La première trace d’une « Route de la soie israélienne » inconnue découverte à Avara
Des fouilles entreprises dans une fosse à ordures, vieille de 1 600 ans, au Nahal Omer laissent penser que le luxe de l'Orient était très demandé au 8e siècle de notre ère
Des fragments de tissus originaires d’Extrême-Orient, qui avaient été fabriqués il y a environ 1 300 ans et qui viennent d’être découverts dans la région d’Arava, suggèrent l’existence dans les temps anciens d’une « Route israélienne de la soie » qui était jusqu’à présent inconnue, selon une équipe de chercheurs israéliens et allemands.
« Nos découvertes semblent être la toute première indication de l’existence d’une ‘Route israélienne de la soie’ qui était empruntée par les marchands le long des itinéraires de commerce internationaux », commente le professeur Guy Bar-Oz, de l’université de Haïfa, qui dirige les fouilles.
Dans un programme parrainé par l’Allemagne et qui est aujourd’hui conjointement mené par l’université de Haïfa, l’université de Göttingen et l’Autorité israélienne des antiquités, ce sont d’importantes quantités de tissu en coton et en soie du 8e siècle de notre ère, des tissus qui provenaient probablement de Chine, d’Inde et du Soudan moderne, qui ont été trouvés dans une large fosse à ordures située sur le site du Nahal Omer dans la vallée d’Arava, selon un communiqué émis mercredi par les chercheurs.
« En ce qui concerne les textiles, le Nahal Omer est le plus important site antique jamais découvert en Israël jusqu’à aujourd’hui », déclarent les chercheurs dans leur communiqué de presse.
Ces trésors n’ont pas encore été présentés par le biais d’un article scientifique dans la mesure où la toute première saison des fouilles ne s’est terminée qu’il y a deux semaines, confie Bar-Oz au Times of Israel. Toutefois, les chercheurs estiment que les découvertes ont des implications majeures concernant nos connaissances sur les itinéraires commerciaux du passé et qu’elles sont riches en enseignement – ce qui est sans précédent – sur le rôle joué par cette région dans l’ancien monde.
« Ces découvertes comprennent une grande proportion d’objets importés, notamment des tissus qui présentent des décorations typiques de l’Inde et des morceaux de soie fabriqués en Chine », note la docteure Orit Shamir de l’Autorité israélienne des antiquités, experte des textiles anciens en Israël.
« C’est la première fois que des tissus tels que ceux-là et qui remontent à cette période sont trouvés en Israël », ajoute-t-elle.
La Route de la soie était un réseau d’itinéraires marchands qui était utilisé pour apporter des produits exotiques en provenance de la Chine vers l’Europe, et qui traversait l’Inde, l’Égypte et le Moyen-Orient. La plus grande partie de ces itinéraires était restée active entre le 2e siècle de l’ère commune et la moitié du 15e siècle.
Selon Bar-Oz, les découvertes faites par son équipe semblent fournir les toutes premières indications de l’existence d’une route en Israël qui était empruntée par les marchands nomades du monde.
« Cette route dérivait de la traditionnelle Route de la Soie en passant au nord d’Israël, en traversant l’Arava et en assurant la liaison entre les itinéraires commerciaux historiques qui traversaient le pays ainsi que les ports principaux de Gaza et d’Ashkelon qui servaient de passerelle majeure vers le monde méditerranéen », dit-il.
Des ordures anciennes analysées
Selon les archéologues, le travail en cours est unique dans la mesure où il explore les changements survenus dans la vallée d’Arava au cours de périodes de temps longues par le biais de l’analyse « des accumulations d’ordures sur les sites bordant les itinéraires commerciaux. »
En examinant la fosse à ordures du 7e siècle – une période qui correspond au début de l’ère islamique dans la région – au Nahal Omer, les chercheurs espèrent en savoir davantage sur le quotidien des commerçants qui traversaient Israël et ils veulent découvrir également quels produits ils transportaient avec eux.
Les fouilles reprendront l’été prochain, explique Bar-Oz, et il y aura au moins deux saisons supplémentaires. Des recherches beaucoup plus poussées seront également faites sur les textiles, ajoute-t-il.
Bar-Oz, spécialisé dans la localisation et dans l’analyse des dépôts d’ordures sur les itinéraires commerciaux du passé, explique au Times of Israel que si des archéologues ont procédé à de nombreux fouilles à Nahal Omer et dans ses environs auparavant, personne n’avait jusqu’à présent pensé à se focaliser sur les déchets et sur les précieuses informations qu’ils sont susceptibles de transmettre.
