« La Nakba est en cours » inscrit sur une bannière lors d’un rassemblement près de l’université de Tel Aviv
Des étudiants appartenant à l'organisation d'extrême droite Im Tirzu se sont rassemblés au même moment ; Un porte-parole de l'université a indiqué que la police avait approuvé la tenue de l'événement

Plusieurs dizaines d’étudiants de gauche et arabes israéliens ont pris part à une cérémonie de commémoration de la Nakba sur la place Entin de l’université de Tel Aviv, sous une lourde présence policière. Des contre-manifestants de droite ont tenté de perturber le rassemblement en diffusant de la musique à fort volume et en raillant les participants alors qu’ils se tenaient de l’autre côté d’une barrière qui avait été installée par les forces de l’ordre, séparant les deux camps.
Contrairement aux années précédentes, il n’y a pas eu d’arrestations ni d’échauffourées entre les deux parties.
« Nakba », ou catastrophe, est le terme qui est utilisé en arabe pour désigner l’exode et l’expulsion d’Israël d’environ 700 000 Palestiniens pendant la guerre d’Indépendance, en 1948.
Cette année, la manifestation annuelle a suscité une controverse particulière après que le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, a menacé de supprimer le financement de l’université de Tel Aviv et de l’université Hébraïque qui autorisent, chaque année, la tenue de tels événements sur leurs campus.
Des étudiants et activistes ont pris la parole sur une scène, dominant le public, à côté d’une bannière où « la Nakba est en cours » avait été écrit en anglais et en arabe. Sur un côté de l’estrade, une carte de la Palestine historique sur laquelle les militants ont marqué à la peinture rouge, verte et noire – les couleurs du drapeau palestinien – les communautés qui ont été détruites ou gravement endommagées lors de la guerre de 1948.
La députée radicale Aida Touma-Suliman a elle-même souligné au pinceau les communautés de Nazareth, où elle est née, et d’Akko.
Les militants, dont beaucoup étaient vêtus de keffiehs palestiniens, portaient également des panneaux arborant les noms des villages palestiniens complètement rasés. A la place des drapeaux palestiniens, que la police confisque souvent, les manifestants ont brandi des découpages en carton de pastèques – un symbole de la cause palestinienne en raison de ses couleurs rouge, noire, verte et blanche.
Faisant référence à l’interdiction des drapeaux palestiniens, certaines pancartes indiquaient en arabe : « Ils ont interdit le drapeau » et « Ils ont même peur des pastèques ». Sur d’autres pancartes, le slogan : « Non au génocide de Gaza ».
Les manifestants palestiniens ont entonné des chants patriotiques, notamment des poèmes : « Ounadikum wa’Ashad ‘Ayadkum » (Je vous appelle et je vous serre la main) de Mahmoud Darwish et « Mawtini » (ma patrie) d’Ibrahim Tuqan.

Une étudiante palestinienne, s’exprimant en hébreu, a évoqué l’expulsion vers le Liban de son grand-père depuis le village d’Al-Bassa, en Galilée – devenu aujourd’hui la ville israélienne de Shlomi. Au Liban, a-t-elle raconté, des membres de sa famille, dont sa sœur, avaient été tués lors du massacre de Sabra et Chatila en 1982, alors qu’Israël fermait les yeux sur les atrocités perpétrées dans le camp de réfugiés par ses alliés phalangistes chrétiens anti-palestiniens.
« La Nakba se poursuit, ce n’est pas seulement l’histoire de ma grand-mère et de mon grand-père », a-t-elle estimé. « Je suis une réfugiée dans mon propre pays… le simple fait que j’aie peur de hisser mon drapeau est une Nakba. »
« Alors que je pensais que tout ça appartenait au passé, ça recommence et nous pouvons l’observer en temps réel », a-t-elle ajouté, faisant référence à Gaza. Derrière une barricade de police, un Arabe israélien de droite a alors interpellé la jeune femme, criant : « Menteuse ! »
S’adressant aux contre-manifestants, l’organisatrice de l’événement leur a affirmé qu’ils se retrouveraient très bientôt en prison pour meurtre.
« Vous souhaiterez alors ne jamais avoir commis de massacre, vous souhaiterez alors n’avoir jamais assassiné », s’est-elle exclamé.
De l’autre côté de la rue, un groupe d’étudiants appartenant à l’organisation d’extrême droite Im Tirzu s’est rassemblé au même moment, prononçant des discours furieux à l’encontre de l’université, à leurs yeux coupable d’avoir laissé se dérouler ce rassemblement. Sur une grande banderole déployée par les participants, le slogan « Nakba Harta », ou « la Nakba est un ramassis de conneries ».
Deputy Minister Almog Cohen attempts to drown out a Nakba memorial protest at Tel Aviv University with a solo rendition of Israel's national anthem. pic.twitter.com/8nrB8hVHo5
— Noam Lehmann (@noamlehmann) May 14, 2025
Le vice-ministre Almog Cohen, qui appartient au parti d’extrême droite Otzma Yehudit, s’est approché de l’événement de commémoration avec un haut-parleur, tentant d’étouffer les débats en interprétant en solo l’hymne israélien, la « Hatikva ».
Un porte-parole de l’université de Tel Aviv – qui a été elle-même bâtie sur les ruines du village palestinien de Sheikh Munis – a fait savoir que l’établissement était « l’université la plus grande et la plus diversifiée d’Israël – libérale et pluraliste – et elle en est fière ».
« Dans ces temps difficiles, l’université appelle tous les étudiants à faire preuve de tolérance et à s’abstenir de toute incitation à la violence », a-t-il ajouté.
Il a noté que la commémoration de la Nakba était un événement annuel qui se déroule à l’extérieur des portes de l’université, « et elle est donc placée sous la responsabilité de la police, avec son approbation ».