Israël en guerre - Jour 366

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Explications

Le jugement de la Haute-cour sur le financement des yeshivot est entré en vigueur : Qu’implique-t-il ?

A partir de cette semaine, le budget de centaines de yeshivot sera réduit, ce qui mène les rabbins à se tourner vers l'étranger pour collecter les fonds nécessaires au maintien de leurs activités

Le rabbin Dov Landa, directeur de la yeshiva Slabodka de Bnei Brak, près de Tel Aviv, donnant une leçon à la yeshiva Mir, dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim, à Jérusalem, le 19 septembre 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)
Le rabbin Dov Landa, directeur de la yeshiva Slabodka de Bnei Brak, près de Tel Aviv, donnant une leçon à la yeshiva Mir, dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim, à Jérusalem, le 19 septembre 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

Dans la matinée de lundi, une ordonnance par intérim de la Haute-cour de justice, qui interdit au gouvernement de donner des fonds aux yeshivot – les séminaires religieux – pour leurs étudiants en âge d’effectuer le service militaire est entrée en vigueur. Elle interdit, en pratique, l’octroi de subventions à destination de presque 50 000 étudiants du Talmud à plein temps.

Qu’est-ce que ce jugement signifie concrètement et comment affectera-t-il les plus de mille yeshivot qui, jusqu’à présent, recevaient des fonds, tous les mois, de la part du ministère de l’Éducation ?

Le contexte

Depuis des décennies, les hommes ultra-orthodoxes – ou Haredim – en âge d’intégrer l’armée ont été en mesure d’éviter le service militaire en s’inscrivant dans des yeshivot où ils étudient la Torah, obtenant des reports annuels de leur enrôlement [ce que l’on appelle « ptor » en hébreu] au sein de l’armée jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge officiel de l’exemption, qui est de 26 ans.

Ces reports répétés – qui entraînent une exemption de facto du service militaire, une exemption qui ne dit pas son nom – et les subventions gouvernementales touchées par un grand nombre d’étudiants jusqu’à l’âge de 26 ans ont suscité la colère du public en général, entraînant de nombreuses initiatives juridiques et législatives visant à garantir ce que les défenseurs de la conscription universelle appellent « l’égalité dans le partage du fardeau [surnom du service militaire en Israël] ».

La décision qui a été prise, jeudi soir dernier, par les juges est survenue après que le gouvernement a tardé de manière répétée devant la Cour à soumettre une proposition dont l’objectif était de renforcer le recrutement des membres de la communauté ultra-orthodoxe au sein de Tsahal. Elle a été mise en vigueur suite à l’expiration, dimanche dans la soirée, d’une régulation temporaire douteuse qui donnait pour instruction aux responsables de l’armée de ne pas enrôler les Haredim – une régulation qui avait été émise par le gouvernement l’été dernier, juste avant l’expiration d’une législation qui ancrait ce système d’exemption dans la loi.

Dès lundi matin, le jugement s’est appliqué aux fonds versés par l’État aux yeshivot dont les étudiants ont atteint l’âge du service militaire après l’expiration de la loi de l’année dernière – alors que le cadre légal permettant leur exemption n’existe dorénavant plus. Même s’ils ont été dans l’incapacité d’obtenir un report formel de leur service, ces jeunes n’ont pas été appelés par l’armée pour faire leur service militaire en raison de l’ordonnance du gouvernement qui prévoyait qu’ils ne seraient pas enrôlés – jusqu’à aujourd’hui.

Des manifestants ultra-orthodoxes affrontent la police lors d’une manifestation contre l’arrestation d’un étudiant juif qui n’a pas respecté un ordre de conscription, à côté du bureau de recrutement de l’armée à Jérusalem, le 4 janvier 2017 (Yonatan Sindel / Flash90)

Selon le Bureau du procureur de l’État, ce sont 63 000 étudiants inscrits dans des séminaires religieux qui, dès lundi, se sont trouvés soumis à l’obligation de faire leur service militaire. Environ 1 500 yeshivot reçoivent actuellement des financements portant sur approximativement 56 500 de ces étudiants. L’intervention des juges, a fait savoir le Bureau du Procureur de l’État devant le tribunal, entraîne dorénavant une interdiction du financement pour 1 257 séminaires religieux, avec un total de 49 485 étudiants qui, jusqu’à présent, bénéficiaient d’une exemption annuelle de service militaire.

Alors que les exemptions dont jouissaient les autres étudiants ultra-orthodoxes vont expirer, le gouvernement devra réduire d’autant le montant des fonds versés à ces yeshivot.

Si cette baisse variera selon les institutions, le financement de 99 d’entre elles, représentant 10 959 étudiants inscrits, sera amputé de 51% à 70%. 31 institutions représentant plus de 10 000 étudiants verront leurs finances coupées de plus de 70%.

De surcroît, 241 institutions subiront une baisse de leur financement public allant de 31% à 50%, touchant 14 336 étudiants. 358 yeshivot de plus verront leur enveloppe diminuer de 16% à 30%, ce qui concernera 9 528 étudiants. 31 institutions connaîtront une baisse de leurs fonds de plus de 70%, affectant 10 252 étudiants.