« Quand nous avons avons commencé nos examens, nous ne nous sommes pas intéressés au puits, à la forteresse ou au mur, mais à tout ce qui se trouvait dans ce périmètre », raconte-t-il.
Les recherches antérieures et les débats universitaires consacrés aux anciens itinéraires commerciaux se basaient majoritairement sur des récits historiques souvent livrés par des personnes qui vivaient très loin, selon Bar-Oz.
« Nous avons découvert la fosse à ordures [à Nahal Omer] il y a deux ans et nous avons commencé à creuser », dit-il. « C’était totalement nouveau ».
Les vestiges archéologiques qui permettent aux chercheurs de toucher les matériaux sont rares – ils ont été pourtant trouvés en abondance au Nahal Omer.
« Nous avons creusé des trous de cinq mètres de profondeur – imaginez le volume d’une Suzuki Alto remplie d’ordures. Presque tous les amas de déchets que nous avons trouvés étaient composés de matériaux organiques. L’énormité du volume de ces matériaux est ce qu’il y a finalement de plus stupéfiant dans ces fouilles », précise Bar-Oz.
« Les fragments que nous avons découverts nous ont permis de toucher ces tissus, de les voir et de les mesurer à l’aide d’outils moléculaires. Nous avons pu remonter la ligne de production de ces produits qui étaient transportés sur cet itinéraire marchand », s’émerveille-t-il.
Une forte demande
En analysant leurs découvertes, les chercheurs ont eu la surprise de trouver « un véritable trésor » incluant des tissus, des morceaux de vêtements, des produits d’hygiène, des sangles en cuir, des ceintures, des chaussettes, des semelles ou des peignes.
La richesse de tous ces matériaux a permis aux chercheurs de dater de manière précise les objets à l’aide de la datation au carbone, une méthode qui utilise les propriétés du radiocarbone pour déterminer l’âge des substances organiques. En l’occurrence, ce trésor remonterait au 7e et au 8e siècle de l’ère commune.
Ce sont les conditions sèches du désert du Neguev qui ont rendu possible leur préservation. Ces matériaux, qui se désintègrent habituellement dans les climats humides, étaient dans un état de conservation excellent, notent les chercheurs.
Une découverte en particulier a enthousiasmé l’équipe : celles de tissus irkat chaîne, une technique originaire d’Indonésie. Ce type de tissu n’a pu être trouvé que sur de rares sites du Moyen-Orient et les chercheurs indiquent que cette découverte faite au Nahal Omer est exceptionnelle dans la mesure où ce tissu irkat chaîne est le plus ancien jamais mis à jour par des archéologues.
Autre trouvaille, du tissu tissé de manière complexe, reprenant une technique commune en Iran et dans d’autres parties de l’Asie centrale.
« La variété et la richesse de ces découvertes montrent que les produits de luxe en provenance d’Orient étaient très demandés à l’époque », commente Shamir de l’Autorité israélienne des antiquités.
« Ces découvertes faites lors des fouilles semblent révéler des contacts uniques au niveau mondial avec les sources de fabrication de tissu qui se trouvaient dans l’Extrême-Orient. Elles nous donnent de nouvelles perspectives qui nous permettront de mieux connaître les interactions politiques, technologiques et sociales qui se sont constamment refaçonnées par le biais de ces réseaux marchands », estime Bar-Oz.
« Nous pouvons dorénavant explorer de manière plus détaillée les déplacements des produits sur de longues distances, la diffusion des populations et des idées du point de vue géographique et les liens entre les routes et les centres de production. Des choses qui étaient jusqu’à aujourd’hui invisibles historiquement et archéologiquement ou, tout du moins, répertoriées de façon incomplète. Nos nouvelles découvertes sont une avancée importante dans cette direction », conclut-il.
Si les fouilles de Nahal Omer permettent d’avoir un aperçu d’une valeur immense sur la vie intense en Israël à une époque reculée, ses trouvailles ne sont pas les plus anciennes faites dans le secteur.
Le mois dernier, les archéologues israéliens de l’université de Haïfa ont trouvé la preuve la plus vieille de la présence de coton au Moyen-Orient antique pendant des fouilles réalisées à Tel Tsaf, une ville de la vallée du Jourdain âgée de 7 000 ans.
Tel Tsaf, qui se situe à proximité du kibboutz Tirat Zvi, a permis aux archéologues de faire des trouvailles enthousiasmantes ces dernières années – et notamment l’entrepôt de stockage le plus ancien de produits alimentaires rituels, ainsi que le premier exemple dans l’Humanité se livrant à une consommation sociale de bière.
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