Le projet de loi du député Kreuzer, sur les « commissions d’admission », avance
Les villes comptant jusqu'à 1 000 foyers et les implantations seront autorisés à sélectionner les résidents ; Adalah condamne ce projet de loi comme renforçant la ségrégation
La Knesset a prévu de voter mercredi sur un projet de loi visant à permettre aux commissions d’admission locales – des groupes qui sélectionnent les résidents potentiels – de fonctionner plus largement, après avoir été approuvé en vote préliminaire dimanche par le commission des Lois.
Le projet de loi, présenté par le député Yitzhak Kreuzer (Otzma Yehudit) permettra aux villes comptant jusqu’à 1 000 logements de faire fonctionner des commissions d’admission, qui ont presque toute latitude pour décider qui est autorisé à s’y installer.
Critiquées par les organisations de défense des droits de l’Homme comme une forme de ségrégation en matière de logement, les commissions d’admission peuvent rejeter des résidents potentiels en raison de leur manque ostensible de compatibilité avec le « tissu socio-culturel » d’une communauté.
En vertu de la loi actuelle, seules les localités du Néguev et de Galilée comptant moins de 400 logements permanents peuvent mettre en place des commissions d’admission. Ce projet de loi vise à porter ce nombre à 1 000, et leur permettra également de fonctionner dans les implantations de Cisjordanie.
Le porte-parole de Kreuzer, Elior Azran, a déclaré que s’il était adopté, l’amendement à la loi de 2011 renforcerait les villes du nord et du sud d’Israël, souvent appelées « périphérie ».
« En Galilée, les communautés ne peuvent pas augmenter leur population de plus de 400 familles. Pourquoi ? Parce que dès que la 400e famille arrivera, tous ceux qui voudront la rejoindre, le pourront », a expliqué Azran.
Selon Azran, le projet de loi garantira « la croissance de la communauté, tout en protégeant le ’tissu unique’ de cette même communauté ».
Mossi Raz, ancien député du Meretz, a maintenu que le projet de loi ne ferait que renforcer les systèmes de discrimination.
« Si vous voulez attirer une population forte dans la périphérie, vous pouvez offrir des crédits d’impôt sur le revenu comme nous le faisons déjà, vous pouvez créer des lieux d’emploi », a déclaré Raz. « Si l’on veut renforcer la périphérie, il y a des moyens de le faire, et la discrimination n’en fait pas partie. »
Kreuzer a félicité la commission des Lois d’avoir approuvé le projet de loi. « C’est une excellente nouvelle pour l’expansion juive en Terre d’Israël. Je suis heureux que nous fassions l’histoire et que nous libérions la bureaucratie qui empêchait de nombreuses familles de vivre dans des implantations qui correspondaient à leur mode de vie et à leur style », a-t-il déclaré dans un communiqué.
L’avancement du projet de loi fait suite aux propos du ministre de la Justice Yariv Levin lors d’une réunion du cabinet la semaine dernière, dans laquelle il aurait affirmé que la Cour suprême avait besoin de juges qui « comprennent » pourquoi les Israéliens juifs ne seraient pas « prêts à vivre avec des Arabes » dans les localités mixtes.
Bien que les commissions d’admission existent depuis des décennies sous la direction de l’Autorité des Terres d’Israël (ILA), la première loi officialisant leur rôle dans les localités est entrée en vigueur en 2011. Cette loi a été adoptée à la suite d’un recours déposée par Adalah, un groupe israélien de défense des droits civils des Palestiniens et des Arabes, pour permettre à un couple arabe de vivre dans la petite ville de Rakefet, en Galilée, après avoir été rejeté par la commission d’admission de cette ville.
Me Suhad Bishara, l’avocat d’Adalah qui a déposé le recours, a contesté la légalité même des commissions d’admission.
« Nous avons également demandé à la Cour suprême, par le biais du recours, d’annuler la décision de l’ILA qui établit de telles commissions », a déclaré Me Bishara. Mais, a-t-il ajouté, « juste après [l’aboutissement du recours], une loi a été adoptée à la Knesset qui a essentiellement inscrit le rôle des commissions d’admission dans la loi ».
La loi de 2011 qui a officialisé les commissions d’admission a été parrainée par des politiciens de droite et de centre.
Les opposants au projet de loi allèguent qu’en plus d’être discriminatoire à l’égard des citoyens arabes d’Israël, il conduit également à l’exclusion d’autres minorités dans la poursuite de l’homogénéité communautaire.
« L’intention [des commissions d’admission], en principe, est nationaliste – exclure les Arabes », a déclaré Raz. « Et en cours de route, même si ce n’est pas exactement leur objectif, cela ne les dérange pas vraiment d’exclure les femmes, les personnes LGBT, parfois aussi les Juifs séfarades, les parents célibataires, les personnes qui peuvent avoir une apparence ou un comportement un peu différent. »
« Ce projet de loi est également problématique au regard du droit international, car il s’agit d’une loi de la Knesset israélienne qui s’applique de manière extra-territoriale aux territoires occupés », a ajouté Me Bishara.
Bien que le projet de loi soit contraire au droit international en vertu des conventions de La Haye de 1907, il est peu probable qu’il change la situation sur le terrain en Cisjordanie, où les implantations israéliennes sont déjà presque exclusivement juives, et où nombre d’entre elles gèrent des commissions d’admission en dehors du champ d’application de la loi de 2011.
« Les Palestiniens n’essaient pas de vivre dans les implantations des territoires… Je pense que l’importance de la loi dans les implantations n’existe presque pas ; l’importance existe en Israël [à proprement parlé] », a déclaré Raz.