La réalité du nombre d’approbations de permis dans les implantations
Après des années passées à minimiser la construction dans les implantations, Netanyahu se voit obligé de gonfler les chiffres afin d'apaiser sa base
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Israël a avancé des plans pour des milliers d’habitations dans les implantations de Cisjordanie cette semaine mais personne ne semble être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne le nombre exact d’unités de logement ayant obtenu le feu vert.
Lorsque l’organe du ministère de la Défense, en charge d’autoriser les constructions dans les implantations, a publié son agenda pour les réunions prévues mardi et mercredi, le président du Conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, a déploré un nombre « insuffisant ».
« Nous devons dire la vérité. L’empereur est nu », a-t-il déclaré, qualifiant le Premier ministre de malhonnête pour ses « promesses publiques de 3 600 unités de logement alors qu’il n’y a finalement que 700 unités qui recevront l’approbation finale à la construction ».
Mais le bureau du Premier ministre a riposté, insistant sur le fait que le nombre d’habitations qui traversent des stades variés de planification s’élève en réalité à 3 736, avec plus de 1 000 en phase d’approbation finale.
« Ceux qui affirment que ce n’est pas une amélioration significative trompent l’opinion publique. Ceux qui pensent que les considérations politiques ne devraient pas être prises en compte se trompent. Personne ne travaille davantage en faveur des implantations avec sagesse et détermination que le Premier ministre Benjamin Netanyahu », a affirmé un responsable de son bureau la semaine dernière.
Pour expliquer ces différences dans les chiffres, il faut prendre en compte le calcul politique qui est en jeu.
Bibi l’acrobate
Cherchant à apaiser sa base pro-implantations, le Premier ministre a fait l’impossible pour surévaluer le nombre d’habitations autorisées dans les implantations. Pour des plans qui étaient une simple addition de projets déjà existants, le bureau du Premier ministre a compté les habitations nouvelles et existantes dans son décompte final de 3 736.
Dans l’implantation de Kfar Etzion, par exemple, 38 unités ont reçu le feu vert pour être ajoutées à un projet de 120 habitations qui avait déjà reçu l’approbation en 1993. Mais le bureau du Premier ministre les a intégré dans ses calculs, lui permettant ainsi d’affirmer qu’il avait autorisé 158 unités de logement plutôt que 38.
A Elkana, où les habitants se sont vu recevoir une approbation de construction finale pour agrandir une maison de retraite – qui passerait de 50 à 250 lits – de nombreux analystes ont choisi de compter cette expansion comme représentant une unité dans la mesure où il ne s’agissait pas de nouvelles habitations au sein de l’implantation. Mais pour le bureau du Premier ministre, ce projet comptait pour 250 unités.
La discordance entre les chiffres avancés par Netanyahu et ceux des chefs d’implantations concernant le nombre d’habitations ayant reçu une approbation finale peut également s’expliquer par la présentation du Premier ministre d’un plan prévoyant 459 unités de logement à Maale Adumim.
Tandis que le plan va obtenir ce qu’on appelle une « validation » – l’approbation finale typique délivrée avant le début des constructions – la taille de la ville qui forme l’implantation exige un passage préalable à travers un stade « de commercialisation » supplémentaire au cours duquel le ministre du Logement fera un appel d’offres en directions de contractants privés qui prendront en charge ces constructions.
Seules 13 sur approximativement 130 implantations en Cisjordanie sont suffisamment importantes pour subir cette démarche bureaucratique. Une autre est Beit El, qui a reçu une approbation pour la « commercialisation » – autorisant donc le ministre du Logement à publier un appel d’offres – concernant 296 unités mardi.
Mais la plus grande contribution à cette disparité entre les 3 736 unités de Netanyahu et le chiffre avancé par les chefs d’implantation de 2 000 logements a été la décision du Premier ministre de prendre en compte les plans qui ont sauté un petit obstacle technique connu sous le nom de « publication en dépôt ».
Une fois qu’un projet a été avancé à travers la phase de dépôt pour planification, il y a une période d’approximativement deux mois pendant laquelle le public peut amener des objections à son approbation. Elles sont généralement soumises par des observatoires anti-implantations comme La Paix Maintenant ou par des propriétaires privés palestiniens, même si elles remportent peu de succès en réalité.
Mais avant que l’objection puisse être soumise, un encart dans un journal doit être publié annonçant le plan qui a été « déposé ». Cette étape n’exige pas l’approbation du sous-comité chargé de la haute planification, et les projets publiés n’apparaissent même pas dans les agendas de l’instance du ministère de la Défense, ce qui explique pourquoi il est difficile de savoir combien ont été avancés.
