L’appel d’un père éploré, un Premier ministre en-dessous de tout – et une tentative de sauver Israël
Netanyahu et sa coalition ne sont apparemment pas ébranlés par l'exécution de six otages par le Hamas et la perspective de nouvelles horreurs. A quand des voix plus saines ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Après des mois d’apparitions publiques remplies de fiel, débordantes de mépris à l’égard de ses détracteurs présentés comme des complices du Hamas, des apparitions où il n’a cessé de vanter sa capacité inégalée à sauver Israël de l’horreur du 7 octobre qu’il n’était pourtant pas parvenu à prévenir, il était inutile d’écouter la conversation entre Benjamin Netanyahu et le rabbin Elhanan Danino, ce père en deuil de son enfant, pour avoir une nouvelle confirmation de ce que nous savions déjà : Notre Premier ministre est en-dessous de tout et il est tout à fait capable d’entraîner Israël avec lui dans son effondrement.
Il a pourtant donné le meilleur de lui-même lorsqu’il s’est confronté au plaidoyer angoissé de Danino qui a exhorté à l’unité, qui a demandé à mettre un terme à la politique politicienne, à refaire une priorité de la question du sauvetage de la vie des otages, une valeur juive sacrée.
Le Premier ministre a essayé de faire preuve d’empathie lorsqu’il a dit à cette famille déchirée par la mort d’Ori – un jeune homme de 25 ans qui avait été kidnappé, le 7 octobre, alors qu’il tentait de sauver ses amis au festival de musique électronique Supernova avant de rester en captivité pendant 11 mois dans des conditions inimaginables et d’être assassiné par ses ravisseurs – qu’il avait lui-même été blessé lors d’une tentative de sauvetage d’otages pendant son service militaire quand il avait 22 ans, ajoutant qu’il connaissait la douleur ressentie à la perte d’un frère.
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« Non », l’a alors interrompu l’un des frères d’Ori. « Vous ne le savez pas. Vous avez construit votre carrière sur le dos de votre frère… Votre frère était, lui, un vrai héros israélien. Et vous, qu’avez-vous fait de ça ? »
« Il faut que vous, les gens d’en haut, arrêtiez les bêtises : vous ne faites qu’attiser les tensions et les clivages », a renchéri le rabbin Danino, suppliant. « Nous ne méritons pas cette Terre si nous ne savons pas faire preuve d’unité… Fermez la porte de votre bureau dix minutes chaque jour et réfléchissez à ce que vous avez fait de vos valeurs juives… »
Netanyahu s’accroche désespérément à un poste auquel il n’a enregistré que des échecs, mettant son pays et son peuple dans l’impasse avec des conséquences désastreuses et sans commune mesure. Il a été aidé en cela par 63 députés, un mélange de lâches, d’égoïstes, de suprémacistes juifs antisionistes ou d’imbéciles.
Il n’y a rien de surprenant à ce qu’il soit resté insensible au plaidoyer de Danino qui l’a supplié de sauver les derniers otages – Danino, ce rabbin ultra-orthodoxe qui n’avait jamais pris la parole lors d’un rassemblement en soutien aux captifs et qui n’est pas membre de la principale organisation qui leur est dédiée. Il avait pourtant très gentiment accepté d’accueillir Netanyahu à sa shiva alors que d’autres familles d’otages assassinés avaient refusé tout échange avec lui, ne serait-ce que par téléphone.
De toute évidence, Netanyahu n’a guère été ébranlé par les images qui ont montré le tunnel à l’intérieur duquel nos six otages ont été séquestrés et brutalement tués – une vidéo qui a été réalisée par l’armée israélienne et qui a d’abord été diffusée en Conseil des ministres, dimanche dernier, avant d’être rendue publique mardi. Comme certains autres ministres du lamentable cercle qui forme sa garde rapprochée, il n’est apparemment pas convaincu – comme le répète pourtant l’establishment de la sécurité – que la fenêtre de conclusion d’un accord se soit refermée et que l’issue tragique qui a été celle des six otages ait été l’une des conséquences quasi-inévitables des combats qui se déroulent en ce moment. Voyant leur propre mort approcher, les ravisseurs du Hamas ont choisi de tuer les captifs et de prendre la fuite.
