Le lent et malveillant démantèlement de la fragile démocratie israélienne
L'équilibre des pouvoirs est brisé au moment où j'écris ces lignes, dans un pays qui ne peut se permettre la division amère que son Premier ministre encourage avec insistance
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Six jours après avoir limogé le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, trois jours après avoir entamé le processus de destitution de la procureure générale, un jour après l’adoption d’un budget qui n’a pas augmenté les dépenses de santé et de protection sociale mais a renforcé le financement des yeshivot de plusieurs milliards de shekels, le gouvernement vote mercredi un texte de loi qui bouleverse le processus par lequel Israël choisit ses juges et les membres de la Cour suprême.
En remaniant la commission de sélection des juges, la loi adoptée renforce considérablement l’influence de l’échelon politique dans le choix des juges, marginalise le rôle des juges au sein de la commission et supprime purement et simplement les représentants du barreau israélien.
Si les politiciens de la coalition et de l’opposition ne parviennent pas à s’entendre sur les candidats à la Cour suprême, chaque partie soumettra trois noms de candidats qu’elle souhaite voir siéger à la Cour, et l’un de ces trois candidats devra être nommé – de quoi garantir la sélection de juges partisans à la plus haute juridiction du pays. En conséquence, les juges de l’ensemble du système judiciaire s’inquiéteront de la manière dont leurs décisions pourraient nuire à leur carrière ou, à l’inverse, adapteront ces décisions pour plaire aux dirigeants politiques.
Bien qu’une partie de ce projet de loi soit adoptée dans le cadre des Lois fondamentales d’Israël, en apparence « semi-constitutionnelles », il suffit d’une simple majorité à la Knesset pour qu’elle ait force de loi, ce qui ne manquera pas d’être le cas mercredi ou jeudi. La coalition de droite, d’extrême droite et ultra-orthodoxe de Benjamin Netanyahu dispose d’une majorité de 68 voix contre 52 à la Knesset.
La facilité et la rapidité avec lesquelles des lois touchant au cœur de la démocratie israélienne ont pu être adoptées par le Parlement soulignent la vulnérabilité de notre structure gouvernementale. Nous n’avons pas de constitution. Le pouvoir législatif est impuissant lorsque, comme aujourd’hui, la coalition au pouvoir bénéficie d’une solide majorité et d’une unité d’objectifs relative. Le seul frein aux abus de la majorité élue et la seule protection de tous les droits fondamentaux, c’est le pouvoir judiciaire. Le vote d’aujourd’hui portera un coup fatal à l’indépendance judiciaire.
À terme, la coalition a l’intention à la fois de limiter les domaines dans lesquels la Cour suprême est autorisée à exercer un contrôle judiciaire, d’exiger l’unanimité ou la quasi-unanimité des juges pour toute tentative d’invalidation d’une loi, et de permettre à la Knesset de réadopter toute loi qui serait néanmoins invalidée d’une manière ou d’une autre. La détermination de la coalition à asservir la Cour suprême ne fera que s’accroître si les juges acceptent les requêtes contre le renvoi du chef du Shin Bet, Ronen Bar, et/ou de la procureure générale, Gali Baharav-Miara.

Théoriquement réversible
Le texte qui sera promulgué dans les prochaines heures n’entrera en vigueur qu’après la prochaine Knesset, soit après les prochaines élections législatives, qui devraient avoir lieu en octobre 2026.
En théorie, il peut être inversé aussi facilement qu’il a été adopté. Cela nécessiterait toutefois l’élection d’une coalition solide désireuse de l’inverser et d’abroger les autres mesures législatives dévastatrices que la coalition Netanyahu s’acharne à imposer. Ces textes de loi incluent notamment l’inscription dans la loi – en pleine guerre, la plus longue d’Israël, alors que l’armée israélienne manque cruellement de personnel et que les réservistes servent mois après mois sur plusieurs fronts – de l’exemption intenable, inégale, anti-démocratique et ultra-clivante du service militaire ou national des jeunes hommes ultra-orthodoxes financés par les contribuables. (La Haute Cour invalidera probablement toute loi de ce type si elle en a encore le pouvoir).
Tous les sondages d’opinion réalisés depuis le 7 octobre 2023 indiquent que la coalition actuelle n’a pratiquement aucune chance de conserver le pouvoir. Mais ces sondages israéliens sont connus pour leur manque de fiabilité et ne tiennent pas compte des compétences politiques inégalées de Netanyahu, de son poids impressionnant et de celui de ses partisans sur les réseaux sociaux, ni de la lâcheté persistante de l’opposition.

