“Lady Gaga we f*cking love you aussi !”
Quand la star la plus provocatrice de la musique pop peut donner quelques leçons de morale à des diplomates plus très lucides
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Je ne suis pas allé au concert de Lady Gaga à Tel Aviv. Cela en dit long sur mon âge, je suppose… Mais je pense que j’aurais du faire l’effort – surtout après avoir lu le compte-rendu du spectacle de Debra Kamin du Times of Israel. Elle a cité la Lady disant aux Israéliens, à la fin de son show : « Vous êtes forts, vous êtes courageux, vous avez confiance en l’avenir and I f*cking love you Israel ».
“I f*cking love you Israel” : peut-être dit-elle ce genre de chose à chacune de ses performances ? Mais vous savez quoi ? Ce n’est pas rien de dire cela en Israël, pour les Israéliens, et – à la fin de ce terrible été. Je ne crois pas me souvenir que quelqu’un d’autre ait dit quelque chose d’équivalent.
Je me souviens du secrétaire d’Etat américain John Kerry ricanant devant un collègue, alors que l’armée de l’air cherchait à stopper le Hamas tirant ses milliers de roquettes : « C’est juste une opération chirurgicale… C’est juste une opération chirurgicale… »
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Je me souviens du ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius assimilant Israël et le Hamas en disant : « En Israël et à Gaza, la situation est très difficile… Rien ne justifie les attaques ni les massacres qui ne servent à rien à part faire des victimes et attiser les tensions ».
Je me souviens du leader de l’opposition travailliste, en Grande-Bretagne, Ed Miliband, déclarer que « bien que je soutienne le droit d’Israël à se défendre contre les attaques de roquettes… je ne peux pas expliquer, justifier ou défendre les horribles pertes de centaines de Palestiniens, dont des enfants et des civils innocents… Cette escalade ne sert à rien et ne permettra pas à Israël de se faire des amis ».
Voilà qui sont nos partenaires internationaux.
De manière significative, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni sont à la pointe de nouveaux efforts pour lutter contre la montée de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Dans cette cause, évidemment, des frappes aériennes et d’autres actions militaires envisagées, loin d’être injustifiées et horribles, sont apparemment morales, louables et nécessaires.
Cela a-t-il donc du sens d’un point de vue moral ?
Les gardiens de la soi-disant morale du monde et des baromètres de la légitimité internationale ignorent le président Bashar el-Assad quand il abat des centaines de milliers de ses propres citoyens en Syrie. De même, l’Etat Islamique a tué des milliers de civils dans la région au cours de la dernière décennie et pourtant son existence a presque été négligée par la conscience occidentale.
Le président Barack Obama, de son propre aveu, néglige la préparation d’une stratégie pour y faire face. C’est seulement quand ils commencent à décapiter les Occidentaux, que cela devient soudainement une menace terroriste « au-delà de tout ce que nous avons vu, » selon les mots du Secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel.
Pendant ce temps, le Hamas a assassiné des centaines d’Israéliens dans une campagne stratégique d’attentats-suicides au tournant du millénaire. Par la suite, il a été élu par des Palestiniens reconnaissants dans de nombreuses localités de Cisjordanie ; il a pris le pouvoir à Gaza en sortant Mahmoud Abbas du jeu ; il a intensifié les tirs aveugles de roquettes sur Israël.
Il a entrepris ensuite de transformer Gaza en enclave terroriste, avec des milliers de roquettes et de tunnels d’attaque dans la poursuite de son objectif ouvertement déclaré d’anéantir Israël. Quand Israël et l’Egypte imposent un blocus de sécurité visant à prévenir cette course à l’armement à Gaza, Israël – mais pas l’Egypte – est immédiatement montré du doigt.
Puis, en juin, avec des instructions venant de Gaza, un commando terroriste du Hamas en Cisjordanie kidnappe et tue trois adolescents israéliens. Et quand Israël met en oeuvre l’arrestation des suspects, le Hamas renforce les salves de roquettes nous plongeant dans 50 jours de conflit.
