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Le penseur Walter Benjamin et la photographie, une exposition au Musée d’Israël

Des photos des pionniers français de la discipline, issues de la collection du musée à Jérusalem, seront présentées

Walter Benjamin. (Crédit : Wikimedia Commons)
Walter Benjamin. (Crédit : Wikimedia Commons)

Le philosophe, historien de l’art, critique littéraire, critique d’art et traducteur Walter Benjamin (1892-1940), figure emblématique de l’École de Francfort, fera l’objet ce mois-ci d’une exposition au Musée d’Israël, à Jérusalem, qui ouvrira le 8 août.

Bien que ce penseur juif allemand n’ait publié que peu de livres de son vivant, sa pensée a été abondamment explorée et commentée depuis sa mort, et de nombreux ouvrages ont paru – notamment Sur le concept d’histoire et L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, deux des plus célèbres. Sa notoriété a ainsi largement dépassé les frontières de la philosophie et de la littérature.

Parmi ses autres publications : Petite histoire de la photographie en 1931, dans lequel il introduit le terme d’aura pour caractériser la spécificité de l’œuvre d’art qui est unique, liée à un endroit précis et qui s’inscrit dans l’histoire.

Cet essai révolutionnaire, qui a forgé et influencé la compréhension moderne de ce médium sur l’art, l’esthétique et la perception, est au cœur de la nouvelle exposition du Musée d’Israël, « En images : la petite histoire de la photographie de Walter Benjamin ». Alors que l’appareil photo n’a jamais été aussi accessible, ses réflexions sur la démocratisation de l’image, la reproduction, la culture visuelle et la technologie sont plus que jamais pertinentes et poussent à la réflexion.

Cette exposition réunira, pour la première fois, des œuvres de photographes des 19e et 20e siècles issues de la vaste collection d’images du Musée d’Israël et référencés dans le texte de Walter Benjamin : les Français Nadar (Gaspard Félix Tournachon), Charles-Victor Hugo, Auguste Vacquerie, Hippolyte Bayard, Man Ray, Eugène Atget et bien d’autres, ou encore August Sander, Karl Blossfeldt, Julia Margaret Cameron, David Octavius Hill, Germaine Krull et László Moholy-Nagy.

L’exposition « En images : la petite histoire de la photographie de Walter Benjamin » au Musée d’Israël, à Jérusalem, en août 2023. (Elie Posner / Musée d’Israël)

Plus de 80 photographies et 10 portfolios tirés de la collection du musée, l’une des rares au monde à représenter tous les photographes qui ont inspiré l’essai phare de Benjamin, seront ainsi présentés.

L’exposition est organisée en trois sections qui suivent la structure de l’essai, chacune présentant des œuvres des photographes et les résultats des développements technologiques décrits par Benjamin.

La première partie est consacrée à la période suivant l’invention du médium, une réalisation que Benjamin attribue à Louis Daguerre (1787-1851), dont le procédé de création de daguerréotypes a été annoncé pour la première fois lors d’une réunion de l’Académie des sciences en 1839. Dans son essai, Benjamin se concentre sur la photographie de portrait de l’époque, qu’il percevait comme possédant une aura particulière généralement associée aux médiums artistiques traditionnels.

Une grande partie de son discours porte sur le peintre et photographe écossais David Octavius Hill (1802-1870), dont le travail est représenté dans l’exposition à travers des portraits. Réfléchissant aux images poétiques et mélancoliques de Hill, Benjamin affirme que le portrait photographique est le produit d’une rencontre : d’un côté, les objectifs et les techniques du photographe, et de l’autre, les premiers sujets humains, qui n’avaient pas conscience de ce que se faire photographier signifiait.

La deuxième partie suit les écrits de Benjamin sur la tension entre les possibilités commerciales du médium et son potentiel à recadrer la réalité. Dans les années 1850, la photographie pouvait être reproduite en grande quantité et était accessible à davantage de monde qu’un groupe restreint d’inventeurs et d’artistes. Ces conditions ont conduit à des développements tels que l’invention par André Disdéri (1819-1889) des cartes de visite, de petites photos de portrait produites en série et échangées lors de rencontres.

