La Maison Blanche a informé les Démocrates des pourparlers entre Ryad et Jérusalem
Les réunions entrent dans le cadre d'un effort tacite pour rallier un soutien à l'accord, en tenant les législateurs au courant des négociations de normalisation
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
De hauts responsables de la Maison Blanche auraient rencontré ces dernières semaines les principaux législateurs démocrates dans un effort tacite visant à rallier leur soutien aux coûts élevés que les États-Unis devront payer pour négocier un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite.
Le conseiller à la Sécurité nationale Jake Sullivan et d’autres responsables de la Maison Blanche ont rencontré le chef de la majorité au Sénat Chuck Schumer, le président de la commission sénatoriale des relations étrangères Robert Menendez et le sénateur Chris Murphy ainsi que d’autres législateurs dont l’identité n’a pas été révélée, a rapporté jeudi le New York Times, citant plusieurs responsables au fait du sujet.
L’article a été publié une semaine après que deux législateurs démocrates ont déclaré au Times of Israel qu’ils étaient « abasourdis » par la décision du président américain Joe Biden de poursuivre l’accord de normalisation en plus d’accepter potentiellement Israël dans le programme américain d’exemption de visa, ce qui renforcerait le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, à un moment où ils estiment que celui-ci sape de manière flagrante les intérêts de l’administration américaine avec sa refonte judiciaire et ses politiques hostiles envers les Palestiniens.
Les responsables s’adressant au New York Times ont précisé que la Maison Blanche ne faisait pas ouvertement pression sur les législateurs pour qu’ils soutiennent un éventuel accord de normalisation, mais essayait plutôt de les tenir au courant des négociations afin que les Démocrates ne se sentent pas pris au dépourvu quand on leur demanderait d’approuver les coûts élevés qu’un tel accord entraînerait probablement. Les réunions ont été l’occasion pour les hauts responsables démocrates d’entendre certaines des demandes saoudiennes et de faire part de leurs commentaires.
L’Arabie saoudite pourrait chercher à conclure un traité de sécurité mutuelle semblable à celui de l’OTAN qui obligerait les États-Unis à prendre sa défense si le pays est attaqué ; à développer un programme nucléaire civil surveillé et soutenu par les États-Unis ; et à acheter des armes plus avancées à Washington.
En échange, les États-Unis pourraient demander à Ryad de réduire considérablement ses liens économiques et militaires avec la Chine et la Russie et de renforcer la trêve qui a mis fin à la guerre civile au Yémen. L’Arabie saoudite devrait également exiger des mesures israéliennes importantes pour garantir un État palestinien indépendant, bien que Ryad n’ait pas encore décidé quelles pourraient être ces mesures.
Tout nouveau traité américain avec l’Arabie saoudite nécessiterait le soutien des deux tiers du Sénat – une tâche ardue compte tenu de la réticence républicaine à donner à Biden une victoire en politique étrangère et une préoccupation démocrate majeure concernant le bilan de Ryad en matière de droits humains.
En 2021, 28 Démocrates au Sénat ont voté contre un projet de vente d’armes à l’Arabie saoudite, tandis que 22 – dont Menendez et Murphy – ont voté pour.
Un programme de recherche nucléaire civile soutenu par les États-Unis pour l’Arabie saoudite sans garanties strictes nécessiterait également l’approbation des deux chambres du Congrès.
« Il y a encore beaucoup d’embûches en cours de route. Mais si l’Arabie saoudite et Israël pouvaient s’entendre dans un accord, cela changerait radicalement la situation au Moyen-Orient, pour le mieux », a déclaré Schumer au Times dans un communiqué.
« Il existe un danger clair et présent : que la technologie nucléaire puisse être utilisée à des fins militaires, ce qui serait perçu par l’Iran comme déstabilisant la région et peut-être un motif pour une frappe ou une autre agression », a déclaré le sénateur démocrate Richard Blumenthal.
« Je pense qu’ils ont la responsabilité d’explorer toute voie qui pourrait conduire à des relations plus pacifiques ou plus stables dans cette région », a déclaré Blumenthal, qui n’est pas parmi les législateurs à avoir été informé du sujet par des responsables de la Maison Blanche. « Je ne pense pas que l’administration se fasse des illusions sur la difficulté ou l’importance de ces obstacles. »
Le sénateur démocrate Chris Van Hollen a déclaré au Times que tout accord obligerait sans doute Israël à faire des concessions importantes aux Palestiniens.
« Nous mettons beaucoup de choses sur la table pour la normalisation, et nous voulons encadrer cela d’une manière qui assurerait une paix stable au Moyen-Orient », a déclaré Van Hollen au Times of Israel la semaine dernière. Il estime que Ryad pourrait notamment réclamer un gel des implantations, le démantèlement de tous les avant-postes illégaux et l’autorisation de l’expansion des villes palestiniennes dans la zone C de Cisjordanie contrôlée par Israël.