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La nomination d’Ofir Akunis à la Justice par Netanyahu gelée par la Haute-cour

Le Premier ministre et le ministre de la Justice désigné ont jusqu'à mercredi pour justifier cette nomination ; un ex-procureur de l'État évoque "une violation de l'État de droit"

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

La Cour suprême se réunit lors d'une audience sur la vacance du poste de ministre de la Justice, le 27 avril 2021. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)
La Cour suprême se réunit lors d'une audience sur la vacance du poste de ministre de la Justice, le 27 avril 2021. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)

La Haute-cour de justice a temporairement gelé la nomination du député Ofir Akunis au poste de ministre de la Justice après que le cabinet – dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu — a ouvertement défié les mises en garde lancées par le Procureur-général, qui avait averti que cette désignation était illégale.

Le tribunal a rendu son jugement moins de deux heures après une audience consacrée à la nomination d’Akunis, qui avait été approuvée dans la journée de mardi malgré les objections virulentes du procureur-général Avichai Mandelblit au cours d’une réunion du cabinet qui a rapidement tourné à la foire d’empoigne.

En organisant le vote, a déclaré Mandelblit au cours de la réunion, le bloc du Likud, au sein du gouvernement transitoire, a violé une Loi fondamentale quasi-constitutionnelle – qui avait été amendée l’année dernière par le Premier ministre et Benny Gantz – qui réservait la tête du ministère de la Justice à un candidat soutenu par le bloc de Kakhol lavan, dirigé par Gantz.

Les magistrats de la Haute-cour ont indiqué, mardi soir, qu’Akunis ne pourrait être ministre de la Justice à moins que le tribunal n’en décide autrement et ils ont déclaré que le poste resterait vacant dans l’intervalle.

Netanyahu et Akunis ont jusqu’à mercredi matin pour justifier le maintien de cette nomination qui a eu lieu en violation de l’accord de coalition conclu entre le Likud et Kakhol lavan, et qui a été ancré dans la Loi fondamentale.

Les magistrats se rencontreront à nouveau mercredi après-midi, à 15 heures 30, pour parler du dossier avant de prendre une décision finale, a noté le jugement.

La juge de la cour suprême Esther Hayut s’exprime lors d’une audience sur la vacance du poste de ministre de la Justice, le 27 avril 2021. (Crédit :Yonatan Sindel/Flash90)

Le cabinet s’était rencontré virtuellement, dans l’après-midi de mardi, pour débattre de la vacance au poste de ministre de la Justice – la fonction n’étant plus occupée depuis le début du mois d’avril. Le leader de Kakhol lavan, Gantz, qui est également ministre de la Défense, avait demandé à être désigné à cette fonction, présentant cette demande au vote pendant la réunion, conformément à l’ordre du jour de cette dernière. Sa requête a été rejetée par la majorité des membres, issue du Likud.

Après le rejet du leader de Kakhol lavan lors de ce vote, Netanyahu a alors proposé à un nouveau vote la candidature d’Akunis, choquant et indignant les ministre de Kakhol lavan et défiant Mandelblit qui l’avait informé qu’une telle initiative était « illégale ».

Cela fait des mois que le Premier ministre empêche la nomination d’un ministre de la Justice permanent. Les critiques l’accusent d’avoir intentionnellement cherché à affaiblir le système judiciaire dans le contexte de son procès pour corruption, souhaitant nommer un ministre qui se montrerait plus sensible à l’égard de sa cause.

Laissant entrevoir ce que pourrait être l’issue de son jugement, la présidente de la Cour suprême Esther Hayut a déclaré lors de l’audience de samedi soir, que le cabinet était dans l’obligation de se soumettre au positionnement du procureur-général – qui est le plus haut conseiller juridique du gouvernement – mais qu’il ne l’avait pas fait.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime lors d’une conférence de presse à la Knesset le 21 avril 2021. (Yonatan Sindel/Flash90)

David Peter, l’avocat qui a représenté Netanyahu et Akunis lors de l’audience, a relayé la demande du Premier ministre qui a déclaré vouloir disposer de 48 heures supplémentaires par rapport au délai initial qui avait été défini par la Haute-cour pour nommer un nouveau ministre de la Justice. Cette date-butoir avait été fixée à mardi.

