La série de succès enregistrée par Tsahal pourrait faire reculer le Hezbollah – mais elle ne mènera pas à la victoire
Israël espère que les résultats tactiques obtenus écarteront le spectre de la guerre contre le Hezbollah mais vaincre l'organisation nécessitera une approche différente
Les services de sécurité israéliens ont enregistré une série de victoires dans leurs attaques contre le Hezbollah au Liban.
Vendredi, une frappe aérienne a éliminé les hauts-responsables des forces Radwan d’élite – l’unité bâtie par le groupe terroriste, année après année, pour envahir la Galilée et pour commettre une attaque similaire à celle du 7 octobre, voire bien pire.
Ces derniers jours, l’armée de l’air a pilonné des centaines de rampes de lancement de projectiles du Hezbollah qui étaient installés dans le sud du Liban, prêts à lancer des attaques immédiates en direction de l’État juif.
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Des coups qui ont été portés à la suite d’opérations spectaculaires de l’armée israélienne – avec les explosions de bipeurs et autres talkie walkies du Hezbollah qui ont fait en tout 70 morts et plus de 3 000 blessés. Si Israël n’a pas revendiqué cette attaque sans précédent, le Hezbollah en a attribué la responsabilité à cet ennemi honni et ignore actuellement le degré de pénétration, par les Israéliens, de son organisation terroriste secrète.
Ces succès très médiatisés – comme cela a également été le cas de l’assassinat du chef militaire du Hezbollah, Fuad Shokor, par Israël au mois de juillet – ont éclipsé une autre opération audacieuse qui semble par ailleurs s’être déroulée sans difficulté. Les forces spéciales israéliennes auraient lancé un raid dans les profondeurs de la Syrie, détruisant une structure appartenant au Corps des Gardiens de la révolution islamique qui servait à développer des missiles balistiques et des drones pour le Hezbollah et pour les autres proxies de Téhéran.
Si ces opérations qui ont été médiatisées à l’extrême (et qui ont été profondément humiliantes pour le Hezbollah) constituent sans aucun doute une escalade dans les hostilités qui agitent, depuis onze mois, les deux côtés de la frontière séparant Israël du Liban, elles semblent avoir été conçues dans le but d’éviter une guerre totale.
Depuis des décennies, Israël compte sur sa force de dissuasion pour conserver un calme relatif à ses frontières. Cette approche – qui n’est pas conçue pour vaincre ou pour carrément détruire un adversaire – vise à décourager l’ennemi en lui ôtant toute velléité de franchir les lignes rouges en faisant planer sur ses épaules la menace de représailles dont il jugera le prix trop élevé.
Les opérations de dissuasion répétées qui ont pu avoir lieu à Gaza et au Liban, depuis les années 1990, ont entraîné des fanfaronnades de la part des dirigeants israéliens, des périodes de tranquillité limitées – et des ennemis qui sont devenus de plus en plus dangereux.
Le problème de la dissuasion est qu’elle n’existe que dans l’esprit de l’ennemi – il n’était donc nullement garanti qu’Israël puisse se rendre compte des changements survenus dans les calculs bénéfice-risque de ses adversaires. L’État juif avait ainsi réalisé que sa dissuasion à l’encontre du Hamas n’était que chimère lorsque des milliers de terroristes avaient franchi la frontière pour commettre leur pogrom, le 7 octobre, et il avait de la même manière découvert les limites de sa puissance de dissuasion à l’encontre du Hezbollah dès le lendemain, lorsque le groupe terroriste libanais avait commencé à attaquer le nord du pays.
Aujourd’hui, Israël tente d’utiliser ce que les théoriciens militaires appellent la contrainte, une stratégie qui consiste à forcer un adversaire à cesser des actions déjà commencées. Ce qui nécessite une compréhension profonde des calculs qui ont pu être faits par l’autre partie, une « compréhension nuancée des besoins, des craintes, des capacités, des intérêts et de la volonté de l’État-cible », explique Tami Davis Biddle, professeure à l’US Army War College.
« Et l’acteur qui est à l’origine de cette contrainte doit pouvoir être en mesure de formuler sa demande de manière à ce que l’État-cible puisse la comprendre et s’y conformer », ajoute-t-elle.
L’objectif de tout dégât causé à un ennemi est de lui signaler qu’il aura beaucoup plus à faire s’il ne modifie pas son comportement d’une manière spécifique.