En s’attaquant à un vaste réseau de tunnels du Hamas dans le quartier de Tel Sultan, à Rafah, l’armée israélienne était parvenue à secourir l’otage Farhan al-Qadi, le 27 août, et à abattre trois terroristes du Hamas qui s’enfuyaient, le jour même et le lendemain de ce sauvetage. Danino, Hersh Goldberg-Polin, Eden Yerushalmi, Almog Sarusi, Alexander Lobanov et Carmel Gat étaient détenus à environ 700 mètres de là, à l’insu d’al-Qadi ou de Tsahal. Le 29 août, les six otages avaient été exécutés de sang-froid par leurs ravisseurs du Hamas, qui s’étaient ensuite échappés. Le 30 août, l’armée israélienne avait tué deux terroristes qui sortaient des tunnels : les militaires pensent aujourd’hui qu’il s’agissait des meurtriers des six otages. Le 31 août, l’armée israélienne était entrée dans le tunnel à l’intérieur duquel les six otages avaient été détenus avant d’être assassinés, et leurs corps sans vie avaient été rapatriés en Israël dans l’obscurité de la nuit.
Le Conseil des ministres a visionné les images du tunnel, dimanche dernier, à la demande des familles des otages – qui espéraient que le gouvernement serait ainsi incité à tout faire pour parvenir à un accord avec le soutien de Tsahal. En présentant les images au public, mardi soir, Hagari a déclaré de manière inquiétante que d’autres otages se trouvaient en ce moment même dans une situation aussi terrible – et potentiellement mortelle.
Pourtant, après avoir regardé la vidéo avec les autres ministres, Itamar Ben Gvir, le ministre d’extrême droite chargé de la Sécurité intérieure, a estimé qu’elle prouvait que l’armée israélienne devait « exercer une pression militaire bien plus forte et étendue, de façon à mettre le Hamas à genoux et de manière à ce qu’il nous supplie de reprendre nos otages ». Selon la Douzième chaîne, d’autres ministres auraient abondé dans le même sens.
Sortir de l’impasse
On estime à quelques dizaines le nombre d’otages du 7 octobre encore en vie. (Au total, 101 otages sont détenus à Gaza, dont quatre depuis une dizaine d’années. La mort de 35 d’entre eux a été confirmée : ils avaient été tués lors du pogrom du 7 octobre, leur corps sans vie étant amené à Gaza ou ils sont décédés en captivité.)
Les termes de l’accord – les négociations n’ont pas abouti – qui ouvrirait la porte au retour de tous les otages, ou d’une partie d’entre eux, s’avèrent être très problématiques pour Israël. Comme je l’écrivais dans ces colonnes en mai dernier à propos d’une version antérieure de l’accord « de cessez-le-feu contre otages », le Hamas souhaite que « des centaines de chefs terroristes et meurtriers, parmi les plus dangereux et les plus emblématiques, dont 150 au moins purgent des peines à perpétuité » soient libérés en Cisjordanie dans les premiers jours de mise en œuvre d’un accord quel qu’il soit, en échange des femmes otages séquestrées dans la bande – un stratagème évident qui permettrait d’embraser la Cisjordanie toute entière.
L’armée israélienne et de hauts-responsables du secteur de la sécurité sont pourtant catégoriques : Un tel accord en vaut la peine et ce même si les prisonniers libérés reprennent effectivement leurs activités terroristes (comme l’ont fait certains de ceux qui avaient été remis en liberté au mois de novembre dernier) et qu’ils sont très susceptibles d’être arrêtés de nouveau (comme l’ont déjà été certains des détenus palestiniens relâchés en novembre dernier).
Il est frappant de constater que Netanyahu n’avait pas contesté cette facette précise du projet d’accord, au mois de mai dernier – un projet qui avait été approuvé par ailleurs par son cabinet de guerre – et elle n’a pas été évoquée dans le cadre de ses revendications suivantes, où il a durci son positionnement. Peut-être craint-il que son éventuelle opposition à la libération de centaines de prisonniers incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale en échange de 97 otages, au mieux, ne ramène dans les esprits sa décision prise en 2011 de libérer 1 027 prisonniers de sécurité, parmi lesquels figuraient Yahya Sinwar, en échange de la remise en liberté d’un seul soldat israélien.