« Mais que peut-il arriver dans les prochaines 48 heures qui n’est pas arrivé depuis jeudi, lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois pour évoquer le sujet ? », a riposté sèchement Hayut.

La Douzième chaîne a cité un « haut-responsable du système judiciaire » qui a affirmé que Netanyahu, par son comportement de mardi, était dorénavant à deux doigts d’être évincé du poste de Premier ministre – et en raison aussi des conflits d’intérêt évidents liés à ses dossiers pour corruption et à son procès en cours.

« C’est la crise constitutionnelle la plus grave jamais connue par l’État d’Israël », a déclaré l’officiel à la chaîne. « Le Premier ministre a commis un attentat contre la démocratie et il est à deux doigts d’être déclaré inapte à remplir ses fonctions ».

Une source du Likud a aussi exprimé des critiques à l’encontre du Premier ministre, disant à la chaîne que Netanyahu avait « commis une erreur grave » en faisant voter la nomination d’Akunis.

L’ancien procureur de l’État, Shai Nitzan, a pour sa part qualifié l’incident de « sans précédent » et de « scandaleux », évoquant une « violation de l’État de droit ». Il a noté toutefois qu’il ne considérait pas qu’il serait suffisant pour suspendre le Premier ministre de ses fonctions.

Ofir Akunis arrive pour une réunion du Likud à Jérusalem, le 28 mai 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Dans une déclaration faite aux médias, mardi soir, Gantz a déclaré qu’au cabinet, « Netanyahu a tenté de manière délibérée et anticipée d’attaquer l’état de droit. Il a essayé et il a échoué ».

Il a ajouté que le Premier ministre « a tenté de saper les fondements de la démocratie » en organisant un vote hors-la-loi, allant à l’encontre des bases du gouvernement actuel.

« Le comportement agressif et illégal du Premier ministre doit être immédiatement neutralisé », a-t-il continué.

Dans un message adressé aux partis de droite qui réfléchissent à rejoindre le camp anti-Netanyahu, à la Knesset, pour former un gouvernement, Gantz a dit que « la parole [du Premier ministre] est sans valeur, et ses considérations personnelles prennent le pas sur toutes les autres ».

Mois d’une heure avant le début de l’audience à la Haute-cour, mardi soir, Mandelblit a fait part de son propre positionnement aux magistrats, disant que Netanyahu et ses soutiens au cabinet avaient agi « sciemment » et « illégalement » en précipitant la nomination d’Akunis.

Le ministre de la Défense Benny Gantz dans un message vidéo, le 27 avril 2021. (Capture d’écran)

« Il n’y a plus d’autre moyen que d’émettre une ordonnance imposant au gouvernement de désigner, sans plus tarder, un ministre de la Justice », a écrit Mandelblit.

Naftali Bennett, leader du parti Yamina, a répondu à l’incident en avertissant que « l’État d’Israël s’approche de l’abîme de l’anarchie ».

La Haute-cour s’était déjà réunie, dimanche, pour une audience portant sur une plainte déposée contre le gouvernement dénonçant son incapacité à nommer un ministre de la Justice et les magistrats avaient donné aux ministres 48 heures pour le faire avant intervention du tribunal lui-même, par le biais d’un jugement. Netanyahu avait alors déclaré qu’il présenterait le dossier de la désignation du ministre de la Justice devant le cabinet, évitant toutefois de prendre des engagements supplémentaires.