528 autres séminaires religieux seront touchés par des coupes de leur financement public allant de 0,5% à 15%, touchant 4 410 étudiants.

Combien d’argent est en jeu ?

En 2022, le budget annuel total pour les yeshivot et pour les kollels (les séminaires religieux pour les hommes mariés) était de 5,3 milliards de shekels – avec un milliard de shekels (soit 19%) provenant du gouvernement, selon une analyse budgétaire réalisée par Aviad Houminer-Rosenblum, directeur-adjoint du think-tank Berl Katznelson Center.

Le rabbin Dov Landau, chef de la yeshiva Slabodka de Bnei Brak, donne un cour à la yeshiva Mir, dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Sharim, à Jérusalem, le 19 septembre 2023. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

En moyenne, explique-t-il, les yeshivot recevaient environ 28% de leur budget annuel de la poche du gouvernement, même si dans environ 20% des séminaires religieux – approximativement 40% des étudiants de la Torah à plein-temps y sont inscrits – ce soutien de l’État dépassait les 40%.

Si des centaines de yeshivot vont être durement frappées, « l’image d’ensemble, c’est que les coupures de financement sont du même ordre d’importance que le montant supplémentaire qui avait été alloué au budget des yeshivot« , explique Houminer-Rosenblum au Times of Israel.

La réponse des Haredim

Les partis ultra-orthodoxes accusent le tribunal d’avoir lancé « une guerre ouverte » contre l’étude de la Torah, même s’ils se sont prudemment abstenus de prendre toute initiative susceptible d’indiquer une éventuelle volonté de faire éclater la coalition.

S’exprimant dimanche auprès du Times of Israel, Moshe Roth, député de Yahadout HaTorah, a indiqué que la décision n’aurait pas d’impact à court terme, insistant sur le fait que les allocations prévues dans le budget du mois de mars des institutions seraient encore versées et ajoutant que l’effet de la décision rendue par les juges ne se ferait ressentir qu’à partir de la mi-mai.

Pendant cette période, a-t-il affirmé, le Premier ministre Benjamin Netanyahu aura encore une marge de manœuvre pour présenter un nouveau projet de loi qui pourra satisfaire la Cour. Et dans l’intervalle, il est improbable que les partis haredim renversent le gouvernement pour une question purement fiscale.

Le mois dernier, Netanyahu aurait informé les formations ultra-orthodoxes que les yeshivot bénéficieraient « d’une indemnisation rétroactive » si le tribunal devait couper leur financement.

Toutefois, les ultra-orthodoxes semblent avoir moins de marge de manœuvre que ce que peut penser Roth, alors que la procureure-générale Gali Baharav-Miara a mis en garde le gouvernement contre toute tentative visant à continuer à financer les yeshivot dont les étudiants évitent le service militaire, en violation de l’ordonnance émise par la Cour.

Le procureure générale Gali Baharav-Miara s’exprimant à l’Université de Tel Aviv, le 28 septembre 2022. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Dans un communiqué, le ministère de l’Éducation a dit œuvrer « à faire respecter l’ordonnance par intérim ».

« La règle veut que les paiements versés aux institutions soient effectués le 5 du mois. Conformément à la décision prise par la Haute-cour, les paiements seront arrêtés à partir du mois prochain », a noté le ministère.

Collecter des fonds à l’étranger

Cette coupure soudaine de financement gouvernemental a forcé les yeshivot israéliennes à lancer des campagnes de collecte de fonds intensives pour rééquilibrer leur budget.

Le rabbin Dov Lau, l’un des deux dirigeants de la yeshiva Slabodka à Bnei Brak, a directement fait appel aux membres de la communauté, aux États-Unis, pour aider à lutter contre les efforts livrés par les opposants « pervers », a-t-il dit, des séminaires religieux, a signalé le site Walla – rappelant les initiatives prises, il y a une décennie, pendant une précédente crise budgétaire.

« Un grand nombre de personnes réfléchissent au problème mais nous ne savons toujours pas ce qui va se passer », déclare Yitzchok Kaufmann, de la Commission des yeshivot, Vaad HaYeshivot, une instance qui assure la coordination entre les institutions et le ministère de la Défense sur la question des exemptions de service militaire.

Certaines yeshivot « tentent de trouver de l’argent auprès de riches Juifs », explique-t-il, alors que d’autres font reposer leurs espoirs sur l’adoption, par la coalition, d’une loi qui créerait un nouveau cadre de financement pour les séminaires religieux, en contournant les restrictions soumises dans la lettre écrite par la procureure-générale.

Mais même s’il y a moins d’argent, les étudiants en yeshivot ne cesseront pas leurs études, continue Kaufmann qui a déclaré que « la communauté apprend la Torah par principe et ce n’est pas l’argent qui va y changer quelque chose ».

Jeremy Sharon a contribué à cet article.

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