Le blitz médiatique de Netanyahu est une campagne « Gevalt » cette fois-ci
Implorant les électeurs de droite de ne pas rester chez eux, le Premier ministre accuse les médias de comploter contre lui, alors même qu'il s'en sert pour booster sa réélection
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Il y a quatre ans, Benjamin Netanyahu a accordé une série d’interviews aux médias israéliens, lors des dernières étapes de la campagne électorale, pour affirmer que son maintien au poste de Premier ministre était en péril. Il a imploré tous les électeurs qui voulaient le voir conserver le pouvoir de voter pour son Likud, et non pour les autres petits partis de droite – exaspérant ses alliés politiques, notamment Naftali Bennett, qui était alors le chef du parti HaBayit HaYehudi.
« Votez Mahal, votez Mahal », a-t-il répété à chaque interview, faisant référence aux lettres hébraïques qui signifient le Likud sur le bulletin de vote dans les isoloirs.
Ce que l’on a appelé la tactique du « gevalt » de Netanyahu a fonctionné comme un charme. (Si cela peut vous aider, le dictionnaire d’argot yiddish définit Oy Gevalt comme étant semblable à « Oy Vey, mais avec un sens plus large du malheur ou de la peur »). Dans la période précédant le vote de 2015, des sondages ont montré que l’Union sioniste d’Isaac Herzog, dominée par les Travaillistes, devançait le Likud de Netanyahu ; en réalité, le Likud a battu l’Union sioniste de 30 sièges à 24. Le HaBayit HaYehudi de Bennett, qui avait obtenu des résultats à deux chiffres, n’a obtenu que huit sièges. Netanyahu a été rétabli dans ses fonctions en toute sécurité.
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Par rapport à 2015, cependant, le blitz médiatique de Netanyahu de ces derniers jours constitue une véritable tactique de « super-gevalt ». Allumez les journaux télévisés, les chats télévisés, les stations de radio en hébreu, grandes et petites, et de nombreux autres médias de la presse écrite et Internet, vous aurez Netanyahu, qui pleure avec ce que l’on pourrait décrire comme une hystérie contrôlée, selon laquelle le règne du Likud est « en péril », et qu’Israël va se retrouver dirigé par la « gauche » – la formation Kakhol lavan de ses grands rivaux, Benny Gantz et Yair Lapid.
Cela a créé une situation très curieuse dans laquelle Netanyahu et Gantz affirment actuellement que Gantz est en train de gagner les élections. (Les derniers sondages électoraux du week-end ont montré que Kakhol lavan devançait le Likud ou était au coude-à-coude, mais avec Netanyahu en bonne position pour former une coalition).
Après 13 années au pouvoir, dont les 10 dernières de manière discontinue, Netanyahu dirige son discours de la onzième heure pour un nouveau mandat non pas vers les indécis et non pas vers ceux qui sont enclins à voter pour Kakhol lavan et autres partis centristes ou de centre gauche, mais vers ses propres supporters et ceux des autres de la droite israélienne.
Lors d’une émission politique de plus de 16 minutes diffusée lundi soir sur la radio de l’armée, par exemple, il a dit être allé en campagne sur différents marchés de fruits et légumes ces derniers jours, sur un territoire généralement fidèle au Likud et avoir été accueillis aux cris de « Rak Bibi » [Rien que Bibi]. Mais, a-t-il précisé, lors de plusieurs conversations avec des clients et des commerçants, ils lui ont dit qu’ils savaient qu’il allait gagner, et qu’ils allaient donc « aller à la plage » le mardi, jour du scrutin, ce qu’il a dit être une fausse et malavisée conviction de croire que c’était du tout cuit.
En fait, a affirmé M. Netanyahu, les résultats d’un sondage ont montré que « 7 à 8 % » des électeurs qui soutiennent le Likud ont tendance à ne pas voter – une tendance qui pourrait laisser Kakhol lavan devancer le Likud et rassembler suffisamment de voix pour former une coalition à sa place. Et cela, inutile de le dire – mais il l’a quand même dit – serait catastrophique pour Israël, car les dirigeants de Kakhol lavan n’ont pas les compétences, la sagesse et la ténacité nécessaires pour que « ne serait-ce que pendant une minute » défendre Israël et ses intérêts dans cette région constamment en danger.