Netanyahu ne s’oppose pas seulement à la création d’une commission d’enquête d’État sur le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, mais il refuse également de retourner devant les urnes pour demander au peuple un nouveau mandat, au vu de sa responsabilité dans les échecs du 7 octobre.
Certains critiques pensent qu’il pourrait avoir recours à des manœuvres frauduleuses lors des prochaines élections s’il sent qu’il risque d’être battu, en les reportant, en étendant le droit de vote aux Israéliens vivant à l’étranger ou (encore une fois) en dissuadant les électeurs arabes.
Cependant, la tendance générale en Israël ayant de nouveau évolué vers la droite, en raison à la fois des horreurs du 7 octobre et de la démographie (la communauté ultra-orthodoxe est celle qui connaît la croissance la plus rapide en Israël), il serait probablement bien mieux placé pour gagner, sans recourir à des manœuvres électorales frauduleuses, que ne le laissent entendre les sondages.
« Dans une démocratie, le peuple est souverain. Et le peuple exige que son vote libre dans les isoloirs se traduise concrètement dans les décisions, les nominations, les politiques », a déclaré Netanyahu mercredi à la Knesset.
« Cela ne signifie pas que le gouvernement a un pouvoir illimité », a-t-il concédé. « Mais il ne peut pas non plus avoir un pouvoir nul… Il doit y avoir un équilibre entre les pouvoirs de l’État. »
« Israël ne peut tout simplement pas se permettre le « luxe » de luttes intestines profondes et amères. Les voisins directs de l’Amérique ne tirent pas de salves de roquettes à travers sa frontière. Le Mexique et le Canada ne complotent pas d’invasions militaires, dans la poursuite d’une ambition génocidaire déclarée contre les États-Unis »
Mais c’est cette responsabilité ultime envers le peuple qu’il a cherché à éluder depuis le 7 octobre, et cet équilibre entre les branches du gouvernement qu’il est en train de démolir.
Comme des moutons
Le Hamas a réussi à mener à bien son assaut et ses massacres parce que les responsables politiques et sécuritaires israéliens ont refusé de croire ce qui se déroulait sous leurs yeux, à savoir que le groupe terroriste palestinien se préparait à commettre des meurtres de masse. Personne aux commandes des hiérarchies politiques, militaires et des services de renseignement ne s’est levé pour dénoncer et dénoncer avec force « l’évaluation » infondée, voire insensée, selon laquelle le Hamas – une entité autoproclamée vouée à tuer les Juifs qui avait constitué une armée, élaboré ses plans d’invasion et s’entraînait ouvertement en vue d’une attaque – était dissuadé, souhaitait maintenir le calme à Gaza, ne cherchait pas à provoquer une escalade et n’était pas déterminé à détruire Israël.
Personne n’a adopté le point de vue opposé, celui du bon sens. Personne ne l’a même évoqué. Et donc personne n’a pris les précautions élémentaires pour se prémunir contre cette catastrophe.

On aurait pu penser que les leçons auraient été tirées des conséquences catastrophiques d’un tel comportement de mouton de Panurge : que ceux qui occupent des postes clés au sein du pouvoir poseraient plus de questions et éviteraient l’unanimité irréfléchie et dévouée. Dans ce contexte, on aurait pu penser que, malgré les échecs épouvantables qui se sont étendus au Shin Bet le 7 octobre et l’obligation pour son chef, Bar, de démissionner, les ministres israéliens auraient pu au moins prêter attention à la lettre qu’il a soumise au cabinet dans laquelle il affirmait que son licenciement, après dix-sept mois, n’était pas lié au 7 octobre, mais plutôt à des motifs inappropriés qui « cherchent à empêcher la recherche de la vérité ».
Plus précisément, aucun ministre n’a cherché à approfondir la problématique soulevée par Bar, selon laquelle Netanyahu aurait agi de manière malhonnête en supervisant les pourparlers de cessez-le-feu relatifs aux otages, laissant entendre qu’Israël est maintenant replongé dans la guerre contre le Hamas à Gaza, alors que le cadre convenu pour une deuxième phase de libération des 24 derniers otages vivants n’est pas finalisé et que la vie d’autres soldats est à nouveau en jeu, alors qu’une meilleure alternative aurait pu être envisagée.
Pas un seul ministre n’a contredit la ligne selon laquelle Bar devait être relevé de ses fonctions sans délai. Pas un seul ministre n’a cherché à remettre en question la date choisie. Le vote pour son renvoi a été unanime. Tout comme, en effet, le vote trois jours plus tard pour entamer officiellement la procédure de destitution de la procureure générale Baharav-Miara.
À quoi servent ces réunions de cabinet, voire ces ministres, s’ils sont incapables de faire preuve d’indépendance de pensée et d’esprit critique ?