En revanche, sa récente obsession portant sur le maintien de la présence israélienne dans le couloir Philadelphi, qui court le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, est purement et simplement cynique. Il a eu quinze ans pour reprendre ce couloir qui, affirme-t-il aujourd’hui, est déterminant pour l’avenir d’Israël. Pour autant, il n’a pas accordé la priorité à l’envoi de soldats dans ce secteur lors des sept premiers mois de la guerre. Et aujourd’hui, il assure ne pas vouloir prendre le risque d’en abandonner le contrôle, même au nom d’un accord.
Malgré l’aggravation de la crise depuis le 7 octobre, ces fameux 63 députés conservent Netanyahu au pouvoir avec fermeté et détermination. Sans objectif stratégique, avec des pertes humaines toujours plus nombreuses à Gaza, que ce soit du côté des otages ou des soldats ; avec un Hezbollah qui tire sans relâche sur le nord ; avec un embrasement terroriste en Cisjordanie, incendie attisé par le pompier pyromane Ben Gvir et par ses provocations sur la prière juive sur le mont du Temple ; avec l’Iran qui se rapproche de la bombe et avec enfin l’effondrement économique, social et psychologique du pays.
Autant de raisons qui expliquent l’initiative nouvelle qui a été prise par certaines familles d’otages qui veulent promouvoir un aspect purement pratique de l’appel à l’unité du rabbin Danino, avec l’établissement d’un véritable gouvernement d’unité nationale, une initiative qui mérite que l’on s’y arrête. Netanyahu ne fera rien de tel de son plein gré – pas davantage que ses acolytes de la coalition. Mais peut-être est-il possible d’envisager un « gouvernement basé sur une entente », qui serait favorable à un accord de cessez-le-feu accompagné d’une remise en liberté des otages et de prisonniers, ce qui « conduirait à une véritable unité de la nation », comme l’aurait dit une parente d’otage, Sharon Sharabi.
Ce qui pourrait sauver les otages – mais ce qui pourrait aussi sauver Israël.
Benny Gantz et Yair Lapid n’entreront pas dans une coalition qui, au final, ne ferait qu’ajouter leurs voix dissidentes à un chœur qui est actuellement toujours dominé par Bezalel Smotrich et Ben Gvir. Le parti Kakhol lavan de Gantz a déjà eu le sentiment de servir d’alibi commode au gouvernement quand il l’avait intégré au mois d’octobre 2023, avant de le quitter en juin dernier. Mais dans l’état actuel des choses, le ministre de la Défense Yoav Gallant est l’unique voix de la raison sioniste à se faire entendre au sein du cercle du pouvoir israélien et, si Netanyahu pense pouvoir s’en tirer en le limogeant une deuxième fois, les jours de Gallant au pouvoir pourraient bien être comptés.
Dans ce contexte, rappelons que si Netanyahu – qui est âgé de 74 ans et qui souffre d’une maladie cardiaque, avec une charge de travail impossible et sans Premier ministre par intérim officiellement désigné en cas de force majeure – tombait malade ou qu’il était dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, c’est à la majorité simple que le Conseil des ministres voterait pour désigner son remplaçant temporaire. Difficile de dire qui cela pourrait être. Mais Yariv Levin, cet homme plus que jamais décidé à anéantir notre système judiciaire indépendant, alors même que son plan de refonte radical de l’an dernier avait déchiré Israël et enhardi le Hamas plus tous nos autres ennemis, serait sans doute le mieux placé en sa qualité d’unique vice-Premier ministre.
Remettre le pays sur pied
Revenant, lors d’une interview, sur ses appels lancés au Premier ministre, le rabbin Danino a dit espérer que Netanyahu comprendra que « dehors, il y a un pays qui attend le retour de ces 101 otages pour mettre enfin un terme à ce cauchemar. C’est ça qui remettra ce pays sur pied – leur retour à la maison, la fin de ce terrible cauchemar. »
Il a expliqué avoir dit au Premier ministre des choses qu’il avait entendues autour de lui : « Je lui ai dit ce que beaucoup de gens pensent. À mon grand regret, je lui ai dit tout ça en tant que père éploré qui a perdu son fils aîné.»
Lorsqu’il lui a été demandé s’il pensait avoir « fendu l’armure » de Netanyahu, Danino a déclaré qu’il l’espérait vivement, « pour le bien des 101 familles et du peuple d’Israël, qui doit absolument s’unir et se rassembler ».
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