« Hélas, cette capacité à porter atteinte est souvent communiquée par une certaine performance », a écrit Thomas Schelling dans « Arms and Influence ».
« Qu’il s’agisse de violence terroriste pure qui vise à induire une réponse irrationnelle, ou de violence froide et préméditée, qui vise pour sa part à convaincre quelqu’un que vous êtes sérieux et que vous pouvez recommencer, il ne s’agit pas seulement de la souffrance infligée et des dégâts commis en eux-mêmes, mais de l’influence qu’ils pourront avoir sur le comportement de quelqu’un, c’est ce qui entre en compte », a-t-il noté.
Israël espère que l’élimination des hauts-responsables du commandement du Hezbollah, que les milliers de terroristes qui ont été tués en l’espace de 48 heures et que les coups portés à l’arsenal et au réseau de missiles de l’organisation terroriste persuaderont finalement le groupe chiite qu’il paiera un prix trop élevé s’il ne décide pas de mettre un terme à ses attaques contre Israël.
Le danger est que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, fasse d’autres calculs. Il pourrait décider que les frappes prouvent qu’Israël est sur le point d’attaquer, que la guerre est imminente. Cela pourrait également le pousser à réagir de manière agressive pour sauver la face et pour montrer à ses partisans et à son protecteur iranien que son organisation est capable de tenir tête à l’État juif honni.
Israël ne peut ôter sa capacité de décision à Nasrallah qu’en entrant en guerre contre le Hezbollah et en le démantelant en tant que force militaire.
Mais le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est jusqu’à présent opposé à une telle initiative. Il s’agit d’une décision raisonnable – compte-tenu des effets qu’ont eu 11 mois de combats à Gaza sur l’état de préparation de l’armée, appelée à affronter un ennemi plus dangereux au Liban, et compte-tenu aussi du fait que les réformes de Tsahal, qui avaient été lancées en 2019 pour lui permettre de vaincre le Hezbollah sur le champ de bataille, n’étaient pas achevées à la veille du 6 octobre.
La guerre dans le nord semble inévitable – mais Israël aura beaucoup plus de chances de la gagner après plusieurs années de transformation et de reconstitution, lorsqu’il pourra surprendre le Hezbollah avec une invasion à grande échelle destinée à vaincre l’organisation une fois pour toutes.
Si et quand cette guerre aura lieu, des opérations étonnantes comme celles auxquelles nous avons assisté contre le Hezbollah, ces dernières semaines, devront être lancées dans le cadre d’une campagne globale et décisive, et non comme des succès tactiques isolés. En d’autres termes, Israël combat encore aujourd’hui le Hezbollah comme s’il s’agissait d’une organisation terroriste que l’État juif veut faire taire – et non d’une armée ennemie qu’il a l’intention de détruire.
Si le Hezbollah recule, Netanyahu serait bien inspiré de mettre fin à l’imbroglio stratégique à Gaza et de renforcer considérablement la pression militaire sur le Hamas afin de détruire les capacités restantes de l’organisation, dans le but éventuel de convaincre son chef Yahya Sinwar d’accepter un accord sur la remise en liberté des otages. Cet effort devra être soutenu par un programme concerté dont l’objectif sera d’effectivement remplacer le pouvoir civil du Hamas à Gaza, un élément crucial qui n’a que trop tardé.
Toutefois, si Israël ne parvient pas à contraindre Nasrallah à cesser les tirs de roquettes et que l’État juif n’a d’autre choix que la guerre au Liban, Sinwar verra son plan se concrétiser. Il a misé ses espoirs de survie sur le fait que des États musulmans et des groupes armés se joindront à la lutte, obligeant Israël à se détourner de Gaza et laissant le Hamas intact.
Israël se trouve dans un environnement stratégique dangereux – et les succès tactiques audacieux ne garantissent pas qu’il y aura une issue. Seules des actions militaires déterminées et agressives contre le Hamas, associées à un effort civil visant à remplacer le groupe terroriste, sans considérations de politique intérieure, pourront apporter une victoire à Gaza – victoire qui se fait attendre depuis longtemps.
Et lorsque le moment sera venu pour Israël de combattre le Hezbollah sur le terrain au Liban, les mêmes principes s’appliqueront.
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