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Analyse

Le Hamas veut convaincre Israël qu’il vaut mieux les cerfs-volants que la guerre

Les islamistes de Gaza savent que le gouvernement israélien est méfiant à l'idée de faire face à un autre conflit majeur, mais chaque vague d'hostilité en rapproche la perspective

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des Israéliens dans un kibboutz situé à proximité de Gaza inspectent les lieux où une roquette envoyée depuis la bande est tombée, près des habitations, le 20 juin 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des Israéliens dans un kibboutz situé à proximité de Gaza inspectent les lieux où une roquette envoyée depuis la bande est tombée, près des habitations, le 20 juin 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le face-à-face entre le Hamas et Israël autour des « cerfs-volants du feu » et des ballons incendiaires lancés depuis Gaza ne cesse de s’intensifier. Après ce qui est devenu une autre journée marquée mardi par cette nouvelle routine du lancer de ces dispositifs livrant aux flammes le sud d’Israël, l’Etat juif, peu après minuit, a frappé des positions du Hamas à l’ouest de Rafah. A peine une heure après, le Hamas a riposté par des tirs de barrage – lançant des roquettes dans les zones résidentielles proches de Gaza – et les hostilités, des deux côtés, ont ainsi continué pendant des heures mercredi avant l’aube.

Les deux parties sont déterminées à établir de nouvelles règles de terrain. Israël veut faire clairement comprendre que le pays ne pourra pas tolérer les attaques en cours depuis Gaza – sous la forme des cerfs-volants transportant des matériels combustibles et des explosifs, à l’origine de dégâts immenses. D’où ses attaques de représailles sur les structures du Hamas.

Et le Hamas qui, mercredi matin, saluait sa réussite – le lancement de 45 roquettes en direction d’Israël – cherche à établir que le groupe terroriste ne tolérera pas les attaques contre ses positions en réponse aux cerfs-volants. L’organisation veut affirmer qu’elle considère les cerfs-volants comme un instrument tout à fait légitime et que les frappes israéliennes, en réponse, ne sont pas acceptables.

Ce qui implique que chacune des parties tente de contenir les opérations de l’autre via une escalade. Au moment de la rédaction de cet article, cette escalade peut être définie de « calibrée ». Le problème étant qu’à chaque nouvelle vague d’hostilités, le potentiel d’un plus grand conflit augmente.

Ce à quoi nous avons assisté jusqu’à présent a été une suite d’attaques, de contre-attaques, de pauses, suivies d’hostilités plus graves.

L’objectif plus large du Hamas, actuellement, est de chercher à convaincre Israël que le prix d’une prochaine guerre pourrait s’avérer tellement dévastateur qu’il serait préférable de tolérer les cerfs-volants ou de permettre un soulagement économique significatif à Gaza dans les meilleurs délais.

Le leader du Hamas Ismael Haniyeh (3e-G) assiste aux prières du matin pendant la première journée des célébrations de l’Aïd el-Fitr, à la frontière entre Israël et Gaza, à l’est de la ville de Gaza, le 15 juin 2018. (AFP PHOTO / MAHMUD HAMS)

Le Hamas est tout à fait conscient de la méfiance israélienne à l’idée d’entrer dans un autre conflit majeur et il entend les voix en Israël qui pressent le gouvernement d’améliorer les conditions de vie à Gaza. La semaine dernière seulement, le cabinet de sécurité a eu un débat sur les solutions possibles à la situation dans la bande. Mais il apparaît que le Hamas n’a pas très bien compris toutes les considérations politiques qui ont décidé le cabinet à … ne rien décider : A la fin de la session spéciale, il est devenu clair que le gouvernement israélien ne se sentait pas dans l’urgence de prendre des décisions spectaculaires d’une façon ou d’une autre – l’escalade des activités militaires ou l’accélération du secours économique – en raison d’une grande variété de considérations politiques.

Même l’idée de prendre pour cible les lanceurs de cerfs-volants n’a pas été mise en pratique pour le moment, en raison de l’inquiétude nourrie par l’armée israélienne qu’une telle initiative ne mène à la guerre et à cause des implications légales d’une telle décision.

Le ministre du gouvernement Tzachi Hanegbi a déclaré mardi que l’Etat juif ne viserait pas les jeunes Gazaouis à l’origine de l’envoi de dispositifs incendiaires, que les ministres réclamant de telles actions sont des « populistes » et que la demande de réponse militaire émane cyniquement des responsables du Hamas, instigateurs de ces attaques.

Le problème est que le recours à des frappes sur des structures appartenant au Hamas est en lui-même une formule d’escalade. Dans la nuit, les douzaines de frappes israéliennes sur des cibles du groupe terroriste n’ont entraîné presque pas de blessés, à l’exception de deux militants du Hamas qui ont été légèrement touchés. Les frappes israéliennes ont manifestement eu comme objectif de transmettre un message et rien de plus. Et pourtant, le Hamas a répondu par des roquettes relativement lourdes et des tirs de mortiers sur le sud – Là aussi, sans faire de blessés du côté israélien.

De toute évidence, si cela continue, tôt ou tard, il y aura des blessés d’un côté ou des deux et l’ère de la lutte calibrée appartiendra au passé.

Les cerfs-volants et les ballons eux-mêmes sont organisés par le Hamas. Même s’ils ne représentent pas un tour de force glorieux de la part de l’aile militaire du groupe terroriste – ou une initiative particulièrement subtile – ils s’avèrent néanmoins efficaces.

Le Hamas utilise non seulement des préservatifs transportant des matériaux inflammables mais également, parfois, des moyens plus sophistiqués – des cerfs-volants transportant des bombes qui explosent au-dessus de la tête des soldats et des civils, et d’autres auxquels sont accrochées des grenades à fragmentation.

Dimanche, l’armée israélienne a frappé la voiture de l’un des responsables de ces attaques – et même cette frappe visait à n’endommager que le véhicule, pas à blesser le terroriste. Sa voiture a été totalement détruite – passée totalement par pertes et profits, pour utiliser le terme des assureurs. L’homme lui-même est encore avec nous.

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