Le gouvernement israélien « court vers l’abîme », dit un éminent rabbin de New York
Le rabbin Ammiel Hirsch, de la Stephen Wise Free Synagogue, a déclaré dans son sermon "le plus douloureux" que "le gouvernement israélien est en train de déchirer la société"
Un éminent rabbin réformé de New York City a fait un sermon, vendredi – indiquant qu’il s’agissait du sermon de « plus douloureux » de toute sa carrière – en évoquant le projet de réforme du système judiciaire controversé en Israël. Ce plan, selon lui, relève d’une initiative prise par le gouvernement et qui consiste « à courir vers l’abîme, la tête la première ».
« Dans un système parlementaire, et en particulier dans une jeune démocratie comme celle d’Israël où il n’y a pas de constitution écrite et où la Common law n’a pas prévalu pendant des siècles, le gouvernement peut courir la tête la première vers l’abîme et s’il est suffisamment déterminé, ou si on ne le gêne pas pour cela, il y a très peu de moyens de l’arrêter dans sa course infernale », a commenté le rabbin Ammiel Hirsch, responsable de la Stephen Wise Free Synagogue à Manhattan.
Hirsch a ajouté que pendant de nombreuses années, la lutte pour la survie immédiate menée par le pays avait pris le pas sur la nécessité de légiférer les principes constitutionnels fondamentaux de la nation.
« Il est légitime et il est même nécessaire de débattre sur certaines questions, comme celle de l’équilibre approprié entre les pouvoirs qui doit exister entre le système judiciaire non-élu et le parlement élu », a noté Hirsch.
Il a toutefois déploré « la vitesse vertigineuse » à laquelle le gouvernement fait avancer son train de réformes.
« Le gouvernement est en train de déchirer la société israélienne et il entraîne les Juifs du monde entier dans sa course dangereuse », a-t-il poursuivi.
« Pour le dire clairement : Ce gouvernement a été élu démocratiquement, légitimement, d’une manière conforme à la loi. Il a le mandat nécessaire pour gouverner », a expliqué Hirsch. « Néanmoins, même les gouvernements démocratiquement élus sont dans l’obligation de respecter les principes de la démocratie – pas seulement la volonté de la majorité, mais aussi la préservation et la protection des droits des minorités, cette protection étant déterminée à travers les tribunaux indépendants jouissant d’un pouvoir suffisant ».
« J’espère que le bon côté de cette crise sera, au final, une opportunité donnée de mettre en place les principes qui ont fondé la société israélienne. Si ce sont les citoyens israéliens qui doivent déterminer ces principes, les Juifs du monde entier ont toutefois un rôle déterminant à jouer. Les Juifs sont liés les uns aux autres par l’Histoire et par la destinée », a-t-il noté.
Il a rendu hommage aux centaines de milliers de personnes qui descendent dans les rues chaque semaine en Israël, déclarant qu’ils sont « l’équivalent, en proportion, de 12 millions d’Américains ».
Le rabbin réformé a aussi eu des mots durs pour les membres du gouvernement – la coalition la plus à droite de toute l’Histoire d’Israël.
« Je ne vais pas épargner les suprématistes, les extrémistes et les fondamentalistes religieux. Ils dénaturent le judaïsme et ils sont la honte du peuple juif », a-t-il dit.
Hirsch qui, l’année dernière, avait lancé un programme visant à repousser l’antisionisme au sein du mouvement religieux, alors même que le soutien apporté à Israël par les jeunes Juifs américains est en recul, a indiqué que « tant que je serai ici, la synagogue n’abandonnera pas Israël et certainement pas en ces heures où le pays en a le plus besoin ».
Les sondages révèlent que la jeune génération, chez les Juifs américains, s’éloigne de plus en plus d’Israël. Une majorité ferme au sein de la communauté continue toutefois à soutenir l’État juif.
Hirsch avait été au lycée en Israël, il avait été commandant d’une unité de chars dans l’armée et il a aussi été, dans le passé, le directeur de l’Association des sionistes réformés d’Amérique (il a aussi écrit des articles sur la plateforme de blogs du Times of Israel).
Le plan du gouvernement israélien, tel qu’il se présente actuellement, permettra à la Knesset de passer outre les jugements de la Haute-cour avec la majorité la plus mince, de soustraire de manière préemptive des textes de loi de tout réexamen judiciaire des tribunaux, et il placera la nomination des juges sous le contrôle des politiciens de la coalition au pouvoir.
Les opposants à ces changements affirment qu’ils porteront préjudice à la démocratie israélienne, qu’ils élimineront un contre-pouvoir déterminant et qu’ils laisseront les minorités sans protection. Leurs partisans évoquent une réforme nécessaire pour freiner une Cour qu’ils considèrent comme « trop activiste ».
Le plan de refonte a suscité des critiques intenses et une opposition féroce au sein de l’État juif, faisant descendre massivement les Israéliens dans les rues et provoquant les mises en garde des économistes, des professionnels du droit, des universitaires et des responsables de la sécurité. Les manifestants ont commencé à se rassembler dès le début du mois de janvier, au cours de multiples journées « de perturbation » et « de résistance ».
Le consul-général israélien, à New York, a pour sa part exprimé jeudi sa « profonde inquiétude » face à la direction empruntée par le pays, une critique rare de la part d’un diplomate en exercice sur une politique gouvernementale.
Luke Tress a contribué à la rédaction de cet article.