Les Etats-Unis regrettent sans doute que leur intervention militaire en Irak et en Afghanistan ait contribué à tuer des dizaines de milliers de civils. L’Amérique a vu cela comme la conséquence profondément malheureuse de l’impératif de s’attaquer au terrorisme islamiste. Pourtant celui-ci menace l’Amérique, ses alliés et ses valeurs.
Et pourtant, les tentatives d’Israël de protéger ses civils du terrorisme islamiste et de chercher à minimiser les pertes civiles – faut-il encore rappeler que le Hamas tire à côté d’hôpitaux ou d’écoles – ont recueilli une forte réticence quant au « droit de se défendre ».
Et de son allié américain vital (livraison de missiles encore suspendue). Et de son allié britannique (menace d’arrêter les ventes d’armes). Et d’un peu partout (condamnations en tous genres). A l’exception notable du Canada.
Nous n’avons pas le luxe de nous retirer du Moyen-Orient comme les Américains. Cette région instable et sanglante est notre quartier historique. L’importance cruciale d’un foyer national juif a encore un écho aujourd’hui : c’est le seul endroit qui reste une garantie de refuge pour les Juifs du monde.
Cela a été confirmé cet été, avec une certaine amertume aussi, pour tous ces Juifs de France ou de Belgique. Ceux qui jusqu’à très récemment pensaient avoir le luxe de se demander s’ils choisiraient un jour d’immigrer, cherchent désormais de plus en plus à s’installer en Israël, compte tenu de l’impossibilité croissante de vivre en tant que Juifs dans ces pays désormais en proie à l’antisémitisme.
Chuchotez-le, mais même aux Etats-Unis, certains Juifs craignent aussi de devenir les témoins d’une résurgence de cette maladie fort ancienne. Elle se présente le plus souvent sous couvert d’antisionisme.
Ses métastases se répandent sur les campus universitaires avec virulence. Personne n’est plus tout à fait sûr que les Juifs en Amérique – comme presque nulle part ailleurs en diaspora – soient protégés à moyen et long terme.
Les horreurs de cet été ne sont peut-être pas terminées. Le Hamas a encore des milliers de roquettes et des milliers de tueurs. Au Nord, le Hezbollah est dix fois plus fort que le Hamas ne l’a jamais été.
Il possède 100 000 roquettes, et des missiles que l’on estime à 5 000, pointés sur une seule adresse… et qui seront lancés lorsque le temps sera mûr.
A l’Est, l’Iran, en route vers la bombe, fait tourner des centrifugeuses de plus en plus sophistiquées, et fera certainement savoir au Hezbollah quand attaquer. Il se délecte déjà de la myopie de cet Occident, effarouché par ces décapitations brutales, et qui cherche maintenant à séduire les ayatollahs dans sa lutte contre l’État Islamique.
L’ennemi de mon ennemi, il faut s’en rappeler, n’est pas toujours mon ami.
Je n’ai en fait aucune idée si tout cela intéresse Stefani Joanne Angelina Germanotta – alias Lady Gaga. Ou si elle en est consciente. Je sais simplement que cet été, quand tous les autres artistes annulaient leurs visites en Israël, ou quand le Commandement de la Défense Passive les annulait, Lady Gaga a gardé sa tête… et a gardé sa date pour son show à Tel Aviv.
De sorte qu’après les tirs de roquettes, quand nous avons finalement réussi à sortir de nos abris, elle a pu venir nous dire qu’elle nous aimait. (Bravo aussi à Tony Bennett, invité spécial de Gaga, et dont le spectacle au Mann Auditorium s’est déroulé à guichets fermés).
Cela a montré une force, un courage, une confiance et une lucidité nettement plus affirmés que n’importe quel homme d’État.
Ce terrible été nous a bien montré que les attitudes du monde envers Israël allaient du soutien en demi-teinte aux critiques injustifiées. Messieurs Kerry, Fabius, Miliband recherchent leurs boussoles morales et ils feraient bien, pourtant, de consulter celle qu’on a décrite à juste titre comme « la star la plus provocatrice et la plus excessive de la pop ».
Je vous remercie, Lady Gaga, et nous f*cking love you aussi…
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel