Israël en guerre - Jour 339

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Le magnat Tshuva, déjà renfloué par les contribuables, obtient une nouvelle aide

Écartant tout remboursement immédiat des 6 milliards de shekels prêtés à Yitzhak Tshuva, deux caisses de retraite et d'assurance lui donnent une nouvelle planche de salut

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

L'homme d'affaires israélien Yitzhak Tshuva lors d'une conférence sur l'énergie à Tel Aviv, le 27 février 2018 (Crédit :  Flash90)
L'homme d'affaires israélien Yitzhak Tshuva lors d'une conférence sur l'énergie à Tel Aviv, le 27 février 2018 (Crédit : Flash90)

Alors que le coronavirus envoie une entreprise après l’autre sur la voie de la liquidation, avec aucune aide – ou à peine – de la part des banques et que les huissiers viennent frapper aux portes des nouveaux chômeurs, les plus importantes caisses de retraite ont accepté, dimanche, de mettre de côté les pertes massives infligées aux fonds de retraites et aux épargnes par Yitzhak Tshuva, le dernier magnat encore en vie sur le marché boursier de Tel Aviv, en lui accordant une planche de salut.

Les détails de cette enveloppe de sauvetage ont été révélés lundi.

Depuis le début de l’année, le Delek Group de Tshuva, dont les activités se concentrent dans les secteurs du pétrole et du gaz et qui doit à ses détenteurs d’obligations – de grandes institutions principalement – la somme de 6 milliards de shekels, a perdu 79 % de sa valeur, frappant durement l’argent investi pour les retraites des Israéliens ordinaires.

Mais, dimanche, deux des plus importantes caisses de retraite et d’assurance israéliennes, Menora Mivtachim et Harel, qui représentaient les détenteurs d’obligations, ont renoncé à réclamer un remboursement immédiat et ont signé, à la place, un projet de cadre préliminaire qui donnera à Tshuva encore un an pour souffler.

Le Delek Group n’aura pas à prouver qu’il est en possession d’un capital minimum d’un milliard de shekels jusqu’à la mi-2021, un capital qui devrait augmenter graduellement jusqu’à atteindre les 2,6 milliards de shekels.

Une réunion des détenteurs d’obligations avait été programmée pour la journée de mercredi, qui aurait été l’occasion d’un vote sur une procédure immédiate d’insolvabilité, mais elle a été repoussée. Les investisseurs ont été informés des détails de l’accord au cours d’une visioconférence sur Zoom, lundi, et ils se réuniront la semaine prochaine pour voter.

L’accord nécessite également l’approbation des banques (à qui Tshuva doit également des milliards de dollars même si, contrairement aux détenteurs d’obligations, les banques ont accès aux actifs qui ont été cédés en garantie).

Troisième condition, celle que le Delek Group parvienne à soulever la somme de 400 millions de shekels d’ici la fin de l’année, en commençant avec au moins 100 millions de shekels d’ici la fin du mois.

L’accord s’efforce, dans les faits, de transformer une dette sans aucune garantie en une dette avec garantie d’au moins deux milliards de shekels.

Parmi les nombreuses clauses, le cadre proposé interdit au Delek Group de s’accroître davantage sans accord préalable. Il limite sa capacité à hypothéquer d’autres actifs et à émettre des dividendes et exige des coupures dans les coûts de gestion.

La plate-forme de gaz naturel Leviathan au large des côtes d’Israël. (Albatros)

Il donne également aux investisseurs des unités (similaires à des actions) dans Delek Drilling, une filiale, en garantie, à hauteur de cinq pour cent au moment de la signature de l’accord, avec une augmentation à 40 % entre le mois de décembre de cette année et le mois de décembre 2022 – à la suite de quoi ces unités chuteront à 34 % pour la dernière année.

Cette garantie est actuellement octroyée aux banques. Lorsque Tshuva remboursera les banques, ces dernières libéreront cette même caution qui sera transférée aux détenteurs d’obligations.

Un problème se posant avec cette future propriété des détenteurs d’obligations est que Delek Drilling — qui, aux côtés de l’entreprise texane Noble Energy, a découvert et construit les infrastructures d’exploitation des champs de gaz naturels Tamar et Léviathan au large des côtes israéliennes – n’est pas non plus dans un état reluisant, endettée à hauteur de milliards de shekels en remboursement d’emprunts au cours des prochaines années.