Des leçons qui n’ont pas été retenues
Les États-Unis ont eux aussi un gouvernement extrêmement divisé et un président qui ne se laisse pas décourager par les profondes dissensions. La différence, c’est qu’Israël ne peut tout simplement pas se permettre le « luxe » de luttes intestines profondes et amères. Les voisins directs de l’Amérique ne tirent pas des salves de roquettes à travers sa frontière. Le Mexique et le Canada ne préparent pas d’invasions militaires dans le but déclaré de commettre un génocide contre les États-Unis. Le pendule politique américain oscille, le climat politique se réchauffe et s’emballe, mais l’existence du pays n’est pas physiquement menacée.
Ce n’est pas le cas ici, où les ennemis à nos portes cherchent sans relâche nos faiblesses et les exploitent de manière meurtrière. C’est ce qui s’est produit le 7 octobre 2023, lorsque Israël a baissé sa garde.
Parmi les leçons évidentes : une méfiance aiguë à l’égard des menaces extérieures et un véritable accent, pas seulement des paroles en l’air, sur l’unité interne. Trouver une formule pour accroître la participation des ultra-orthodoxes au service militaire et contribuer à remédier à une inégalité immense, nuisible et corrosive. Négocier un compromis véritable et constructif sur la refonte du système judiciaire, plutôt que de l’imposer par la force d’une révolution.
Il y a presque exactement deux ans, le 25 mars 2023, le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, avait averti que la proposition de refonte du système judiciaire provoquait des divisions si profondes, au sein de Tsahal, qu’elles constituaient une menace tangible pour la sécurité d’Israël. Et pourtant, nous y revoilà, la dissidence interne s’intensifie, les leçons n’ont pas été retenues, les ennemis salivent.
Witkoff ne comprend pas le Hamas
Aussi surprenant que cela puisse paraître, après qu’un négociateur américain des otages, Adam Boehler, a clairement indiqué qu’il comprenait le Hamas moins bien que quiconque en ayant entendu parler, son collègue plus expérimenté de l’administration Trump, Steve Witkoff, a indiqué qu’il ne reconnaissait pas non plus ce à quoi Israël, le peuple juif et le reste du monde libre sont confrontés face au Hamas et à d’autres groupes terroristes extrémistes islamiques adeptes du culte de la mort.
Dans une interview accordée vendredi, Witkoff a déclaré : « Ce que nous avons entendu au début de ce conflit, c’est que le Hamas est idéologique, qu’il est prêt à mourir pour toutes sortes de raisons. Personnellement, et j’en ai parlé au président… Je lui ai dit : ‘Je ne pense pas qu’ils soient aussi enfermés dans leur idéologie.’ Ils ne sont pas intraitables sur le plan idéologique. Je n’ai jamais cru cela. »

« Ils attachent une ceinture d’explosifs à de jeunes enfants qui ne savent pas ce qu’ils font… Ils leur racontent une histoire. »
« Une fois que vous avez compris que [le Hamas] souhaite vivre, vous pouvez alors leur parler de manière plus efficace », avait-il soutenu.
Non ! Bon sang. Cela ne devrait vraiment pas être nécessaire de le dire, surtout à cet homme tout à fait respectable, qui cherche à faire sortir les otages de l’enfer de Gaza, mais le Hamas est catégoriquement, totalement, intraitable sur le plan idéologique. Son objectif déclaré, sa raison d’être, est de détruire Israël et de tuer les Juifs. Il a mené des années d’attentats-suicides. Il a pris le contrôle de Gaza et a détourné toutes les ressources pour construire sa machine de guerre, avec une indifférence totale pour le bien-être des habitants de Gaza.
S’il avait été idéologiquement malléable, il se serait cru en position de force le 6 octobre 2023, bien financé et dirigeant son propre pays. Israël était parti, de retour aux frontières d’avant 1967. Il aurait pu déposer les armes, cesser d’être le Hamas et transformer Gaza en une « Côte d’Azur du Moyen-Orient ».

Mais bien sûr que non, car son but est d’anéantir Israël. Et au cours des dix-sept mois qui se sont écoulés depuis qu’il a déclaré la guerre avec lucidité et barbarie, il a impitoyablement exploité les otages qu’il a enlevés sans pitié et sacrifié la vie de dizaines de milliers de Gazaouis, dont des milliers de ses propres terroristes armés, plutôt que de se libérer idéologiquement.
Comme l’a dit Witkoff, le Hamas ne veut pas vivre. Il n’accorde aucune valeur à la vie ; il cherche à y mettre fin.
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