L’assassinat du chef du Hamas à Téhéran, nouvelle faille des services iraniens
Cet assassinat "montre que la sécurité de l'Iran ressemble à du fromage suisse", selon un analyste ; "il paraît évident que ça ne peut venir que d'Israël", estime un autre

L’assassinat mercredi du chef du groupe terroriste palestinien du Hamas à Téhéran, au cœur du pouvoir iranien, attribué à Israël, est une nouvelle illustration de la vulnérabilité de l’Iran et de l’ampleur de l’infiltration des services de renseignement israéliens, selon des analystes.
Ismaïl Haniyeh, l’un des visages publics du Hamas, qui effectuait des voyages à l’étranger, comme en avril en Turquie où il s’était entretenu avec le président Recep Tayyip Erdogan, était en Iran pour participer à la cérémonie d’investiture du nouveau président Massoud Pezeshkian.
Il a été tué selon des médias iraniens en pleine nuit par une frappe ciblée aérienne contre la résidence pour anciens combattants iraniens où il était logé dans le nord de Téhéran. Un quartier chic et tranquille de la capitale où vivent des gens fortunés.
Bien que les Israéliens n’aient pas confirmé être derrière cette opération, « il paraît évident que ça ne peut venir que d’Israël dans le contexte actuel » de la guerre contre le Hamas à Gaza, indique Agnès Levallois, de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (iReMMO).
La guerre a éclaté lorsque quelque 3 000 terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre, tué près de 1 200 personnes, principalement des civils, enlevé 251 otages de tous âges, et commis de nombreuses atrocités et en utilisant la violence sexuelle comme arme à grande échelle.
Un tel assassinat « montre que la sécurité de l’Iran ressemble à du fromage suisse, où les failles sont alignées de manière à ce qu’une menace puisse traverser toutes les défenses », ironise Ali Vaez, analyste du Crisis group.

Car le responsable du groupe terroriste palestinien a été assassiné « dans un lieu considéré comme sûr », ce qui souligne que l’Iran et ses services sont « incapables de sécuriser les invités du Guide suprême et du président », observe Hasni Abidi du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève.
Pour autant, souligne Thierry Coville, spécialiste de l’Iran à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), ce genre de faille n’est ni nouvelle, ni surprenante.
« Vulnérabilité »
Il cite en particulier les assassinats des scientifiques iraniens liés au programme nucléaire, dont le professeur de physique des particules Massoud Ali Mohammadi, le 12 janvier 2010 et Majid Shahriari, fondateur de la Société nucléaire d’Iran le 29 novembre de la même année.
D’autres assassinats ont eu lieu en 2011 et 2012 puis le 27 novembre 2020, lorsque le physicien nucléaire Mohsen Fakhrizadeh a été tué non loin de Téhéran dans une attaque contre son convoi, également imputée aux Israéliens qui disposent de complicité.
« Cela fait des années qu’on entend parler de vulnérabilité de l’Iran, notamment du côté des Pasdaran », le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé de l’Iran, reprend Coville.
À l’extérieur, « l’Iran a une capacité de nuisance évidente par ses missiles, par ses drones, mais il n’a pas des moyens de défense » pour sa propre sécurité intérieure, ajoute Levallois.
Téhéran a en effet établi ce qu’il appelle un « axe de la résistance » hostile à Israël, son ennemi juré, en s’appuyant sur des forces alliées dans la région, notamment le Hezbollah au Liban, des groupes armés en Irak et en Syrie et les Houthis au Yémen.

Mais sur le plan intérieur, l’Iran semble plus faillible. En avril dernier, des explosions avaient ainsi retenti dans le centre du pays, là encore attribuées à Israël, en représailles aux frappes iraniennes contre son territoire.
La République islamique a aussi subi ces dernières années plusieurs attentats sanglants revendiqués par le groupe terroriste État islamique (EI), dont le dernier en janvier a fait au moins 91 morts.
Exécutions
Téhéran rend publiques des arrestations d’agents travaillant pour des services de renseignement étrangers, notamment l’agence de renseignement du Mossad. Quatre d’entre eux, jugés coupables de « guerre contre Dieu », « corruption sur Terre » et « collaboration avec le régime sioniste », ont été exécutés fin décembre.
« Que les Iraniens n’aient pas été capables d’arrêter cet assassinat est très embarrassant pour l’Iran », poursuit Levallois.
Car cela montre qu’Israël a pu de nouveau obtenir d’informations « extrêmement précises » via « des relais de premier niveau », qui disposent de détails qui ne sont normalement partagées que par quelques uns », abonde Hasni Abidi.
Pour Arash Azizi, maître de conférences à l’Université de Clemson aux États-Unis, « c’est une confirmation de ce que nous savons tous depuis longtemps : l’ampleur de la pénétration des services de sécurité iraniens par Israël ».
En outre, selon Abidi, les auteurs de cet assassinat ont probablement bénéficié du soutien de relais dans la région, vraisemblablement « au Kurdistan ou en Azerbaïdjan », sachant qu’Israël dispose de bases militaires dans ce pays.

Israël et l’Iran sont distants de quelque 2 000 kilomètres.
« Géographiquement cette opération a nécessité une proximité pour l’écoute, pour […] l’exécution de cette opération », explique le spécialiste.
Après cette nouvelle opération, « un affront », « une provocation » pour Téhéran, « la question est toujours la même ».
« Comment l’Iran va-t-il y répondre ? », interroge Coville.
« On est déjà dans un contexte extrêmement tendu. Mais je pense que l’Iran […] ne veut pas une guerre totale », dit-il.
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