La République tchèque veut intervenir auprès de la CPI en faveur d’Israël
Prague veut déposer un avis juridique disant que la Cour pénale internationale n'a pas la compétence d'enquêter sur de possibles crimes de guerre de l'Etat juif
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La République tchèque a demandé jeudi à pouvoir déposer un avis juridique écrit auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, dans lequel elle affirmera que cette dernière ne dispose pas de la compétence nécessaire pour lancer une enquête sur de possibles crimes de guerre commis à Gaza et en Cisjordanie.
C’est le ministre tchèque des Affaires étrangères, Tomas Petricek, qui a déposé cette demande de venir un amicus curiae — un « ami de la cour », qui n’est pas une partie dans le dossier mais qui souhaite toutefois faire part de son point de vue – vingt-quatre heures avant l’expiration du délai offert aux Etats pour déposer un éventuel avis juridique dans l’affaire, le 14 février.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a refusé de réagir à cette information. Mais des responsables diplomatiques ont confié à Haaretz saluer cette initiative prise par Prague et qui a été encouragée par Jérusalem.
Cela fait longtemps que la République tchèque est considérée comme l’un des amis les plus proches de l’Etat juif en Europe.
Le 20 décembre, la principale procureure de la cour, Fatou Bensouda, avait statué qu’à l’issue de ses enquêtes préliminaires entamées il y a cinq ans sur la « situation en Palestine », il existait une « base raisonnable » pour ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis par l’armée israélienne, le Hamas et « d’autres groupes armés ».
En même temps, elle avait reconnu que la Haye pouvait ne pas disposer de la compétence nécessaire pour prendre en charge le dossier Israël/Palestine. Elle avait donc demandé à un panel de trois juges de la CPI de déterminer la compétence territoriale du tribunal.

La procureure estime elle-même que la Palestine, qui a accédé au statut de Rome, le document fondateur du tribunal, au début de l’année 2015, est considéré comme un Etat pour qu’il soit possible, pour la CPI, de disposer de la compétence pénale sur son territoire.
Cela fait longtemps qu’Israël clame que la CPI n’a aucune compétence sur le dossier dans la mesure où il n’y a pas d’état palestinien souverain susceptible de déléguer à la Cour une compétence pénale sur son territoire et sur ses ressortissants.
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La question est dorénavant entre les mains d’une chambre pré-procès. Les trois magistrats de cette chambre — le Hongrois Péter Kovács, le français Marc Perrin de Brichambaut, et la béninoise Reine Adélaïde Sophie Alapini-Gansou – ont invité « la Palestine, Israël et les victimes de la situation dans l’Etat de la Palestine à soumettre leurs observations écrites » dans le dossier avant le 16 mars.
D’autres Etats, ainsi que des groupes et organisations privés, ont le droit de réclamer le statut d’amicus curiae d’ici vendredi. Si leur demande est acceptée, ils pourront déposer leurs observations sur la question de la compétence avant la date du 16 mars.
Jusqu’à présent, la République tchèque – membre de la CPI depuis 2009 – semble avoir été le seul Etat à souhaiter déposer un avis juridique dans cette affaire (d’autres Etats-membres, notamment l’Australie, le Canada et la Hongrie ont pris le parti d’Israël dans le débat sans pour autant de demander à déposer des avis juridiques auprès du tribunal).
Dans le document qui a été signé par le ministre des Affaires étrangères Petricek, Prague insiste sur le fait que la république tchèque « respecte pleinement et a la conviction de l’indépendance » de la CPI et de son processus « impartial » en termes de prise de décision.
La question de la juridiction de la Cour et celle d’un état palestinien doivent être analysés « conformément au droit international général », dit le document de la République tchèque. Il cite ensuite la convention de Montevideo, en 1933, consacrée aux droits et aux devoirs des Etats, qui est traditionnellement reconnue comme la base permettant de déterminer ce qui constitue un état sous les termes de la loi internationale.
Selon le premier article de la convention, un Etat doit posséder les qualifications suivantes : une population permanente, un territoire et un gouvernement définis, ainsi que la capacité à entrer en relation avec les autres Etats.
« La position traditionnellement adoptée par la République tchèque est que la Palestine ne répond pas à tous les critères permettant de définir un état selon les dispositions du droit international », dit le document.
Tandis que Prague soutient « l’aspiration à l’indépendance » des Palestiniens, le fait que la Palestine ne puisse pas être considérée comme un état « met en doute » la compétence de la CPI sur la Cisjordanie et sur Gaza, conclut-il.
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