Le gouvernement rallonge son plan de financement pour les villes arabes
Le vote a été largement salué par les députés arabes, mais a aussi suscité des accusations selon lesquelles un député aurait collaboré trop étroitement avec Netanyahu à cette fin
Le gouvernement a voté dimanche la prolongation d’un an un programme de plusieurs milliards de shekels visant à combler les écarts importants entre les communautés juives et arabes en Israël. Ce programme, connu sous le nom de plan 922, devait expirer en décembre, avec plus d’un tiers de ses fonds encore inutilisés.
« Il faut comprendre que l’investissement économique dans la société arabe contient un potentiel économique immense ; je pense que c’est dans l’intérêt évident du gouvernement israélien », a déclaré le ministre de l’Égalité sociale, Meirav Cohen, après le vote.
La décision a été largement saluée par les responsables politiques arabes, mais a également suscité des accusations selon lesquelles l’un d’eux aurait collaboré un peu trop étroitement avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu afin d’obtenir cette extension.
Ce plan, lancé en 2015, a alloué 10 milliards de shekels pour réduire les inégalités généralisées entre les communautés arabes et juives en Israël. Cette prolongation viendra doter celui-ci de 1,7 milliard supplémentaires jusqu’à la fin de 2021.
Cette décision est d’autant plus remarquable qu’Israël est confronté à une grave crise budgétaire due au coronavirus et à deux coûteux confinements nationaux.
Cette prolongation donnera aux municipalités arabes le temps d’utiliser l’argent non dépensé, de lever certaines restrictions et d’agir comme un palliatif jusqu’à l’adoption prévue d’un nouveau plan quinquennal – appelé, comme il se doit, 923 – qui devrait être approuvé en 2022.
« Le plan 922 a favorisé la réduction des disparités et le développement d’infrastructures dans la société arabe, mais cette mission n’est pas encore terminée. En tant que tel, nous avons avancé un budget supplémentaire pour 2021 et nous avons supprimé les obstacles opérationnels », a expliqué Yael Mabrouch, haute fonctionnaire du ministère de l’Égalité sociale.
Si une partie de l’argent non dépensé est due au fait qu’il a été alloué à des projets de construction à long terme, les dépenses ont également été entravées par la bureaucratie.
« Le budget, en particulier en ce qui concerne la planification et la construction, a imposé de nombreuses conditions que les municipalités ne pouvaient pas vraiment remplir, et une grande partie de l’argent ne nous est jamais parvenu », a déploré le maire d’Arara, Mudar Younes, qui dirige une union de municipalités locales arabes.

Afin de garantir que l’argent restant soit dépensé, la décision du gouvernement a désigné dimanche cinq « villes stratégiques » supplémentaires, ce qui signifie qu’elles recevront plus de fonds que les autres à des fins de planification et de construction. La même décision a également supprimé certaines des conditions liées à la construction.
Les députés arabes israéliens ont largement salué la décision d’étendre le financement du plan 922 et de supprimer les obstacles à son utilisation par les municipalités locales.
« L’élimination des obstacles à la réception des budgets constitue une étape essentielle pour réduire les écarts qui nuisent à tous les citoyens arabes. Le chemin vers l’égalité est long, mais nous n’abandonnerons pas », a fait savoir le président de la Liste arabe unie, Ayman Odeh, dans un communiqué.
Alors que le député Yousef Jabareen a salué la décision de prolonger d’un an la durée du programme 922, il a déclaré que « des milliards de fonds supplémentaires sont nécessaires » pour créer « une véritable égalité ».
Yousef Jabareen a souligné que le plan n’avait pas encore abouti à « un changement essentiel » et a demandé que le nouveau comprenne « une sérieuse expansion des compétences des municipalités arabes, la création de parcs industriels, y compris de haute technologie, et l’avancement de l’éducation arabe ».
Pour les militants, l’initiative 922, largement considérée comme une action sans précédent du gouvernement israélien pour soutenir les infrastructures et le développement économique arabes au moment de son approbation, a été un grand succès, mais estiment qu’il restait encore beaucoup à faire.
Ofer Dagan, co-directeur exécutif de l’ONG Sikkuy, qui plaide pour l’égalité entre les Arabes et les Juifs en Israël, a souligné certaines des principales réalisations du 922, notamment l’amélioration de l’intégration des femmes arabes dans la population active, le développement des transports publics dans les villages arabes, et l’augmentation de la confiance du public et de la collaboration entre les municipalités arabes et le gouvernement israélien.

« Je ne pense pas que la manière dont les municipalités arabes ont réussi à réduire les taux de coronavirus, ce qui a nécessité une coordination avec le gouvernement et le commandement du front intérieur, aurait pu se faire sans cette confiance accrue qui a été acquise au cours des dernières années », a avancé M. Dagan.
Mais il a noté que les améliorations auraient pu être bien plus importantes s’il y avait eu moins de restrictions sur la réception effective de l’argent.
Tensions au sein de la Liste arabe unie
Bien que la prolongation ait été largement saluée, cette décision a provoqué également des tensions au sein de l’alliance arabe, certains parlementaires faisant remarquer que le vote était intervenu quelques jours seulement après que le député Mansour Abbas, qui a été le point de référence de la Liste arabe unie pour l’approbation du plan 922, avait aidé Benjamin Netanyahu à éviter une situation embarrassante à la Knesset.
Il a en effet déclenché une vive controverse au sein du bloc des partis majoritairement arabes la semaine dernière après avoir aidé le président de la Knesset, Yariv Levin, à annuler un vote qui aurait autorisé une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire des sous-marins, qui implique plusieurs des plus proches associés du Premier ministre.

Certains membres de la Liste arabe unie ont même accusé Mansour Abbas d’avoir conclu des accords secrets avec Netanyahu pour assurer l’adoption du plan.
Le député Mtanes Shahadeh a ainsi accusé celui-ci de « se coordonner » avec le parti de Netanyahu. « Mon ami Mansour Abbas a commis une erreur. Le Likud n’est pas notre partenaire. Il en était ainsi et il en sera ainsi », a écrit M. Shehadeh sur Twitter jeudi.
Mansour Abbas, qui dirige le parti Ra’am, serait considéré comme trop complaisant envers la coalition au pouvoir et comme ayant ses propres canaux de communication avec le Likud.
« Il y aura toujours des désaccords politiques au sein de la Liste arabe unie, mais nous avons également besoin d’un cadre de coopération uniforme. L’approche adoptée par le député Abbas ne permet pas de créer un tel cadre », a indiqué au journal Haaretz la députée Hiba Yazbek de la faction Balad.

Mansour Abbas, pour sa part, a déclaré dimanche que l’adoption soudaine de la prorogation 922 n’était pas liée à sa décision d’accepter d’annuler le vote de la Knesset. Il a qualifié les rumeurs d’accords en coulisses avec le Likud de « publications imprécises ».
« Je me conduis de manière transparente, professionnelle, efficace et respectable avec tous les gouvernants, et non conformément à des ‘accords’ dont certains ont essayé de m’accuser », a-t-il assuré dans une déclaration.
Lundi soir dernier, le député avait lu une série de recommandations à Benjamin Netanyahu, qui se trouvait à la Knesset, y compris l’adoption d’une prolongation pour le plan 922. Selon l’intéressé, le Premier ministre y avait alors répondu favorablement.
« J’ai présenté nos justes exigences au Premier ministre lors d’une session parlementaire, et il a accepté, même avant l’incident du vote à la Knesset », a déclaré Mansour Abbas.