Le fondateur de Betar USA exclu des élections du Congrès sioniste mondial
Ronn Torossian, allié de la coalition ZOA, est accusé de harcèlement et de chantage envers le professeur Shai Davidai après une querelle virulente sur fond d'antisionisme

JTA – L’organisme chargé de superviser les élections américaines au Congrès sioniste mondial a pris cette semaine la mesure exceptionnelle d’interdire à un candidat de se présenter, invoquant son comportement durant la campagne.
Ronn Torossian, influent communicant juif connu pour son ton combatif et fondateur du groupe sioniste militant Betar USA, n’est plus autorisé à figurer comme délégué sur la liste de la Coalition ZOA, selon une décision prise en début de semaine. Cette décision, encore non rendue publique, a été communiquée à la Jewish Telegraphic Agency.
Torossian a enfreint les règles interdisant aux candidats de critiquer publiquement d’autres délégués, ont écrit Abraham Gafni et David J. Butler, coprésidents du comité électoral régional.
« En ce qui concerne M. Torossian, nous sommes choqués par le ton agressif, haineux et la vulgarité de nombre de ses attaques », ont-ils déclaré.
Cette exclusion illustre à quel point les élections de cette année sont tendues. Militants, responsables religieux et électeurs se mobilisent massivement pour ce scrutin – au cours duquel les Juifs du monde entier élisent les membres d’un organe législatif sioniste mondial perçu comme une bataille cruciale pour l’avenir d’Israël et pour le contrôle d’un budget de 5 milliards de dollars répartis par le Congrès au nom du gouvernement israélien.
Elle marque aussi, comme le montre la sanction visant Torossian, un nouvel épisode dans l’affrontement personnel entre deux figures médiatiques du combat contre l’antisionisme.

Dans la même décision, Gafni et Butler ont également ordonné à Shai Davidai, professeur et militant à l’université Columbia, de cesser de faire campagne pour une autre liste, Kol Israel. Ce sont d’ailleurs Kol Israel et la Coalition ZOA qui avaient déposé les plaintes ayant conduit aux sanctions contre Torossian et Davidai.
Davidai ne figure pas comme candidat sur la liste, qui comprend aussi le groupe de plaidoyer StandWithUs et le mouvement de jeunesse sioniste Young Judaea. Il avait initialement prévu d’en faire partie avant de se retirer officiellement en février, après que l’Organisation sioniste d’Amérique (ZOA), soutien de la Coalition ZOA, a dénoncé ses critiques publiques à l’encontre de Torossian. Depuis, Davidai continue toutefois à soutenir Kol Israel sur les réseaux sociaux.
Si les deux hommes se sont fait connaître pour leurs appels à des réponses plus vigoureuses face à l’antisémitisme et à l’activisme anti-israélien aux États-Unis, leurs visions diffèrent profondément, et leur rivalité est ancienne. Torossian revendique un engagement ancien au sein du Likud, affirmant que son « premier vrai travail » fut pour le parti de droite dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Davidai, de son côté, était un critique déclaré de Netanyahu avant le pogrom du 7 octobre 2023 perpétré par le groupe terroriste palestinien Hamas dans le sud d’Israël. Dans un essai publié en 2023 dans Tablet et coécrit avec son épouse, Davidai précisait, à l’instar de Torossian, qu’ils « restent fermement opposés à l’occupation israélienne de la Cisjordanie [et] s’abstiennent d’acheter des produits fabriqués au-delà de la ligne d’armistice de 1967 ».
Davidai et Torossian défendent également des positions très divergentes sur la guerre à Gaza : Betar USA a réclamé « davantage de sang à Gaza », tandis que Davidai a exprimé son inquiétude quant au sort des civils palestiniens.
Leur confrontation remonte au moins à février, lorsque des militants de Betar USA ont rejoint une manifestation organisée par Davidai à Columbia. Ce dernier a alors publiquement exprimé son refus de les voir participer. Depuis, Torossian a accusé Davidai de soutenir les boycotts d’Israël, en s’appuyant sur une phrase de l’essai publié dans Tablet. Davidai a, lui, qualifié Torossian « d’extrémiste déséquilibré » et Betar USA de « groupe de voyous épris de violence ». Betar USA affirme pour sa part s’inspirer de l’héritage du penseur sioniste révisionniste Zeev Jabotinsky.
Le Congrès sioniste mondial a estimé dans sa décision que les deux hommes avaient eu recours à un « langage désobligeant, dégradant et ordurier » et que ni l’un ni l’autre des partis concernés « n’aurait dû tolérer, approuver ou promouvoir le moindre aspect des échanges haineux entre Torossian [sic] et Davidai ».
L’American Zionist Movement, qui supervise les élections américaines du Congrès sioniste mondial, ainsi que son directeur exécutif Herbert Block, n’ont pas répondu aux demandes de commentaires concernant d’éventuelles exclusions de candidats lors de précédentes éditions.
Torossian, dont le compte Betar USA sur les réseaux sociaux a publié la décision à son encontre mercredi soir, a indiqué à la JTA qu’il comptait faire appel. Sur X, Betar a dénoncé un « terrible verdict pour l’avenir des Juifs américains », tout en poursuivant ses attaques contre Davidai – le qualifiant à un moment donné de « cocu ».
Interrogé par la JTA, Davidai a affirmé s’être retiré volontairement de la liste des délégués, « poussé par le comportement de Ronn ». Il a également précisé ne pas avoir été informé d’une quelconque décision disciplinaire à son encontre de la part du WZC.
Le président de Kol Israel, qui militait depuis des mois pour l’exclusion de Betar USA du congrès, a qualifié l’épisode de « triste journée pour le mouvement sioniste ».
« La dernière chose dont le peuple juif a besoin, c’est de nouvelles querelles intestines », a déclaré David Yaari, président de Kol Israel.
Yaari a expliqué qu’il ne souhaitait pas rendre publique la plainte déposée par son mouvement contre Torossian. Mais face aux attaques répétées de Betar et de son dirigeant, ciblant les membres et alliés de Kol Israel en raison de leurs liens avec Davidai, il n’a vu « d’autre choix ».
« Les gens doivent savoir quel genre de personne il est et ce qu’il a infligé à ces organisations », a-t-il ajouté.
Fleur Hassan-Nahoum, secrétaire générale de Kol Israel, ancienne maire adjointe de Jérusalem et candidate à la Knesset sur la liste du Likud, est à l’origine de la plainte contre Torossian, sur laquelle le comité électoral a statué.

