La police craint des émeutes lors des manifestations anti-gouvernement ce week-end
Sans donner de détail sur ses « craintes », la police dit qu'il n'y aura aucune tolérance pour les « troubles à l’ordre public » ou les symboles nazis. Les organisateurs contestent
La police a mis en garde, jeudi, contre le risques de troubles à l’ordre public lors des manifestations anti-gouvernement prévus ce week-end, ce que les manifestants prennent pour une politisation du sujet.
Selon un communiqué de la police, des renseignements ont été présentés au ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, au cours d’un briefing de sécurité hebdomadaire, évoquant un « risque d’émeutes » lors des manifestations prévues à Tel Aviv et Jérusalem, samedi.
La déclaration ne donne aucun détail sur ces prétendus risques.
Une source policière anonyme, citée par le quotidien Haaretz, a déclaré qu’une poignée de manifestants avaient prévu de s’en prendre à des policiers, de bloquer les routes principales et de « se livrer à des provocations ».
Des manifestants ont brièvement bloqué l’autoroute Ayalon lors d’une manifestation à Tel Aviv le week-end dernier.
Evoquant les manifestations comme l’expression du « droit fondamental de chacun dans un pays démocratique », la déclaration de la police invite les manifestants « à rester tranquilles et faire en sorte que les manifestations se déroulent en toute légalité ».
La police a également déclaré avoir terminé ses « préparatifs opérationnels » en vue des manifestations de samedi, organisées suite à la publication par le gouvernement de son projet de réforme judiciaire, qui, selon les critiques, aura pour effet de saper les bases-mêmes de la démocratie.
« La police rappelle qu’elle agit pour permettre à tous de manifester, mais qu’elle ne laissera passer aucun trouble de l’ordre public et, notamment, l’utilisation de symboles nazis », indique le communiqué.
L’affichage de symboles nazis n’est pas illégal en Israël mais peut être interdit en raison de son caractère incitatif à la haine.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est insurgé contre plusieurs de ces panneaux, aperçus lors de la manifestation du week-end dernier, qu’il a renvoyés dos à dos avec les propos d’un membre du parti d’extrême droite de Ben Gvir appelant à enfermer les dirigeants de l’opposition.
La déclaration de la police ne précise pas de quelle manière les policiers réagiront en présence de drapeaux palestiniens lors des manifestations.
En préambule à ce week-end, Ben Gvir aurait demandé la police d’adopter une ligne plus dure contre les manifestants auteurs de blocage des routes ou arborant le drapeau palestinien, sans succès.
La loi israélienne autorise la présence de drapeaux palestiniens, mais la police, qui dispose d’une large marge de manœuvre pour maintenir l’ordre public, les retire fréquemment des lieux publics et les confisque à ceux qui les arborent.
Les organisateurs de la manifestation ont réagi a cette déclaration en accusant la police de mentir sur le risque d’émeutes.
« Nous demandons à la population d’ignorer les mensonges de la police et de venir manifester nombreux contre le coup d’État constitutionnel. Nous rappelons au chef de la police et au porte-parole de la police… qu’ils ne sont pas les serviteurs de Ben Gvir », a déclaré l’organisation Drapeaux Noirs.
Crime Minister, autre organisation active contre Netanyahu en raison de son procès pour corruption, a qualifié la déclaration de la police « d’incitation à la violence, diffamatoire et dangereuse ».
« Il s’agit d’une tentative évidente d’affaiblir la manifestation et dissuader la population d’y prendre part. Apparemment, la police a capitulé et est devenue la police politique de Ben Gvir », a déclaré l’organisation.
Eliad Shraga, qui dirige le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, s’en est également pris à Ben Gvir.
« Avec tout le respect que je dois au ministre Ben Gvir, il n’a pas la pouvoir de décider s’il est ou non permis de manifester. S’il se croit en Corée du Nord, il va très vite voir qu’il a tout faux », a déclaré Shraga.
De son côté, le chef de l’opposition, Yair Lapid, a adressé une lettre au chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, demandant à la police de ne pas faire usage de la force contre les manifestants anti-gouvernement.
« Ces manifestants sont on ne peut plus attachés à Israël et vous devriez les traiter comme tels», a écrit Lapid.
« J’espère que vous demanderez à vos effectifs de les traiter avec respect et ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour qu’ils puissent manifester, comme ils en ont le droit. »
Lapid a demandé à Shabtai de ne pas faire usage de canons à eau et de s’assurer qu’il ne sera pas fait usage de violence.
« Nous comptons sur vous pour que la police ne soit pas une police politique », a-t-il ajouté.
Le chef de l’opposition a également déclaré qu’il ne prendrait pas part à la manifestation de Tel Aviv, dans la mesure où ni Benny Gantz, chef de Kakhol Lavan, ni lui ne seraient autorisés à s’adresser à la foule.
Gantz a, pour sa part, déclaré mercredi soir qu’il prendrait part à la manifestation, alors même que Lapid avait annoncé la veille leur retrait afin de ne pas la politiser à outrance.
En annonçant sa participation sur Twitter, Gantz a par ailleurs accusé Netanyahu et la coalition au pouvoir de se livrer à « un coup d’État constitutionnel » et de fouler aux pieds « les valeurs essentielles » de la Déclaration d’indépendance.
« Je vous invite à nous rejoindre, samedi soir à [Tel Aviv], avec des drapeaux israéliens, dans la légalité, sans provocations inutiles et contre-productives », a-t-il écrit suite à la déclaration de la police.
« Il ne s’agit pas d’un soulèvement mais d’un véritable devoir citoyen », a-t-il ajouté.
D’autres députés de l’opposition devraient prendre part aux manifestations, parmi lesquels le chef de Raam Mansour Abbas, qui a invité mardi les Arabes israéliens à en faire autant mais sans brandir de drapeaux palestiniens, afin d’éviter des affrontements avec la police.
Ces manifestations anti-gouvernement font suite à celle de samedi dernier, à Tel Aviv, qui a réuni des milliers d’Israéliens opposés au projet de réforme judiciaire du ministre de la Justice, Yariv Levin, ayant pour effet d’affaiblir la Cour suprême, entre autres.