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Le kibboutznik devenu entraîneur des lanceurs des Reds de Cincinnati

Alon Leichman est le tout premier athlète né en Israël à atteindre la première division. Malgré des années passées aux États-Unis, il n’a pas oublié ses origines

Alon Leichman lance pour l'équipe d'Israël sur cette photo non datée. (Courtoisie IAB)
Alon Leichman lance pour l'équipe d'Israël sur cette photo non datée. (Courtoisie IAB)

Bill James, célèbre écrivain, historien et statisticien du monde du baseball, a un jour décrit le grand joueur des Yankees, Don Mattingly, en quelques mots : « Joue cent pour cent des balles, avec zéro pour cent de conneries. »

On pourrait dire la même chose d’Alon Leichman, le premier athlète né en Israël à avoir atteint la première division, récemment nommé entraîneur adjoint des lanceurs des Reds de Cincinnati.

Sous la direction de David Bell, Leichman formera les lanceurs de l’équipe – y compris Chase Anderson, Luis Cessa, Fernando Cruz, Alexis Díaz et Hunter Greene – sur la mécanique, la sélection des lancers, la préparation, la concentration et l’exécution.

Son destin est proprement improbable, à la limite du comique : comment quelqu’un né en Israël, où le baseball est anecdotique, a-t-il émergé des champs de blé d’un kibboutz pour se hisser au plus haut niveau du baseball ?

Âgé de 33 ans, Leichman est un pur produit du kibboutz Gezer, cadet d’une famille fondée par deux idéalistes qui ont grandi dans des groupes de jeunes sionistes et ont aidé à fonder ce kibboutz, dans le centre d’Israël, dans les années 1970, avec d’autres sionistes anglo-saxons – donc anglophones.

Mais David, le père d’Alon, n’a pas tout laissé derrière lui, en quittant le Queens, à New York.

Il est fan de baseball – un grand fan de baseball (« Je faisais en sorte de toujours savoir où se trouvait mon gant de baseball, au cas où, Dieu nous en préserve, il y aurait eu un incendie à la maison », dit-il) – et un jour, lui et ses camarades du kibboutz ont une idée. Pourquoi ne pas réduire la taille du champ de blé et construire à la place un terrain de baseball de taille réglementaire, au sud-ouest du kibboutz, où ils pourront tous aller jouer après le travail ?

Nous sommes alors en 1983, et il n’y a pas un seul terrain de baseball ou de softball dans tout Israël.

David, qui est en charge de la construction du kibboutz (la mère d’Alon, Miri, est le rabbin du kibboutz), construit le terrain de ses rêves, à seulement 450 mètres de chez lui, à l’ombre du site archéologique vieux de 4 000 ans qui donne son nom à Gezer.

C’est là qu’Alon Leichman grandit. C’est son père qui lui fait découvrir le terrain à l’occasion des Maccabiades de 1989, cinq semaines seulement après sa naissance d’Alon, le 29 mai.

« Je n’ai jamais considéré cet endroit comme l’œuvre de mon père », explique Leichman.

« C’était le terrain du kibboutz. En grandissant, je me suis rendu compte que tout le monde jouait, mon frère aîné et tous mes amis, un peu plus âgés que moi, jouaient. »

David Leichman, à gauche, se tient derrière le filet arrière du terrain de baseball qu’il a aidé à construire dans le kibboutz Gezer en Israël, où son fils Alon, à droite, a appris le jeu qui l’a conduit en premier division. (Crédit : Elli Wohlgelernter/JTA)

« Je me souviens : j’avais 4 ans, j’étais encore à la crèche et j’allais jusqu’au terrain de baseball m’entraîner. J’ai des souvenirs très précis de la période de la crèche et de mes entrainements d’alors. Le baseball au kibboutz était quelque chose de naturel. Tout le monde y jouait, je n’avais rien de spécial. J’étais un enfant, parmi tant d’autres, qui jouait au baseball. Mais c’est vrai que, déjà, j’adorais ça », confie-t-il.

Il joue, encore et toujours, et s’améliore. À l’âge de 10 ans, il fait partie de l’équipe d’Israël pour un tournoi aux Pays-Bas. Mais le baseball en Israël à l’époque en est à ses balbutiements, et il n’y a pas d’argent pour financer le voyage de toute l’équipe. Leichman fait des heures supplémentaires pour payer son billet.

Comme tous les membres du kibboutz, il est habitué à travailler. Il le fait même depuis le CE2. Mais pour financer le billet, il doit faire des heures supplémentaires, cueillir des olives ou traire des vaches.

« J’aimais traire les vaches », se souvient-il. « C’est parfois difficile, mais cela me plaisait plus que de frapper un olivier » pour récolter les olives.

Leichman se rappelle bien ce tournoi aux Pays-Bas, à l’occasion duquel il a pour la première fois porté la tenue israélienne pour représenter son pays à l’étranger.