Toutefois, le bureau du Premier ministre a inclus les 700 unités environ qui ont été « publiées pour dépôt » dans son décompte final. Ce sont des chiffres que même l’observatoire de gauche des implantations La Paix Maintenant n’a pas fait figurer dans son chiffre total d’unités approuvées cette semaine.
Le même modèle apparaît de manière évidente dans les calculs officiels du bureau du Premier ministre attestant de « 12 000 habitations qui ont été avancées à travers des stades variés de planification en 2017 ».
Pour atteindre ce chiffre, le bureau du Premier ministre a ajouté au bilan ce même plan à chaque fois qu’il a avancé dans une nouvelle phase. Affirmant aux habitants des implantations lors d’une rencontre au mois de juin qu’il avait promu plus de 2 600 unités de logement au cours de ce mois-là, Netanyahu a inclus dans ce chiffre le même projet de 459 habitations à Maale Adumim qui a été encore utilisé pour atteindre la semaine dernière le chiffre total de 3 736.
Alors que la politique sur les implantations d’Obama – plus conflictuelle – commence lentement à appartenir au passé, Netanyahu se trouve dans l’obligation de grossir les chiffres de construction après huit années au cours desquelles il n’a pas arrêté de les minimiser.
Mais les chefs d’implantations ne semblent pas dupes.
« Nous en avons assez de remercier (- ce gouvernement) pour chaque os qu’il nous jette… Le Premier ministre rate une opportunité historique qui ne se représentera probablement pas. Il y a actuellement un président américain qui, même s’il n’est pas d’accord (avec les constructions dans les implantations), ne les condamnera pas avec la même verve que durant l’ère d’Obama », a fustigé Dagan la semaine dernière.
Toujours au service des habitants d’implantations
Les avancées offertes aux habitants d’implantations de Cisjordanie – spécifiquement les évacués des avants-postes –
n’ont pas figuré toutefois dans le cahier des critiques de Netanyahu, tout comme l’accélération de la construction des unités de logement au-delà des « blocs ».
Un quart des maisons qui ont remporté une approbation finale appartient aux projets avancés pour les évacués des avants-postes illégaux d’Ulpana (à Beit El), de Migron et d’Amona, qui ont été démolis, respectivement en juin 2012, septembre 2012 et février 2017, après que la Haute cour de justice a estimé qu’ils avaient été érigés sur des terres privées palestiniennes. Parmi les plans, il y a également 30 unités de logement prévues pour les évacués de l’avant-poste de Netiv Haavot qui devrait être rasé au mois de mars 2018 pour la même raison.
La Paix Maintenant a mis en exergue quatre plans dans un communiqué paru mercredi dénonçant les approbations de Netanyahu.
« Le gouvernement d’Israël envoie un message clair aux habitants d’implantations : Vous pouvez construire illégalement et voler des terres à des Palestiniens et nous prendrons le soin d’offrir une compensation appropriée. Netanyahu a pris la décision de ne servir que les habitants d’implantations et d’envoyer au diable l’état de droit, l’avenir d’Israël et les chances de paix », a indiqué l’organisation.
En plus d’autoriser des maisons pour les Israéliens qui avaient construit sur des terres privées palestiniennes, le gouvernement de Netanyahu a également accordé des permis de construire à 31 unités de logement dans l’implantation juive de Hébron – c’est la première fois qu’une construction est autorisée dans cette ville sensible de Cisjordanie depuis 15 ans.
Au cours d’une réunion organisée avec les chefs d’implantations le mois dernier, le Premier ministre s’était vanté d’être parvenu à convaincre l’administration Trump d’abandonner la distinction entre les blocs d’implantations et ce qu’on appelle les implantations isolées.
Même s’ils ne l’ont pas ouvertement reconnu, ce point a été probablement rappelé aux habitants d’implantations après que le sous-comité chargé de la panification a consacré plus de la moitié de ses approbations cette semaine à des habitations situées bien au-delà des zones largement construites le long de la Ligne verte de 1967.
« Nous sommes passés d’un stade où les habitants d’implantation disaient : ‘Au moins, il construit dans les blocs’ à « ‘bien sûr, il construit dans les blocs », résume Hagit Ofran, de l’organisation La Paix Maintenant.
Le Times of Israel a calculé le nombre de logements avancés : Il serait de 2 646. 1 323 d’entre eux obtiendraient l’approbation finale.
Malgré l’insistance de Netanyahu sur le fait que le nombre de 3 736 unités de logement promues cette semaine est un maximum, le précédent qu’il établit en Cisjordanie pour la distribution des permis et l’indemnisation des avants-postes rasés devrait suffire à donner le sourire – pour le moins – aux habitants d’implantations.