Ses rivaux, a-t-il affirmé fallacieusement, avaient soutenu l’accord nucléaire iranien catastrophique (Lapid ne l’avait pas fait ; Gantz faisait partie de Tsahal quand il fut négocié) et signé une pétition visant à empêcher Donald Trump de se rendre en Israël. (Il s’agissait d’une référence à une pétition demandant à Netanyahu de ne pas accueillir le candidat républicain Trump au plus fort de sa campagne pour interdire tous les musulmans des États-Unis en 2015. La visite n’a pas eu lieu. Le bureau de Netanyahu à l’époque s’est distancié de Trump, les fonctionnaires disant que le Premier ministre « n’est pas d’accord avec chaque commentaire de chaque candidat ». La pétition a été signée par 37 députés, principalement de l’opposition, y compris de Yesh Atid, et un député de Shas et un de Koulanou, tous deux membres de la coalition).
Alors que les journalistes désespéraient de l’interviewer – après quatre ans entre deux élections, au cours desquels il a à peine été soumis à des questions sérieuses de la part des grands médias israéliens – Netanyahu a discrédité la presse israélienne en l’utilisant pour promouvoir ses chances de réélection. Dans la même interview à la radio de l’armée – sa deuxième de la journée avec cette station – il a affirmé que les journalistes d’Israël font partie du complot visant à assurer sa défaite de mardi. Les journalistes ont pris conscience de ses diverses tactiques pour tenter de remporter le vote, a-t-il affirmé, et les médias ont donc cette fois-ci monté un complot – « un bluff » pour « anesthésier » le public – pour affirmer que l’élection était terminée, que sa réélection était assurée, et ainsi déformer ses arguments de dernières minute.
Ne tombez pas dans le panneau, a-t-il exhorté les auditeurs. Allez voter, a-t-il supplié – « Prenez vos familles avec vous » – ou la gauche prendra le pouvoir. « Je le fais pour le bien de l’Etat juif », a-t-il déclaré, détaillant les sacrifices que lui et sa famille ont consentis au fil des années pour la cause – « tout faire, tout faire pour assurer l’avenir du peuple d’Israël sur sa terre » – et citant notamment la mort de son frère Yoni, commandant de Tsahal, au cours de la mission héroïque de sauvetage menée en 1976 à Entebbe.
« Votez Mahal », a-t-il imploré, encore et encore.
La propagande électorale explicite est censée être interdite dans les derniers jours de la campagne.
Netanyahu sera vraisemblablement tenu de payer une amende après les élections. Il n’est pas le seul homme politique de premier plan à avoir fait de la propagande ; il l’a certainement fait plus que n’importe quel autre, et a bénéficié d’une grande indulgence.
Cibler les électeurs des partis de droite avec lesquels vous négocierez probablement une coalition dans quelques jours serait aussi généralement considéré comme inacceptable, et Bennett et d’autres partis de droite non Likud ont été furieux.
« Nous ne comprenons pas tout à fait le raisonnement qui sous-tend l’attaque de Netanyahu contre HaYamin HaHadash, et tous les partis », a déploré Bennett lundi dernier.
Le leader ultra-orthodoxe de Shas Aryeh Deri – qui a promis à plusieurs reprises le soutien de son parti à la coalition de « Netanyahu et Netanyahu seulement » – a qualifié dimanche le Premier ministre d’ingrat et, lundi, il a dit craindre, devant ses yeux, un échec de son « travail d’une vie ». « Pourquoi fait-il ça ? » demanda Deri. « Nous avons été les premiers à scander : « Netanyahu, Netanyahu. »
Ni le parti HaYamin HaHadash de Bennett ni Shas n’ont obtenu de bons résultats dans les sondages, et le blitz du « seulement le Likud » de Netanyahu pourrait avoir un impact négatif sur eux, ainsi que sur les partis tourmentés de Koulanou et Yisrael Beytenu, qui pourraient même pousser un ou plusieurs de ses membres sous le seuil des 3,25 % pour une représentation à la Knesset.
Netanyahu a affirmé dans plusieurs de ses innombrables interviews de lundi qu’aucun des partis de droite ne disparaîtrait. Mais si c’est le cas, il dira quoi ? Il pourra toujours s’excuser par la suite, une fois que tous les votes auront été exprimés.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel