Le Parlement allemand adopte une mesure appelant à l’interdiction du Hezbollah
Le Bundestag adopte la résolution non contraignante à une large majorité ; l'envoyé israélien à Berlin salue une "étape cruciale" "importante et significative"
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le Parlement allemand a adopté jeudi une résolution appelant le gouvernement berlinois à interdire les activités de l’organisation terroriste chiite libanaise du Hezbollah.
Cette motion non contraignante a été soutenue par les deux principaux partis de la coalition gouvernementale allemande, ainsi que par un petit parti d’opposition, le FDP, une adoption à une large majorité par conséquent. Les trois autres formations siégeant au Bundestag se sont abstenues. Aucun parlementaire n’a voté contre.
Lors du débat, certains détracteurs ont souligné qu’il s’agissait là d’une mesure moins forte qu’une interdiction totale de l’organisation soutenue par l’Iran.
Deux partis d’opposition — les Verts et le parti d’extrême droite AfD — ont présenté leur propre résolution sur le Hezbollah, lesquelles n’ont pas été adoptées.
La résolution adoptée appelle le gouvernement à « décréter l’interdiction de l’activité du Hezbollah afin de ne tolérer aucune activité des représentants de l’organisation en Allemagne, qui est contraire au principe de compréhension internationale ».
Elle enjoint également Berlin à renoncer à la distinction qu’elle fait actuellement entre les branches armée et politique du groupe chiite.
« Nous saluons la résolution importante et significative adoptée aujourd’hui par le Bundestag, qui associe le Hezbollah à ce qu’il est : une organisation terroriste, sans aucune distinction entre ses ailes militaire et ‘politique' », a réagi l’ambassadeur israélien en Allemagne, Jeremy Issacharoff, auprès du Times of Israel.
« Le Hezbollah est endoctriné, formé et financé par l’Iran et présente non seulement une menace pour les civils israéliens, mais nuit également à la souveraineté du Liban et à la stabilité régionale. Comme l’indique la résolution, il représente une menace directe pour les intérêts sécuritaires allemands et israéliens ».
Jeremy Issacharoff a rapporté que Jérusalem appréciait le fait que la motion ait reçu le soutien des parlementaires issus des partis au gouvernement et de ceux de l’opposition. « La politique étrangère devrait refléter la réalité et la résolution du Bundestag est une étape véritablement cruciale qui, nous espérons, en encouragera d’autres à prendre des mesures similaires contre le Hezbollah », a-t-il ajouté.
Le ministère allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a évoqué la résolution jeudi matin, mais s’est abstenu de soutenir l’appel de celle-ci à une interdiction de l’organisation.
« Le Hezbollah nie le droit d’Israël à exister, menace et s’arme massivement. En Syrie, il constitue l’assistant brutal d’Assad », a-t-il tweeté plusieurs heures avant le vote. « En Allemagne, nous devons épuiser tous les moyens permis par l’État de droit pour s’attaquer aux activités terroristes et criminelles du Hezbollah ».
Actuellement, Berlin suit la politique de l’Union européenne en la matière, laquelle reconnaît « l’aile armée » du groupe comme une organisation terroriste, mais refuse d’appliquer le même statut à sa « branche politique ».
Les Pays-Bas et le Royaume-Uni reconnaissent cependant déjà l’ensemble de l’organisation comme terroriste. Dans ce contexte, l’administration américaine a enjoint Berlin à en faire de même.
« Aujourd’hui est un bon jour pour la vie juive en Allemagne », a réagi Benjamin Strasser, qui a rédigé le texte de la motion. Le Bundestag va faire pression pour que la France renonce à son opposition traditionnelle à une interdiction du Hezbollah à l’échelle européenne, a-t-il ajouté. « Am Yisrael Chai [le peuple d’Israël vit]. Joyeux Noël, joyeux Hanoukka », a-t-il ainsi conclu son bref discours.
« Il est inacceptable que le Hezbollah se livre à une guerre terroriste contre Israël au Moyen-Orient et la finance par des activités criminelles dans le monde entier », a déclaré Mathias Middelberg, un porte-parole de la CDU d’Angela Merkel au Bundestag.
« Au vu de la responsabilité de l’Allemagne à l’égard d’Israël, nous appelons le gouvernement fédéral à interdire toute activité du Hezbollah en Allemagne. Toute violation doit être sanctionnée avec sévérité ».
D’après la résolution votée par le Bundestag, rapportée par le parlementaire de 32 ans, Benjamin Strasser, issu du parti libéral FDP, près de 1 000 partisans du Hezbollah vivent actuellement en Allemagne, soulignant qu’une légère baisse avait été observée récemment.
Le texte exhorte le gouvernement à « observer de près et traduire en justice, avec tous les moyens légaux » mis à sa disposition, leurs activités, notamment le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Elle exige également que Berlin continue à défendre activement les préoccupations sécuritaires légitimes d’Israël et à en faire « un pilier central de la politique étrangère et sécuritaire allemande » et de coopérer avec ses partenaires internationaux pour « repousser l’influence du Hezbollah dans la région, en particulier en Syrie ».
Dans son préambule, la résolution cite les services de renseignement intérieur allemand qui estiment que le Hezbollah « continue de planifier et de perpétrer des actes de terrorisme contre Israël ou les intérêts israéliens, ainsi qu’à l’extérieur du Moyen-Orient ». L’engagement de Berlin pour la sécurité d’Israël nécessite de faire en sorte que l’Allemagne ne serve pas de canal de financement du Hezbollah au Liban, stipule la résolution.
Elle réitère également la devise d’Angela Merkel selon laquelle la sécurité d’Israël est la raison d’être de l’Allemagne. Invoquant l’histoire du pays, l’introduction du texte affirme également que l’Allemagne possède une « responsabilité à part à l’égard de l’État juif et démocratique d’Israël ». Elle appelle le gouvernement à « s’opposer aux acteurs du Moyen-Orient qui remettent en question le droit d’Israël à exister et menacent ouvertement sa sécurité ».
Le texte réitère l’engagement de Berlin pour une solution à deux États : « un État juif et démocratique d’Israël dans des frontières sécurisées, et un État palestinien indépendant, démocratique et viable ».
Le mois dernier, le grand hebdomadaire allemand Der Spiegel rapportait que le gouvernement allemand avait déjà décidé de rendre le Hezbollah illégal. D’après le magazine, cette initiative a été coordonnée par les ministères des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a néanmoins démenti les informations.
D’après Der Spiegel, la mesure interdirait bel et bien toutes les activités du Hezbollah sur le territoire allemand, y compris l’agitation de son drapeau jaune, qui a été observé dans des manifestations pro-iraniennes et anti-israéliennes à Berlin.
En juin, le Parlement allemand a d’abord discuté, puis finalement rejeté, l’idée d’interdire l’organisation. À l’initiative d’Alternative für Deutschland, ou AfD, le Bundestag a débattu d’une résolution exhortant le gouvernement à « examiner si les conditions pour l’interdiction du Hezbollah en tant qu’une seule et même organisation existaient, et, si nécessaire, à promulguer une telle interdiction et à la mettre en œuvre immédiatement ».
La résolution n’a pas été adoptée, les parlementaires de la coalition au pouvoir estimant qu’ils devaient se renseigner davantage sur la question.
Jeudi, l’AfD s’est abstenue lors du vote de la motion adoptée, dénonçant une « version édulcorée de la proposition » que le parti avait présentée en juin.
« En raison de notre pression constante, le gouvernement Merkel a été contraint de réagir. Il en a résulté une version complètement inefficace, qui s’abstient toujours d’interdire cette organisation terroriste. L’appartenance au Hezbollah restera toujours légale en Allemagne », a dénoncé Petr Bystron, député de l’AfD.
« Le gouvernement Merkel autorise l’Allemagne à devenir un centre de financement et de recrutement majeur pour le terrorisme islamiste. Cela doit cesser. L’AfD continuera à mettre la pression sur le gouvernement Merkel pour qu’il combatte enfin le terrorisme islamiste et opère une politique davantage pro-Israël ».
Des centaines de manifestants anti-Israël, parmi lesquels des sympathisants du Hezbollah, participent chaque année à un défilé pour la journée d’al-Qods dans la capitale allemande. Lors d’une contre-manifestation, des représentants de la communauté juive et le plus haut responsable de la sécurité de la ville, Andreas Geisel, ont demandé au gouvernement fédéral d’interdire le Hezbollah dans son intégralité.
Les drapeaux du Hezbollah sont interdits dans les manifestations depuis plusieurs années, bien que des sympathisants les aient parfois exhibés.