Selon The Marker, Tshuva doit personnellement un milliard de shekels, Delek environ 9,3 milliards de shekels et les filiales du groupe ne sont pas en reste — Delek Israel doit 1,8 milliard de shekels, Delek Drilling onze milliards de shekels et Ithaca (qui travaille principalement en mer du Nord) doit 5,6 milliards de shekels. Le total de ces sommes s’élève à 29 milliards de shekels.

Nous nous sommes trouvés dans une situation similaire dans le passé

Il y a neuf ans, les mêmes institutions financières avaient accepté d’aider Tshuva via un règlement des créances qui était alors lié à une autre de ses entreprises, Delek Real Estate. Une partie de l’accord prévoyait d’effacer 1,4 milliard de shekels sur une dette qui s’élevait à 2,1 milliards de shekels. A l’époque, Tshuva avait promis aux détenteurs d’obligations qu’ils récupéreraient la différence en versements qui seraient effectués sur sept années. L’accord était à prendre ou à laisser.

Les grandes institutions avaient indiqué à ce moment-là qu’elles n’investiraient plus, à l’avenir, dans les entreprises de Tshuva.

Mais moins de trois ans après, elles recommençaient, a expliqué vendredi un reportage diffusé sur la Treizième chaîne (la Douzième chaîne a évité d’aborder le sujet – Tshuva est l’un de ses actionnaires).

L’immeuble Menora Mivtachim à Tel Aviv. (Capture d’écran)

Menora Mivtachim, responsable des retraites des enseignants, avait prêté à Tshuva 281 millions de shekels et Harel 224 millions de shekels. Les maisons d’investissement, pour leur part, avaient prêté 109 millions de shekels et Psagot 103 millions. En tout, le public – par le biais d’achats d’obligations effectuées par les plus grosses institutions financières – a prêté à Tshuva le montant de 6 milliards de shekels depuis la restructuration de la dette de Delek Real Estate.

Pendant les années où Tshuva obtenait tous ces prêts – que ce soit par le biais d’actions, d’obligations ou en crédits obtenus auprès des banques – il s’était également attribué des dividendes d’un montant total de 1,5 milliard de shekels.

Puis, l’année dernière, il s’est livré à un coup de poker massif en faisant vendre au Delek Group – dont très exactement un tiers appartient au public – la plus grande partie de ses filiales non énergétiques pour se concentrer sur les activités pétrolières et gazières.

Coup de poker

Au printemps dernier, Tshuva avait ignoré les mises en garde sur d’éventuelles ambitions trop démesurées lorsqu’il avait soulevé la somme de 1,72 milliard de dollars pour acheter des champs pétroliers en mer du Nord auprès du géant du marché, Chevron. Endetté jusqu’au cou, il a ensuite été victime de la chute des prix du pétrole et du gaz en raison d’une guerre commerciale que se sont livrées la Russie et l’Arabe Saoudite, puis du confinement global imposé par la pandémie de coronavirus, qui a entraîné une chute considérable de la demande énergétique.

Une station-service Delek. (Capture d’écran : YouTube)

Le mois dernier, deux groupes de la société civile, ont écrit à l’économiste Hedva Bar, dont la mission est de superviser les banques, pour lui demander d’intervenir immédiatement dans la situation créancière de Tshuva pour « empêcher des dégâts substantiels et non nécessaires que subiront la majorité des retraités du pays, qui essuient d’ores et déjà des pertes en raison de la crise entraînée par le coronavirus » (environ 25 % des salariés israéliens sollicitent actuellement des indemnités chômage).

Le directeur général de Lobby99, l’avocat Linor Deutsch, a souligné dans le reportage de la Treizième chaîne : « Tout ça doit cesser ». Les propriétaires d’entreprise ayant fait faillite ne devraient pas être autorisés à continuer à contrôler des firmes et à faire des affaires.

Mais dimanche, l’apparente invincibilité de Tshuva a encore une fois été confirmée lorsque les géants Harel et Menora lui ont lancé une bouée de sauvetage.

Comme l’a confié un initié au Times of Israel, ces importantes institutions ont fait le calcul pour déterminer si elles obtiendraient davantage d’un tel accord ou d’une procédure judiciaire qui permettrait de désigner un liquidateur. Et il semble que la première solution se soit avérée plus prometteuse.

« Ce n’est pas une décote », a expliqué la source. « Ce n’est pas : ‘Vous nous devez six milliards de shekels, remboursez-nous en cinq’. Non, la dette reste de six milliards ».

