord-ouest, sur la frontière libanaise, et depuis le mont Hermon, sur le plateau du Golan, jusqu’au checkpoint de Beit Shean, dans la vallée du Jourdain, à l’est.
Dans ce vaste secteur, l’INPA doit maintenir des coupe-feux autour de 164 communautés qui jouxtent des bois, et environ 800 kilomètres de routes majoritairement poussiéreuses qui permettent aux pompiers de se rapprocher des éventuels sinistres.
Elle doit accorder la priorité aux secteurs qui nécessitent l’intervention – selon des facteurs qui comprennent la proximité des routes, des infrastructures (les tours de télécommunications, par exemple) et la présence humaine, que ce soit dans les communautés résidentielles ou dans les collines, aux abords des campings.
Dans le Carmel, deux secteurs géographiques distincts ont été retenus pour le gros des travaux de préparation à la lutte anti-incendie. Le premier s’étend du village druze d’Usfiyye et jusqu’à Denia, un district de Haïfa qui comprend le campus de l’université. L’autre s’étend d’Usfiyye au kibboutz Beit Oren, qui est isolé.

Concernant la plus grande partie du travail à effectuer dans les forêts, Elbaz compte sur des contractants – qui sont difficiles à trouver, selon lui, en raison d’une rémunération relativement basse – et sur la créativité israélienne.
Cette dernière est déterminante pour permettre l’arrivée rapide des pompiers sur les lieux du sinistre, ajoute-t-il, notant que cette vitesse de réaction fera la différence entre un feu contenu et un sinistre hors de contrôle.
À cette fin, l’équipe du mont Carmel de l’Autorité et de la nature et des parcs dispose de sa propre caserne, avec des équipements qui lui permettent de transporter l’eau – elle a un camion, un tracteur et même un petit wagon qui peut être poussé à la main.

« Je voyage dans le monde entier pour découvrir ce que font les autres, pour le copier et pour l’adapter à notre situation ici », commente Elbaz.
Un quincaillier implanté sur le site aide à mettre en pratique ces idées.

Elles peuvent être simples – comme avec la création de ce bras mobile en acier posé sur un socle qui, une fois affublé d’un tuyau, pourra fonctionner comme un pulvérisateur d’eau, permettant à un pompier de se livrer à d’autres tâches en lui libérant les mains.
Mais l’Autorité des parcs, comme le Fonds national juif KKL-JNF, qui assure la maintenance des zones boisées, a aussi une latitude d’action limitée.
Les villes, les villages et certaines institutions, comme l’université de Haïfa, ont la responsabilité de s’assurer que leur végétation est maîtrisée pour empêcher la propagation des incendies.

Et tous ne le font pas.
Certains n’ont pas les budgets nécessaires, indique Elbaz, tandis que d’autres ne comprennent pas ce qui est exigé de leur part en matière de débroussaillage.
« Les mêmes règles s’appliquent aux habitations privées », continue-t-il. « Il faut tailler les plantes, enlever les feuilles et les aiguilles de pin des gouttières et des chevrons sur les toits. Il faut mettre du retardant sur les terrasses, investir dans un extincteur et dans un détecteur de fumée. »
Il ajoute que « nous pourrons créer tous les coupe-feux au monde mais si individuellement, nous n’assumons pas nos responsabilités, nos habitations peuvent être réduites en cendres ».
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