La police a-t-elle « dépassé les limites » lors des mouvements anti-Netanyahu ?
Des députés dénoncent la police ; des regroupements respectueux des règles de distanciation sociale ont eu lieu dans tout le pays, dans l'après-midi et dans la soirée de samedi

Un éminent député de l’opposition a déclaré, samedi soir, qu’il convoquerait une réunion de la Commission de contrôle de l’Etat, au sein de la Knesset, pour évoquer le comportement des policiers lors des manifestations réclamant la démission du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« La conduite des forces de l’ordre, durant le mouvement de protestation de ce soir, a dépassé ce qu’on pourrait appeler les limites du raisonnable », a affirmé Ofer Shelah (Yesh Atid) dans un communiqué. « Et je convoquerai à la première occasion la Commission du contrôle de l’Etat pour une enquête approfondie sur la politique qui a été appliquée. »
Des dizaines de milliers d’Israéliens ont manifesté, dans tout le pays, après l’adoption d’une législation controversée, cette semaine, qui a interdit les rassemblements massifs dans le cadre des restrictions entraînées par le confinement mis en place dans la lutte contre le coronavirus.
Des regroupements respectueux des règles de distanciation sociale ont eu lieu dans tout le pays, dans l’après-midi et dans la soirée de samedi, même s’ils ont été par moments – et malgré leur bon déroulement général – l’occasion de scènes d’affrontements entre manifestants et policiers sur fond d’amendes distribuées par ces derniers de manière parfois douteuse.

Shelah, qui a annoncé qu’il allait défier Yair Lapid à la tête du parti, s’est lui-même rendu aux mouvements de protestation anti-Netanyahu.
« Le comportement de la police, ce soir, est un résultat direct de la folie de la guerre menée par Bibi contre les manifestations et de la capitulation totale face à cette folie de Kakhol lavan », a-t-il poursuivi.
« La riposte à mettre en place est de renforcer la supervision, et je vais aussi vous dire une chose : Ne payez pas les amendes. On va voir des milliers de manifestants arriver devant les tribunaux. Moi, et tous les responsables élus honnêtes, on sera là pour combattre à vos côtés », s’est exclamé Shelah.

Les manifestants ont affirmé que la police avait eu recours à un usage excessif de la force et des images ont montré les forces de l’ordre bousculer ou frapper des protestataires.
Une déclaration de la police a indiqué que 38 personnes avaient été arrêtées à Tel Aviv pour « trouble à l’ordre publique et agression sur personne dépositaire de l’autorité ».
Quatre personnes ont été appréhendées à Jérusalem pour violation présumée de l’ordonnance de confinement.
Dimanche matin, la police a fait savoir que tous les Israéliens arrêtés à Tel Aviv avaient été relâchés, à l’exception d’un individu qui se trouve encore en détention, soupçonné d’avoir agressé un agent.
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Bezalel Smotrich, député de Yamina, a estimé que les manifestants étaient des « criminels anarchistes qui n’aiment pas le droit et la prise de décision démocratique ».
« Vous représentez une minorité violente et arrogante qui s’est habituée à avoir le sentiment que ce pays est à vous, au-dessus des lois et au-dessus de la démocratie », a écrit Smotrich, qui avait été lui-même arrêté en 2005 pour son rôle dans l’opposition à la politique gouvernementale de désengagement de Gaza.

Samedi, les manifestants ont semblé très largement porter le masque, mais un communiqué émis par les forces de l’ordre a déclaré qu’ils avaient intentionnellement contrevenu aux directives de distanciation sociale et aux mesures établies sur l’ampleur autorisée des regroupements.
La police a indiqué dans un communiqué que « de nombreux manifestants ont perturbé l’ordre public, bloqué des routes, ignoré les instructions des agents et recouru à des violences physiques et verbales. Une large majorité a ouvertement contrevenu aux régulations mises en place dans le cadre de l’urgence lorsqu’elle s’est rassemblée sans adhérer aux impératifs de distanciation sociale, sans porter le masque, mettant en péril la santé publique ».
Les agents auraient contrôlé les adresses des personnes présentes pour s’assurer qu’elles ne s’étaient pas éloignées à plus d’un kilomètre de leurs habitations.
Des amendes auraient, de plus, été remises à des journalistes, qui figurent dans la catégorie dite des « travailleurs essentiels » autorisés à se déplacer à plus de 1 000 mètres de leur domicile.
L’un des groupes organisateurs du mouvement de protestation, les « Drapeaux noirs », a indiqué que les données recueillies par ses militants, sur le terrain, ont permis de déterminer que plus de 100 000 personnes avaient manifesté dans tout le pays.
Ce chiffre ferait de ce mouvement de protestation d’hier le plus important depuis le début, cet été, des rassemblements – entraînés par la colère contre le Premier ministre, qui a refusé de démissionner malgré son procès pour corruption, et par la mauvaise prise en charge de la crise du coronavirus par son gouvernement.

Ce chiffre de 100 000 participants n’a pas été confirmé par une source indépendante mais les médias ont indiqué que les mouvements de protestation de samedi étaient plus larges que ceux connus au cours de ces derniers mois.
Plusieurs incidents de violences contre des manifestants ont été rapportés, certains nécessitant une prise en charge hospitalière. Une femme de 81 ans aurait été projetée au sol à Jérusalem mais son état de santé reste pour le moment indéterminé. Dans le nord de Tel Aviv, des protestataires ont expliqué qu’une femme avait été agressée et blessée. Elle a été évacuée à l’hôpital Ichilov de la ville. La police a arrêté son agresseur ainsi que deux autres activistes – le premier disant qu’il n’avait fait que répondre à une attaque préalable.
מפגינה של הדגלים השחורים הותקפה סמוך לדיור מוגן בשכונת רמת החייל.
כנראה הגיע אדם ופגע ותקף אותה באמצעות זמבורה לפנים.
מפונה לבית החולים איכילוב pic.twitter.com/JvR3yVCApL— Ben Netzer|בן נצר (@netzer_ben) October 3, 2020
Selon la Treizième chaîne, à Pardes Hannah, un manifestant a eu le bras cassé. Des bouteilles de verre ont été jetées en direction des protestataires à Holon et Ramat Gan.
Le ministre de la Défense, Benny Gantz, a écrit sur Twitter que les attaques commises à l’encontre des manifestants étaient « inacceptables » et il a appelé la police à conduire les coupables devant les tribunaux. De son côté, Yair Lapid, le chef de l’opposition, a estimé que les agressions étaient le résultat des « incitations à la violence empoisonnées de Netanyahu et de son gang… Ils sont responsables ».

De nouvelles mesures adoptées la semaine dernière interdisent aux Israéliens de se déplacer à plus d’un kilomètre de leur domicile pour manifester, limitant les rassemblements à des groupes de vingt personnes maximum sous réserve du respect des obligations de distanciation sociale – même si elles autorisent apparemment la présence de groupes multiples de 20 personnes dans les secteurs disposant d’un espace suffisant pour permettre l’adhésion aux règles de distanciation sociale.
L’approbation de ces restrictions a été considérée comme un coup porté aux réunions hebdomadaires qui ont lieu aux abords de la résidence officielle de Netanyahu à Jérusalem.
Toutefois, la participation massive aux regroupements, dans tout le pays, semble indiquer que ces directives ont finalement pu aider à galvaniser davantage l’opposition à Netanyahu.
L’AFP a contribué à cet article.