En termes de remboursement de prêt, les banques ont été les premières à prendre place dans la file d’attente, suivies par les détenteurs d’obligations, puis par les actionnaires. Les actionnaires ont, eux aussi, été durement frappés, et ils espéreront que si le cadre peut se maintenir et que la compagnie améliore ses résultats, ce sera également le cas de leur fortune.

Le public garantit lui aussi l’empire de gaz naturel de Tshuva

Au cours des cinq dernières années, le contribuable israélien a généreusement contribué au financement du partenariat entre le Delek Group de Tshuva et Noble Energy, la firme du Texas.

Cela avait suivi un accord gouvernemental passé en 2015 – via ce qui avait été appelé le « cadre du gaz » – qui a abouti à un arrangement obligeant la Compagnie israélienne d’électricité à se conformer aux prix fixés par le Delek Group et Noble Energy pour le gaz émanant du champ de Tamar – des tarifs qui augmentent chaque année alors que dans le monde, les prix de l’énergie n’ont cessé de chuter.

Et cette décision avait été aggravée par l’accord conclu entre les entreprises et l’État de différer les paiements en les investissant dans un fonds souverain spécial, mis en place pour récupérer une partie des bénéfices réalisés par l’industrie au profit du bien public. Pas un seul centime n’a encore été versé pour le champ de Tamar, qui a lancé sa production en 2013. La plateforme gazière Léviathan, pour sa part, n’a commencé son exploitation commerciale qu’au début de cette année.

Comment procède l’homme de fer de l’industrie israélienne ?

Selon la Treizième chaîne, ce sont des maisons d’investissements plus modestes qui ont investi dans Tshuva après 2012, les grandes entreprises achetant auprès d’elles.

Guy Rolnick, fondateur et rédacteur en chef du quotidien économique The Marker, a expliqué à la chaîne que l’une des raisons de ces gestes de bonne volonté envers Tshuva était que ce dernier avait proposé de nombreux emplois – aux régulateurs, politiciens, commandants de police, analystes et journalistes – et qu’il était dans leur intérêt de rester du bon côté.

Le secteur financier « négligent » pardonne les prêts faits aux riches et pourchasse les pauvres

Au mois d’avril dernier, une commission d’enquête de la Knesset, qui était dirigée par le député travailliste Eitan Kabel, avait fustigé ce qu’elle avait qualifié de secteur financier « négligent », prolongeant ou effaçant « systématiquement » les prêts accordés aux plus riches tout en poursuivant « jusqu’au dernier centime » les petits endettés.

Le président de la commission des affaires économiques, le député Eitan Cabel (Union sioniste), dirige une réunion de la commission, à la Knesset, à Jérusalem, le 26 juillet 2017. (Yonatan Sindel/Flash90)

La commission avait décrit la manière systématique avec laquelle les banques se rapprochaient des magnats des affaires en leur octroyant des prêts démesurés, en effaçant leurs dettes à hauteur de millions de shekels et en équilibrant ensuite leurs propres comptes en imposant des frais pour tous les services financiers du quotidien à leurs clients.

Au cours des années, avait établi l’enquête, les pratiques intenables des établissements bancaires – et l’absence d’encadrement juridique – ont coûté aux Israéliens des milliards de shekels. Elle avait également dénoncé les banques qui, selon elle, avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour dissimuler des informations à la commission.

La commission avait découvert un « vide régulatoire », sans sanction et sans dissuasion pour les « graves négligences » observées dans l’octroi d’un crédit. Les régulateurs, et en particulier ceux chargés de superviser les banques, étaient « pris en otage » par les mêmes organismes qu’ils étaient supposés surveiller.

Cette commission parlementaire avait été formée au mois de juillet 2017 à la suite de plusieurs affaires de haut rang impliquant des magnats plongeant dans un endettement massif, avec une proportion significative d’entre eux étant parvenue à obtenir l’effacement de leurs créances colossales.

Elle avait enquêté, entre autres, sur la manière dont les banques et d’autres organismes du secteur financier, comme les fonds de retraite et d’investissement, avaient pris la décision d’accorder d’importants prêts ; sur les garanties qui avaient été réclamées à cette occasion ; sur les sanctions mises en place en cas de rupture des conditions de l’emprunt et sur la manière dont les organismes de régulation faisaient appliquer les règles pour protéger la stabilité du système financier.

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