« C’était vraiment cool », se souvient-il. « J’étais fier. C’est la première fois que je me suis dit : « Tu n’es pas seulement Alon, tu ne représentes plus seulement le kibboutz, tu représentes tout un pays. »

L’ex-président de l’Association israélienne de baseball, Peter Kurz, à gauche, avec Alon Leichman. (Avec la permission du CCI)

« Je savais à l’époque qu’Israël n’avait pas forcément bonne presse. J’étais conscient qu’une de nos responsabilités, en tant que joueur de baseball, consistait également à nous assurer que le monde apprenne à nous connaître, nous Israéliens, autrement que par ce que les informations disaient de nous et à leur montrer que nous étions sympathiques. »

Le droitier d’1m72 continue à jouer : il s’améliore et représente Israël lors de tournois. En 2007, il est le deuxième plus jeune joueur de la Ligue israélienne de baseball. Il effectue son service militaire dans l’armée israélienne de 2007 à 2010, avant de se rendre aux États-Unis pour jouer dans le cadre universitaire, au Cypress College et à l’Université de Californie à San Diego.

Lors de sa première apparition à Cypress, il se brise le coude et a besoin de ce que l’on appelle une « chirurgie Tommy John », qui permet de réparer un ligament ulnaire déchiré à l’intérieur du coude. Il se blesse de nouveau et subit une deuxième opération Tommy John. Quand il se blesse une troisième fois, et que le médecin lui dit qu’il doit de nouveau passer au bloc, Leichman sait que ses espoirs d’une carrière de joueur professionnel sont envolés.

Mais pas avant de se prouver qu’il est au niveau.

« Je savais que j’étais bon en Israël. Je le savais. Mais je n’avais aucune idée de ce que ça allait donner aux États-Unis. Je pensais que je pouvais [bien] m’en sortir, mais je n’en savais rien parce que je n’avais jamais affronté ce genre de frappeurs. Lors de mon premier match, j’ai vraiment bien joué pendant deux tours de batte, et au troisième, [on prend] quatre retraits sur des prises. Ça ne marchait pas. On faisait des triplés 1-2-3, 1-2-3. C’est alors que je sors le premier gars, au neuvième tour de batte. Et sur une balle double rapide, mon coude se brise. Je me dit alors : ‘C’est bon, j’ai le niveau.’ »

Divers maillots de baseball d’Alon Leichman, exposés au mur de la maison de sa famille, dans le kibboutz Gezer, en Israël. (Crédit : Elli Wohlgelernter/ JTA)

Son amour pour le jeu ne l’a jamais quitté, et Leichman est devenu un entraîneur fin et intuitif. Son expertise et ses aptitudes sont évidentes.

« Alon entraînera un jour les joueurs de première division, déclarait son coéquipier et lanceur Alex Katz, il y a trois ans. »

« Il est difficile d’obtenir un poste d’entraîneur à ce niveau sans expérience professionnelle. Mais c’est l’un des joueurs de baseball les plus intelligents que j’ai jamais côtoyés. Et il est jeune. »

Leichman estime « aider les gars à s’améliorer. Communiquer avec eux. Être capable de s’identifier à eux. Se mettre à leur niveau. En rendant les choses aisément compréhensibles. En étant créatif et en trouvant les moyens de frapper plus de balles. »

Malgré les chirurgies, Leichman peut encore lancer, s’il le fait avec mesure.

Il rejoint donc les rangs de l’équipe israélienne de la World Baseball Classic en 2012, 2016 et 2017, comme joueur ou entraîneur, joue en Championnat d’Europe de baseball et participe aux qualifications pour les Jeux Olympiques en 2019. Aux Jeux olympiques de 2021 à Tokyo, il effectue neuf lancers sans concéder de points à l’équipe américaine. Entre temps, il décroche une ceinture noire de jujitsu.

Les membres de l’équipe d’Israël se tiennent debout pendant que retentit l’hymne national, avant un match de baseball contre la République dominicaine, aux Jeux olympiques d’été de 2020, le 3 août 2021, à Yokohama, au Japon. (Crédit : AP Photo/Matt Slocum)

Mais sa voie est dans l’entraînement, et après avoir eu la chance, en 2017, de travailler avec les Mariners de Seattle, Leichman progresse, passant de simple A à double AA puis triple AAA, avant d’être embauché par les Reds pour entraîner les joueurs de première ligue cette saison.

Son père est bouleversé.

« C’est incroyable », s’exclame David Leichman. « J’en tremble et j’en pleure encore, tellement c’est merveilleux. C’est vraiment incroyable. »

Alon n’en revient pas non plus, lui qui a signé son contrat chez les Reds le jour-même où les Mets de New York lui proposaient un entretien de recrutement.

« Je n’ai pas encore totalement réalisé, pour être honnête », a-t-il récemment déclaré en Israël, venu rendre visite à sa famille, à Gezer.

« Mais c’est un rêve devenu réalité : c’est ce dont je rêvais depuis l’enfance. Évidemment, je voulais être joueur, mais une fois que je me suis blessé et que j’ai réalisé que je ne pourrais plus jouer, j’ai décidé de devenir entraîneur. Avec l’envie de le faire au plus haut niveau. Le rêve est le même finalement, il a simplement emprunté un autre chemin. Mais c’est toujours aussi passionnant. »

Leichman ne sait toujours pas s’il fera partie des entraîneurs de l’équipe israélienne, en Floride, pour la World Baseball Classic en mars, avant de retourner à Goodyear, en Arizona, auprès des Reds pour l’entraînement de printemps.

Mais ce pur produit des champs de blé de Gezer n’oubliera jamais d’où il vient : le numéro 29, sur son uniforme, le lui rappelle constamment.

C’est son numéro d’étiquette de blanchisserie au kibboutz.

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