Dans le cadre de l’accord de partage du pouvoir conclu entre Gantz et Netanyahu, le poste de ministre de la Justice était réservé à un membre du bloc de Kakhol lavan, avec à sa tête Benny Gantz. Avi Nissenkorn avait assumé cette fonction jusqu’à ce qu’un nouveau scrutin soit officiellement organisé, à la fin de l’année dernière, et il avait démissionné de son poste pour se présenter sur une autre liste. Gantz, qui est ministre de la Défense, s’était saisi transitoirement du portefeuille de la Justice et il a appelé Netanyahu, depuis plusieurs semaines, à organiser un vote qui le nommerait officiellement à cette fonction.

Et quand Gantz, lors de la réunion chaotique de mardi, qui a eu lieu par visioconférence, a cherché une fois encore à présenter sa candidature au vote, Netanyahu l’a repoussé, disant qu’il n’était pas nécessaire de désigner un ministre permanent « artificiel » alors que le gouvernement n’était qu’intérimaire et qu’une coalition serait formée, avec un peu de chance, dans un proche avenir.

Netanyahu a alors recommandé de confier les responsabilités de ministre de la Justice à d’autres membres du cabinet – une proposition rejetée sèchement par le procureur-général et la Haute-cour.

La rencontre du cabinet a alors rapidement tourné à la foire d’empoigne, Gantz hurlant que « je demande que ma nomination au poste de ministre de la Justice soit immédiatement soumise au vote. Je suis le candidat le plus apte à mener à bien cette mission. Il n’y en a pas d’autre. Le Premier ministre se livre ici à une sorte de bizutage. Je demande un vote maintenant et pas dans 48 heures », selon des retranscriptions et des enregistrements de la rencontre en ligne qui ont fuité auprès des médias israéliens.

Le procureur général Avichai Mandelblit prend la parole lors de la 17e Conférence annuelle de Jérusalem du groupe « Besheva », le 24 février 2020. (Olivier Fitoussi / Flash90)

Netanyahu a alors affirmé qu’il « y avait des doutes » sur le maintien en vigueur de l’accord de coalition – qui réservait le poste de ministre de la Justice au bloc de Kakhol Lavan – au lendemain des élections du mois dernier.

Mandelblit a immédiatement rejeté cet affirmation et a déclaré que l’accord de coalition restait effectif jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement et jusqu’à la prestation de serment de ses ministres. Il a précisé que la prestation de serment des députés de la nouvelle Knesset n’avait pas rendu pas l’accord caduc.

« Je ne sais pas à quoi vous jouez, » a dit Gantz avec fureur à Netanyahu.

Mandeblit a établi clairement son positionnement, disant que le vote était invalide et qu’Akunis n’était pas ministre de la Justice. Dans des enregistrements issus de la rencontre, Mandelblit déclare, très en colère, à Netanyahu : « Vous ne m’avez pas laissé la parole avant d’avoir tenu un vote que je considère comme illégal. Vous n’avez pas respecté la propre décision prise par votre gouvernement. C’est mon interprétation, c’est mon positionnement. Ce vote était illégal. Dans la mesure où ce vote est illégal, son résultat l’est également. La conséquence en est claire : La décision n’est pas approuvée… »

Netanyahu répond à Mandelblit en qualifiant son positionnement « d’absurde » et « d’impossible », ajoutant qu’il s’agissait d’une « manipulation ».

L’absence de ministre de la Justice a des répercussions graves sur la capacité du système judiciaire à travailler de manière appropriée dans certains secteurs – notamment s’agissant de ratifier les réductions de peine ou les ordres d’extradition. Elle affecte aussi la capacité du gouvernement intérimaire d’adopter de nouvelles lois, les législations soumises par le gouvernement devant tout d’abord avoir le feu vert du ministre de la Justice, qui préside la commission des Lois. En plus de la bataille contre la COVID-19, ce manque peut aussi potentiellement affecter des lois urgentes relatives à d’éventuels accords de paix.

Netanyahu, qui est actuellement traduit devant les juges pour pots-de-vin, fraude et abus de confiance, s’en est pris vivement au parquet, à la police, à l’opposition de gauche et aux médias, les accusant d’avoir ourdi un complot visant à l’écarter du pouvoir. Il n’a cessé de clamer son innocence.

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