Comme antidote à ces évolutions qui firent abandonner la photographie à bon nombre des premiers praticiens, Benjamin évoque Eugène Atget (1857-1937) qui, au tournant du siècle, a créé un vaste portfolio consacré à Paris. Plus de 25 œuvres d’Atget sont ainsi présentées dans l’exposition. Benjamin considérait la pratique photographique d’Atget comme précurseuse du surréalisme dans sa déstabilisation des frontières conceptuelles, spatiales et temporelles, et qui libérait l’œil de l’aura authentique des premières photographies et de l’aura factice de la photographie commerciale.

George Sand par Nadar. (Domaine public / Musée d’Israël)

La troisième partie examine elle le potentiel politique, social et scientifique de la photographie. Benjamin oppose cela à ce qu’il appelle dédaigneusement la photographie « créative », un travail qui suit la mode du jour et dissimule ou embellit la réalité. Selon lui, l’art photographique ne doit pas accentuer la beauté, ni aspirer à une documentation « objective ».

Dans cette section, Benjamin se concentre sur August Sander (1876-1964), qui en 1929, publie l’album photographique « Visgaes de notre temps », le premier volet de son projet monumental « Les gens du 20e siècle ». Sander a cherché, avec ambition, à documenter chaque « type » de personne dans la société allemande, comme l’illustre l’exposition à travers différents portraits de la fin des années 1920. Selon Benjamin, cette photographie typologique permet d’analyser la société d’une manière aussi critique que la recherche académique, tout en reconnaissant presque prophétiquement les dangers inhérents à ce type de classification.

« Les idées de Benjamin il y a près d’un siècle sur l’impact culturel de l’émergence de la photographie prennent une nouvelle pertinence dans la société d’aujourd’hui, où un pourcentage sans précédent de la population a facilement accès à un appareil photo », explique le Dr. Gilad Reich, conservateur au département de photographie du Musée d’Israël. « Les liens qu’il établit entre l’esthétique et la dynamique sociale et psychologique changeante d’une culture restent pertinents dans le domaine et au-delà. »

« L’exposition invite les visiteurs à s’immerger dans les images et les idées qui ont motivé Benjamin, dont la pensée sur les implications de la reproduction sans fin d’informations visuelles ont préfiguré notre époque culturelle actuelle », a déclaré Denis Weil, directeur du Musée d’Israël. « En tant que musée qui a consacré plus de 50 ans à la collecte et à la recherche approfondie sur la trajectoire de la photographie, nous nous trouvons dans une position unique pour illustrer l’essai de Benjamin, engageant le public dans une réflexion plus approfondie sur les images que nous consommons dans notre vie quotidienne. »

L’exposition « En images : la petite histoire de la photographie de Walter Benjamin » au Musée d’Israël, à Jérusalem, en août 2023. (Elie Posner / Musée d’Israël)

Le texte Petite histoire de la photographie a été initialement publié dans la revue littéraire allemande Die Literarische Welt sous la forme de trois articles passant en revue plusieurs livres consacrés à la photographie ancienne. Benjamin n’a jamais vu de tirages originaux des photographies évoquées dans Petite histoire de la photographie, mais seulement des reproductions en masse dans des livres. L’exposition permet ainsi aux visiteurs de découvrir ce que Benjamin n’a pas pu faire de son vivant – une vie qui s’est terminée de façon tragique.

En 1932, Benjamin a quitté l’Allemagne face à la montée du nazisme pour s’installer à Paris. Après que l’Allemagne a envahi la France en septembre 1940, il a fui le pays sous occupation et traversé les Pyrénées pour se rendre en Espagne. Lui et d’autres ont alors été arrêtés à la ville frontalière de Portbou et informés qu’ils seraient renvoyés en France. Benjamin s’est suicidé, à l’âge de 48 ans, à la frontière franco-espagnole, laissant derrière lui l’inachevé Projet Arcades, écrit entre 1927 et 1940, une immense collection d’écrits sur la vie à Paris au XIXe siècle. Parmi ses autres écrits : Thèses sur la philosophie de l’histoire (1940), écrites en exil ; ainsi que La tâche du traducteur (1923) et L’auteur en tant que producteur (1934). En 2021, sa poésie a été traduite et publiée pour la première fois en français.

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