Lapid : Le nouveau gouvernement va démanteler les fondements de la société
Pour le Premier ministre sortant, Netanyahu et ses partenaires, « dangereux et extrémistes », nuiront à l’armée, à l’économie, aux relations avec les États-Unis et à la diaspora
Dans un discours sombre et non dénué d’amertume, le Premier ministre sortant Yair Lapid a mis en garde jeudi contre le programme de la coalition de son successeur, Benjamin Netanyahu, qu’il dit affaibli et redevable à des partenaires extrémistes qui vont mener le pays à sa ruine.
Il a déclaré que le prochain gouvernement ne tenait pas à la démocratie ou à l’État de droit, et qu’il mettrait à bas le système éducatif israélien, subventionnerait de manière disproportionnée la communauté ultra-orthodoxe, dégraderait l’économie, politiserait l’armée, provoquerait une explosion en Cisjordanie, saperait la réputation internationale d’Israël et nuirait à ses relations avec les États-Unis et la diaspora.
Netanyahu a répondu que Lapid avait ruiné le pays et qu’il ferait mieux de « rentrer chez lui ».
« Le gouvernement qui vient d’être formé est dangereux, extrémiste, irresponsable. Cela finira mal », a dit Lapid devant les caméras de télévision, confiant sa « profonde préoccupation pour l’avenir de la société israélienne ».
« Netanyahu est affaibli, et [ses partenaires] ont créé avec lui le gouvernement le plus extrémiste de toute l’histoire du pays », a assuré Lapid.
Ce discours survient au lendemain de l’annonce, par Netanyahu, de la formation de son gouvernement, supposé prêter serment à la Knesset d’ici le 2 janvier prochain.
Entre-temps, Netanyahu a finalisé les accords de coalition avec ses partenaires politiques ultra-orthodoxes et d’extrême droite, dont quelques détails ont fuité hier jeudi.
« Ce n’est pas le Likud qui a formé le gouvernement. Ce sont les autres », a déclaré Lapid, évoquant les alliés de Netanyahu.
Itamar Ben Gvir d’Otzma Yehudit, Bezalel Smotrich de HaTzionout HaDatit et Aryeh Deri de Shas « ont imposé » la coalition entrante et son programme à Netanyahu, assure Lapid.
« Ils ont formé le gouvernement le plus extrême de toute l’histoire de l’Etat d’Israël », a-t-il dit, ajoutant que la nouvelle coalition « allait démanteler les fondements-mêmes de la société israélienne ».
S’agissant des détails, Lapid a déclaré que « les accords de coalition permettraient à un étudiant ultra-orthodoxe qui n’apprend ni les mathématiques ni l’anglais de recevoir des milliers de shekels de plus qu’un étudiant du système éducatif public ».
Un étudiant de yeshiva qui ne fait pas son service ou ne travaille pas percevra plus d’argent qu’un soldat, a prédit Lapid.
« Ils vont liquider l’avenir d’Israël », a-t-il dit.
Il a fait valoir que Tsahal « serait lésé », rappelant l’autorité donnée en Cisjordanie au parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit.
« Les ministres nommeront des généraux politiques qui siégeront à l’État-major. Le ministre de la Défense perdra son autorité sur l’administration civile. Et en Judée-Samarie », a déclaré Lapid, évoquant ici la Cisjordanie sous sa dénomination biblique, « on ignore qui sera responsable de quoi. Toutes les conditions sont réunies pour une explosion de violence. »
S’agissant du nouveau ministre de la police, Ben Gvir, Lapid a déclaré : « Montrez-moi un État dans le monde où l’homme responsable de la police est un criminel violent avec 53 inculpations et 8 condamnations pour des infractions graves. »
En ce qui concerne l’éducation, il a qualifié Avi Maoz, chef du parti d’extrême droite Noam, de « sombre raciste qui, aujourd’hui, a une liste noire de personnes LGBTQ et de militants des organisations féministes ».
Pourtant, c’est bien Maoz, a-t-il ajouté, qui « sera en charge de l’éducation de nos enfants ». Les jeunes parents ne pourront pas envoyer leurs enfants à l’école sans craindre un lavage de cerveau, a confié Lapid.
