La Maison Blanche fustige Abbas pour avoir dit à Poutine ne pas leur faire confiance
Poutine est loin d'être le "partenaire international idéal pour prendre en charge de manière constructive le conflit israélo-palestinien", a déclaré un porte-parole américain
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
La Maison Blanche a émis samedi un rare blâme public à l’encontre du dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, après que ce dernier a publiquement rejeté les efforts américains visant à résoudre le conflit israélo-palestinien. Le leader palestinien a ensuite ajouté que Ramallah préférait que la Russie joue un rôle plus central en tant que médiateur – des propos tenus alors qu’il se trouvait aux côtés du président russe, Vladimir Poutine.
La déclaration faite par le porte-parole du Conseil national de sécurité (NSC) américain a semblé être la première réponse de l’administration Biden aux critiques croissantes de Ramallah, qui accuse Washington de ne pas faire pression sur Israël en exigeant la fin des opérations militaires menées par l’État juif en Cisjordanie. L’AP reproche également aux États-Unis de ne se concentrer que sur les solutions économiques à apporter au conflit au détriment des solutions politiques.
« Nous ne faisons pas confiance à l’Amérique et vous connaissez notre position. Nous ne lui faisons pas confiance, nous ne comptons pas sur elle, et nous ne pouvons accepter en aucun cas que l’Amérique soit la seule partie en lice dans la résolution de notre problématique », a déclaré Abbas dans des propos tenus devant les journalistes avant une rencontre à huis-clos avec Poutine qui était prévue, jeudi, en marge d’une conférence au Kazakhstan.
Abbas a précisé que les États-Unis pouvaient toujours jouer un rôle de pacificateur « au sein du Quartet, car c’est un grand pays, mais nous ne l’accepterons jamais comme seul et unique arbitre ».
En revanche, Abbas a déclaré à Poutine qu’il était « heureux et satisfait de la position adoptée par les Russes ».
Moins de 48 heures plus tard, la Maison Blanche a choisi de réagir. Un porte-parole du NSC a publié une déclaration disant : « Nous avons été profondément déçus d’entendre les paroles du président Abbas [jeudi], des paroles prononcées devant le président Poutine. »
« Poutine est loin d’être le type de « partenaire international idéal pour traiter de manière constructive le conflit israélo-palestinien », a déclaré le porte-parole.
« La Russie ne défend PAS la justice et le droit international », a poursuivi le porte-parole du NSC. « Le président Biden, en revanche, a démontré l’engagement des États-Unis – depuis des décennies – à rechercher des solutions créatives, il a montré son engagement à œuvrer en faveur de la paix durable nécessaire pour faire progresser la stabilité et la prospérité dans tout le Moyen-Orient. »
Cet échange a eu lieu moins d’une semaine après que les États-Unis ont accueilli un haut-responsable palestinien à Washington pour la première fois depuis que l’administration Trump a fermé le bureau diplomatique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, en 2018.
Le secrétaire général de l’OLP, Hussein al-Sheikh, a rencontré plusieurs des principaux collaborateurs de Biden la semaine dernière, notamment le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et la secrétaire d’État adjointe, Wendy Sherman. Ces rencontres ont été positives, les responsables de l’administration Biden répétant leur engagement en faveur d’une solution à deux États. Al-Sheikh, de son côté, a transmis les dernières informations portant sur des les tensions qui agitent actuellement la Cisjordanie, a déclaré un haut responsable américain au Times of Israel.
Mais al-Sheikh n’a pas quitté Washington avec de « réels résultats », a déclaré un responsable palestinien, notant que Ramallah attend toujours que les États-Unis donnent suite aux promesses de réouverture des missions diplomatiques à Washington et à Jérusalem, fermées par l’administration précédente.
« Il n’y a toujours aucune marque d’intérêt, de la part des États-Unis, à s’engager dans des démarches politiques. Les Américains proposent de bonnes initiatives mais en termes d’action, tout se fait du point de vue économique exclusivement », a estimé le responsable palestinien.
Le fonctionnaire a pointé du doigt les dernières annonces faites par les États-Unis lors de la visite du président Joe Biden dans la région au mois de juillet. Elles comprenaient l’extension des heures d’ouverture du passage Allenby qui devait être ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, le déploiement de l’accès à la 4G pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza et une aide de 200 millions de dollars pour le réseau hospitalier de Jérusalem-Est.
Chacune de ces annonces s’est heurtée à des contretemps logistiques.
« Même sur ces petites propositions, les Américains n’ont pas été en mesure de tenir leurs promesses », a regretté le responsable palestinien.
Biden a été l’un des premiers dirigeants américains à ne pas poursuivre une initiative de paix, estimant que les conditions n’étaient pas réunies pour lancer des négociations à fort enjeu au vu de la faiblesse de l’AP en Cisjordanie et de l’instabilité politique en Israël.
Un positionnement qui a progressivement frustré les responsables palestiniens, attisant une colère qui a été palpable lors de la visite d’Abbas à New York, le mois dernier, alors qu’il devait prendre la parole devant la 77e Assemblée générale des Nations unies.
Lors d’une réunion à huis-clos avec des Américains d’origine palestinienne, en marge de l’Assemblée de l’ONU, Abbas a ainsi révélé qu’il avait réprimandé avec force le secrétaire d’État américain Antony Blinken, le traitant de « petit garçon » pour ne pas avoir utilisé son influence pour inciter Israël à faire la paix.
Dans un enregistrement de la réunion qui a été obtenu par le Times of Israel, Abbas explique aux participants qu’il avait pris l’habitude de croire les administrations américaines qui, selon lui, lui disaient qu’Israël ne voulait pas la paix. Il ajoute cependant s’être rendu compte que « ce n’est pas que les Israéliens ne veulent pas la paix, mais en réalité, ce sont les Américains ne veulent pas la paix ».
Dans un discours enflammé prononcé devant l’Assemblée générale le lendemain, Abbas avait déclaré que les États-Unis ne faisaient que « prétendre défendre le droit international et les droits de l’Homme », déplorant l’incapacité de la communauté internationale à agir en faveur d’une solution à deux États.