La plainte accuse Torossian de « chantage, intimidation, harcèlement incessant, attaques personnelles directes, rhétorique incendiaire et comportement agressif (y compris, mais sans s’y limiter : menaces de violence physique, déclarations diffamatoires, déformations délibérées et malveillantes, bombardements répétés et harcèlement de divers membres de la liste Kol Israel) », des actes jugés « purement personnels » et portant « atteinte à l’intégrité des élections du Congrès sioniste mondial », selon une copie de la plainte publiée sur X par Betar USA. Beaucoup de ces attaques visaient Davidai et sa famille, écrit Hassan-Nahoum.
D’après le Jerusalem Post, le chantage allégué aurait consisté en une menace proférée par Torossian d’affirmer publiquement que StandWithUs soutenait le mouvement BDS, si l’organisation ne cédait pas à ses exigences.
Mort Klein, président de longue date de la Zionist Organization of America, a déclaré à la JTA n’avoir eu connaissance d’aucune mesure d’exclusion visant son allié de coalition. Il a par ailleurs qualifié Fleur Hassan-Nahoum de « menteuse » et de « honteuse », lui reprochant d’avoir refusé de débattre avec lui de Davidai lors d’un récent événement, et d’avoir accusé Klein d’avoir « abusé » d’elle. Hassan-Nahoum n’a pas répondu à une demande de commentaire.
Torossian a indiqué qu’en plus de faire appel de la décision, il comptait intenter une action contre Davidai devant un tribunal rabbinique (beit din). Quoi qu’il arrive, a-t-il ajouté, il a l’intention d’assister au prochain Congrès sioniste mondial.
S’il le fait, il marchera dans les pas du rabbin extrémiste Meir Kahane, aujourd’hui décédé, dont il revendique l’héritage idéologique. En 1972, Kahane, alors chef de la Ligue de défense juive, s’était rendu à Jérusalem depuis New York pour assister au Congrès sioniste mondial, bien qu’il ne fût pas délégué, et avait exigé de prendre la parole. Il est reparti sans avoir été autorisé à s’exprimer, mais ses partisans avaient brièvement interrompu les débats.
Torossian a déclaré qu’il ne craignait pas les répercussions de sa participation à la conférence, prévue en octobre à Jérusalem.
« Je serai présent tous les jours », a-t-il déclaré. « Les agents de sécurité de la convention sont des Betaris [membres du Betar]…. C’est nous qui faisons la loi. »