La « vie en suspens » des proches de Cécile Kohler, détenue en Iran depuis deux ans
L'enseignante, arrêtée pour "espionnage" avec son compagnon, est détenue à la prison d'Evin dans un quartier de haute sécurité où les condition de détention sont "particulièrement dures"
« Deux ans, c’est vertigineux » : pour Noémie, la sœur de Cécile Kohler, enseignante française détenue depuis le 7 mai 2022 en Iran avec son compagnon, la vie est « en suspens », même si l’espoir de sa libération demeure intact.
« C’est une angoisse permanente parce qu’on sait où elle est, on sait qu’elle est détenue dans des conditions extrêmement difficiles » mais « on ne voit presque aucune évolution », explique à l’AFP cette graphiste de 34 ans.
Mardi, cela fera deux ans jour pour jour que sa sœur Cécile, 39 ans, enseignante de lettres modernes dans les Yvelines, a été arrêtée lors d’un voyage en Iran avec son compagnon Jacques Paris, un ancien professeur de mathématiques de 69 ans.
Raison officielle? « Espionnage ». En septembre, la justice iranienne a fait savoir que l’enquête les visant était terminée, ouvrant la voie à un éventuel procès.
« Flou total »
Depuis, c’est « le flou total », s’inquiète Noémie Kohler.
Une « vie en suspens », « sans avoir la moindre perspective, sans entrevoir la moindre lumière au bout du tunnel », soupire la présidente du comité de soutien à sa sœur.
« Environ toutes les trois semaines », Cécile peut contacter sa famille via des appels vidéo. Des contacts courts et manifestement étroitement surveillés.
Elle a les numéros de ses parents, de ses deux frères et de Noémie. Impossible de savoir à l’avance quand ni qui elle va appeler, poursuit la trentenaire, ce qui oblige les Kohler à vivre près de leurs téléphones mobiles et à éviter les zones sans réseau.
« On attend ses appels mais on attend aussi (ceux) du Quai d’Orsay », qui les tient régulièrement informés: fin janvier, avec les familles des trois autres Français encore détenus en Iran, ils ont été reçus par le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Noémie évoque également un échange de lettres avec Emmanuel Macron.
Les Kohler ne savent en revanche rien d’éventuelles négociations entre Paris et Téhéran.
« L’appel qu’on attend vraiment, c’est (celui) qui nous dira +elle est dans l’avion, elle a quitté l’espace aérien iranien », confie Noémie Kohler.
Le dernier, c’est leur mère qui l’a reçu le 13 avril. « 3, 4 minutes » durant lesquelles Cécile a montré « des signes d’épuisement. Elle verbalise le fait qu’elle n’en peut plus » mais a quand même tenté de rassurer ses proches en leur disant « tenez le coup, soyez forts, moi je tiens le coup ».
Cécile a reçu au total trois visites consulaires. Elle est détenue à la prison d’Evin, à Téhéran, « la section 209 », un quartier de haute sécurité où les condition de détention sont « particulièrement dures ».
Après « plusieurs mois d’isolement complet », elle est « aujourd’hui dans une cellule de 9m² qu’elle partage avec d’autres femmes ». Elle a « trois sorties » de 30 minutes par semaine et « on pense qu’elle dort sur des couvertures », à même le sol, explique sa sœur.
Le reste du temps, elle est dans sa cellule. « Elle a reçu « L’Odyssée », d’Homère, qu’elle apprend progressivement par cœur » et « elle écrit un roman dans sa tête… »
Son compagnon, Jacques Paris, est détenu dans le même établissement mais dans la partie réservée aux hommes, également « dans des conditions très rigoureuses ». « Pendant plus d’un an et demi, ils ne se sont pas vus » mais depuis Noël, « ils peuvent se voir pendant quelques minutes lorsqu’ils nous appellent », raconte Noémie.
« Angoissant »
Les libérations l’an passé de prisonniers Français en Iran – Benjamin Brière et le Franco-Irlandais Bernard Phelan en mai, la Franco-Iranienne Fariba Adelkhah en février et autorisée à regagner la France en octobre -, leur redonne évidemment de l’espoir pour Cécile et Jacques.
Même si la situation actuelle de tension croissante entre l’Iran et Israël attise forcément leurs craintes: « on ne sait pas jusqu’où ça va aller (…) C’est très angoissant ».
Alors, pour entretenir l’espoir du retour, le collectif organise ce week-end deux jours de concerts à Soultz (Haut-Rhin), d’où est originaire la famille Kohler. Mardi, pour les deux ans de détention de sa sœur, Noémie prendra la parole à Strasbourg pendant un festival.
En 2020, les deux sœurs, fans du réalisateur Jacques Demy, affichaient leur complicité sur un selfie pris sur les lieux du tournage des « Demoiselles de Rochefort ». Quatre ans plus tard, plusieurs milliers de kilomètres les séparent mais les liens demeurent intacts : « on est très fiers d’elle, on l’aime très, très fort » et « on ne la laissera pas tomber », glisse Noémie.