Le mouvement BDS dénonce le film israélo-palestinien oscarisé « No Other Land »
Selon l'organisation pro-boycott d'Israël, l'évocation par le film des démolitions de maisons en Cisjordanie enfreint les « règles anti-normalisation »
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Le mouvement anti-Israël Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) a dénoncé mercredi « No Other Land », le documentaire israélo-palestinien récompensé aux Oscars.
Le film raconte la démolition par Israël de Masafer Yatta, village palestinien de Cisjordanie situé dans une zone d’entraînement au tir réel de l’armée israélienne.
La condamnation de l’organisation anti-Israël a d’autant plus surpris que le film, œuvre conjointe de Palestiniens et d’Israéliens, est perçu comme une critique sévère d’Israël et s’est, à ce titre, attiré des réactions négatives de la part des autorités israéliennes et de leurs soutiens.
La Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel (Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël ou PACBI), qui fait partie du mouvement de boycott, a déclaré par un communiqué publié sur le site Internet de BDS que le film « enfreignait les règles anti-normalisation du mouvement BDS ». Le film enfreint ces directives parce que certains des membres israéliens de l’équipe de production « ne se disent pas officiellement en faveur des droits complets du peuple palestinien », peut-on lire dans le communiqué.
Les réalisateurs du film ont accusé Israël d’apartheid et de génocide, mais le groupe BDS a déclaré que cette déclaration était insuffisante.
PACBI a également déclaré que « les Palestiniens n’ont pas besoin de validation, de légitimation ou de permission de la part des Israéliens pour raconter notre histoire, notre présent, nos expériences, nos rêves et notre résistance ».
Le groupe a expliqué qu’il ne s’était pas exprimé plus tôt parce que le film n’était pas une priorité avant les Oscars, mais que sa victoire mettait le PACBI dans l’obligation de s’exprimer.

Le film a remporté dimanche l’Oscar du meilleur long métrage documentaire.
Sur la scène de la cérémonie des Oscars à Los Angeles, deux des quatre co-réalisateurs du film – un Israélien et un Palestinien – ont profité de leur discours de remerciement pour plaider en faveur des droits des Palestiniens et d’une solution négociée au conflit israélo-palestinien.
Masafer Yatta est un point de ralliement pour le mouvement anti-Israël depuis des années. En 1979, l’armée s’est approprié une trentaine de kilomètres carrés de terres dans la région pour en faire la zone de tir 918. Depuis, elle tente d’expulser les Palestiniens installés dans huit villages qui se trouvent à l’intérieur de la zone de tir, pour l’essentiel des maisons basses avec des toits de fortune.
Ces Palestiniens ont fait valoir qu’ils vivaient là bien avant la création de la zone de tir, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être expulsés en vertu de la loi israélienne. Les autorités israéliennes s’opposent à ces arguments et les avocats du gouvernement ont présenté des photos satellites qui, selon eux, prouvent qu’il n’existait aucune structure résidentielle au sommet des collines avant les années 1990.
La campagne BDS prône le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre les entreprises, universités et artistes israéliens. Ses partisans en parlent comme d’un mouvement non violent en faveur de l’indépendance palestinienne ; Israël et ses partisans estiment que le mouvement cherche à délégitimer et faire disparaitre l’État juif. Nombreux sont ceux qui le trouvent antisémite et discriminatoire.