L’alimentation casher se heurte au BDS sur un campus de l’université de Toronto
Une querelle portant sur une résolution visant à interdire les fournisseurs d''alimentation casher qui "normalisent l'apartheid israélien" a divisé les étudiants
JTA — Après l’indignation et les réprimandes du président de l’université de Toronto, le principal syndicat étudiant de l’un des campus de l’établissement d’enseignement supérieur a modifié sa proposition d’interdiction de faire appel à des fournisseurs d’alimentation casher liés, d’une manière ou d’une autre, à Israël, – une interdiction qui avait entraîné la controverse.
Mais un groupe juif du campus de Scarborough a estimé, pour sa part, que le changement qui a été décidé n’a fait qu’empirer les choses.
Le conseil d’administration du syndicat étudiant du campus de Scarborough, qui dépend de l’université de Toronto, s’est réuni en hâte en date du 1er décembre pour calmer la polémique après une résolution du 24 novembre qui reprenait à son compte la politique mise en place par le mouvement anti-israélien BDS (Boycott, Divestment and Sanctions) concernant la distribution d’alimentation casher.
Lors de cette réunion d’urgence, un passage de la résolution pro-BDS précédente a été supprimé. Ce passage disait : « Il faut prendre des initiatives pour s’approvisionner en alimentation casher auprès de groupes qui ne normalisent pas l’apartheid israélien… Néanmoins, compte-tenu de la disponibilité limitée de ces produits, alors des exemptions pourront être délivrées s’il n’y a pas d’autre alternative ».
Cette révision a eu lieu après les condamnations des étudiants juifs du campus, des dirigeants de l’université et des organisations juives du Canada. Bnai Brith Canada avait déclaré que la résolution initiale « aurait, dans les faits, anéanti la vie juive » sur le campus parce que le syndicat « contrôle le financement des clubs, les réservations de chambres et de nombreux autres aspects de la vie étudiante sur le campus de Scarborough ».
Meric Gertler, président de l’université, avait estimé pour sa part que la résolution originale était « contradictoire avec les valeurs de liberté d’expression et d’inclusion qui sont au cœur » de son établissement.
« L’exigence que les fournisseurs en produits alimentaires, qui accommodent nos étudiants religieux, se trouvent dans l’obligation de demander une exemption, ou même la perspective qu’ils soient interrogés sur leur manière d’appréhender des problèmes qui se posent ailleurs dans le monde est inacceptable », avait commenté Gertler.
Un groupe juif du campus, l’UTSC Jewish Student Life, a fait savoir que la révision apportée au texte ne faisait qu’empirer les choses, la résolution pro-BDS contenant encore un passage qui stipule que le syndicat « s’abstiendra de traiter avec des organisations, d’utiliser des services ou de participer à des événements qui normalisent davantage encore l’apartheid israélien ».
Le groupe a estimé que cette exigence pouvait s’appliquer aux fournisseurs de produits alimentaires casher qui avaient quelque chose à voir avec Israël – et qu’en conséquence, les produits alimentaires casher n’allaient pas faire exception, indépendamment du degré de rigueur de l’exemption.
« Avec cette nouvelle motion, il y a encore une interdiction posée sur l’affiliation, voire l’interaction avec les organisations qui ‘normalisent l’apartheid israélien’ – et cela comprend toujours les fournisseurs qui s’identifient comme sionistes comme c’est le cas de la grande majorité des Juifs canadiens », a écrit Jewish Student Life (JSL) sur sa page Facebook. « Aujourd’hui, toutefois, il n’y a plus de possibilité d’exemption ».
Une autre résolution réaffirmant les droits des étudiants juifs a été adoptée le 24 novembre, le jour même de l’approbation de la résolution pro-BDS.
Les étudiants juifs du campus avaient présenté cette résolution en faveur de leurs droits en sachant que le texte pro-BDS allait être adopté et ils ont ainsi cherché à atténuer son impact, commente Renan Levine, professeur de Sciences politiques de l’université qui conseille JSL.
Cette résolution en faveur des droits des étudiants juifs a donc été approuvée, même si certains passages ont été supprimés. Levine explique que ces suppressions ont affaibli la résolution parce que si elle protège les droits des étudiants individuels, elle ne s’applique plus aux organisations juives comme Hillel.
Ce qui pourrait, explique-t-il, empêcher les organisations juives de l’université de recevoir « un soutien financier et promotionnel » ou « d’avoir accès aux espaces d’activités étudiantes qui sont contrôlés par » le syndicat étudiant.
Levine souligne que l’adoption de la résolution sur les droits des étudiants juifs aura toutefois un effet positif en raison des éléments du texte qui s’attaquent à l’hostilité croissante qui s’exprime à l’égard de ces étudiants depuis le conflit qui a opposé Israël aux groupes terroristes de Gaza, au mois de mai.
« Au vu des controverses multiples sur les messages de haine qui ont pris pour cible les Juifs et Israël au mois de mai, quand il y a eu une escalade des violences au Moyen-Orient, nous trouvons important, dans la résolution, d’interdire les comportements hostiles, haineux et violents sur les réseaux sociaux de la part des leaders étudiants ou sur les forums contrôlés par les étudiants, et il est déterminant de faire en sorte que les étudiants juifs ne soient pas blâmés pour les actions qui ont été entreprises par le gouvernement israélien », écrit Levine dans un courriel.
Il y a deux ans, un responsable du syndicat des étudiants du troisième cycle avait expliqué que son organisation ne soutiendrait pas une initiative prise par Hillel qui souhaitait alors organiser l’entrée de produits casher sur le campus parce que Hillel était « pro-Israël ». Le syndicat avait ultérieurement présenté ses excuses.