Maoz, unique député de Noam, devrait occuper le poste de vice-ministre chargé de « l’identité juive » dans le cabinet du Premier ministre, poste qui lui donnera également un certain contrôle sur les programmes scolaires.
Lapid a également assuré que l’image d’Israël sur la scène internationale serait entachée, y compris en matière de lutte contre l’Iran, et que l’État juif ferait face à des sanctions.
« Ce sera le tout premier gouvernement de l’histoire d’Israël à ne pas être considéré par les États-Unis comme leur allié le plus proche », a confié Lapid.
Il a ajouté que le nouveau gouvernement ne manquera pas de gripper le moteur des hautes technologies qui stimule l’économie israélienne. Il va promouvoir une économie qui « encourage les gens à ne pas travailler et va gaspiller des milliards de shekels pour répondre à des demandes partisanes ».
Le coût de la vie ne va faire qu’augmenter, a-t-il averti.
De nombreux dirigeants du secteur de la technologie ont exprimé leur préoccupation concernant les politiques du nouveau gouvernement, avertissant qu’elles pourraient décourager les investissements.
Lapid a ajouté que cette nouvelle coalition porterait également tort aux « Juifs de par le monde », estimant que les Juifs réformés et conservateurs – majoritaires au sein de la communauté juive américaine – « ne pourraient pas considérer Israël comme leur deuxième patrie ».
Les changements annoncés en matière de loi du retour « mettront fin à l’immigration en provenance de Russie et d’Ukraine », a déclaré Lapid en référence aux appels des alliés de Netanyahu à supprimer la « clause du petit-fils » qui accorde la nationalité à toute personne ayant au moins un grand-parent juif, même si elle n’est pas juive selon la loi religieuse.
Lapid a par ailleurs affirmé que le nouveau gouvernement « n’était aucunement attaché à la démocratie ou à l’état de droit, et qu’il essayait de museler l’opposition. Ils disent : ‘Acceptez le résultat des urnes.’ Quand nous avons gagné les élections [en 2021], ils ont suivi les enfants des députés de la Knesset sur le chemin de l’école, envoyé des voyous attaquer nos militants… distillé des mensonges toxiques et fait courir des propos insultants pour délégitimer le gouvernement. »
« Nous ne ferons rien de tout cela, mais nous nous battrons pour notre pays, partout et par tous les moyens », a-t-il promis.
Lapid s’est engagé à lutter contre l’opposition en ce qui concerne l’état de droit, les droits des femmes et de la communauté LGBT, les « valeurs de Tsahal », l’éducation et « une identité juive tolérante », tout en appelant les citoyens à prendre part à cette lutte.
« Soyez sur vos gardes face à un gouvernement dangereux, extrêmiste et irresponsable, avec un Premier ministre affaibli qui a perdu le contrôle avant même d’avoir prêté serment », a-t-il déclaré.
Dans les minutes qui ont suivi ce discours, Netanyahu a publié une déclaration peu flatteuse envers son adversaire, assortie d’une présentation du pays sous le gouvernement sortant à la limite de la dystopie.
« Lapid, qui laisse un pays en ruine, une économie et une diplomatie effondrées, l’Iran libre de développer ses [capacités] nucléaires, une criminalité et une violence endémiques, met en garde contre le prochain gouvernement avec des inventions sans fondement », a déclaré Netanyahu dans un communiqué de son parti, le Likud.
« Vous avez perdu les élections », a-t-il dit à Lapid.
« Il est temps de rentrer chez vous. »
Netanyahu a jusqu’à présent signé des accords de coalition avec HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit. Noam a annoncé jeudi qu’il concluerait un accord avec le Likud au début de la semaine prochaine.
Netanyahu a annoncé être parvenu à former un gouvernement quelques minutes seulement avant la date limite, fixée à minuit mercredi soir, plus d’un mois après en avoir reçu le mandat du président Isaac Herzog.
Le Likud, principal parti d’Israël et puissance de droite, sera cette fois situé sur l’aile gauche de la nouvelle coalition.
L’extrême droite d’Otzma Yehudit, HaTzionout HaDatit et Noam, ainsi que les partenaires ultra-orthodoxes de longue date de Netanyahu, Shas et Yahadout HaTorah, complètent une coalition majoritaire à la Knesset, avec 64 sièges des 120 sièges qui la composent.