Le Labour britannique tourmenté par le retour du spectre de l’antisémitisme
Depuis son arrivée à la tête du parti travailliste, Keir Starmer s'est efforcé de lutter contre l'antisémitisme que son prédécesseur Jeremy Corbyn est accusé d'avoir laissé prospérer au sein du parti

Le parti travailliste britannique se trouve dans la tourmente mercredi après des propos jugés anti-Israël, voire antisémites, de la part de candidats aux législatives, qui rappellent un chapitre que le Labour s’efforce de laisser derrière lui.
L’affaire est d’autant plus gênante pour le parti qu’elle survient à la veille de deux élections partielles et qu’un sondage Savanta publié mercredi évoque une nette érosion de son avance sur les conservateurs à 12 points, contre une vingtaine de points en moyenne dans l’ensemble des études d’opinion.
Donné grand favori des élections législatives attendues à l’automne prochain, le parti a suspendu mardi soir l’ancien député et candidat Graham Jones en attendant l’issue d’une enquête pour des propos hostiles à Israël tenus lors d’une réunion à l’automne dernier.
Il lui est notamment reproché d’avoir déclaré que les Britanniques qui rejoignent l’armée israélienne devraient être « enfermés ».
Ce nouvel incident survient alors que le parti a retiré son investiture au candidat Azhar Ali en vue d’une élection partielle le 29 février dans la circonscription de Rochdale, dans le Nord-Ouest de l’Angleterre.
Lors de la même réunion, il avait accusé qu’Israël d’avoir délibérément permis au Hamas de l’attaquer sur son sol le 7 octobre, afin de justifier ensuite une opération militaire dans la bande de Gaza.
Il avait présenté des excuses mais avait perdu le soutien du parti travailliste après l’émergence d’autres propos, où il accusait « les médias et certaines personnes issues des quartiers juifs travaillant dans les médias » d’avoir agi en faveur de la suspension d’Andy McDonald, un ancien député pro-palestinien du Labour.

« Pas un parti de saints »
Depuis son arrivée à la tête du parti travailliste en avril 2020, Keir Starmer s’est efforcé de lutter contre l’antisémitisme que son prédécesseur Jeremy Corbyn est accusé d’avoir laissé prospérer au sein du parti.
Ces derniers mois, il s’est trouvé aussi sous le feu des critiques pour son refus d’appeler à un cessez-le-feu à Gaza, au point de faire face à une rébellion au sein de son parti et de faire craindre une baisse de popularité des travaillistes au sein de l’importante communauté musulmane britannique.
« Quand je dis que le Labour a changé sous ma direction, je suis sérieux », avait déclaré Keir Starmer mardi, se défendant d’avoir tardé à réagir aux propos de son candidat à Rochdale. Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a estimé, lui, que le parti « n’a pas changé, c’est une escroquerie ».
« L’idée selon laquelle nous serions toujours dans les mauvais jours de l’ère Corbyn est vraiment ridicule », a jugé mercredi matin sur la BBC Mike Katz, président du Jewish Labour Movement.

C’est « le jour et la nuit », a-t-il estimé, citant notamment la manière dont le mouvement et ses membres sont traités au sein du parti.
« Nous restaurons la confiance avec la communauté juive », « nous devons redoubler d’efforts pour montrer qu’il faut toujours être vigilants », « l’antisémitisme a le sommeil léger », a-t-il ajouté.
« Restaurer, maintenir la confiance de la communauté juive, de toute communauté, est un processus constant, Keir Starmer en est profondément conscient », a déclaré de son côté le porte-parole du parti pour les questions de défense, John Healey, sur la chaîne Sky News.
« Nous ne sommes pas un parti de saints » et quand les gens font ou disent « des choses qui sont inacceptables », « l’important est la réponse du parti », a-t-il fait valoir.
Pour le politologue Tim Bale, de la Queen Mary University de Londres, le Labour reçoit ici un « coup de semonce » indiquant qu’il y a « encore du chemin pour achever la tâche » d’éradiquer l’antisémitisme.