Le raid à Naplouse compromet le sommet sur la sécurité organisé par les États-Unis
Ramallah menace de se retirer, ce qui pourrait causer l'annulation de la rencontre d'Aqaba car la Jordanie et l'Egypte refuseront d'y participer sans l'AP
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Un sommet régional israélo-palestinien sur la sécurité, organisé par la Maison Blanche, risque d’être annulé après le raid meurtrier de l’armée israélienne à Naplouse, a déclaré jeudi une source palestinienne au fait de la question.
La réunion des hauts responsables d’Israël, de l’Autorité palestinienne (AP), des États-Unis, de la Jordanie et de l’Égypte est prévue pour dimanche dans la station balnéaire jordanienne d’Aqaba, a indiqué la source, confirmant un article publié sur le site d’information Axios.
L’incursion de l’armée israélienne à Naplouse mercredi, à la suite de laquelle des échanges de tirs ont fait 11 morts palestiniens, dont plusieurs civils, a suscité une colère généralisée dans le monde arabe, compromettant ainsi la tenue de la conférence.
L’Autorité palestinienne, qui a appelé le Conseil de sécurité à assurer la protection de la population palestinienne en Cisjordanie, menacerait à présent de ne pas participer au sommet, selon la source palestinienne. Cette dernière a ajouté que la Jordanie et l’Égypte avaient indiqué qu’elles feraient de même, ce qui compromettrait la rencontre.
Un responsable américain a refusé tout commentaire sur l’éventuelle annulation du sommet. Les responsables Jordaniens et Egyptiens n’ont pas pu être joints et il n’y a eu aucune réaction officielle du côté israélien.
L’objectif du sommet est de renforcer la coopération israélo-palestinienne en matière de sécurité et de consolider les accords passés en début de semaine concernant les mesures que les deux parties pourraient prendre pour désamorcer les tensions, a déclaré la source bien placée.
La campagne antiterroriste israélienne menée en Cisjordanie depuis près d’un an a fait plus de 200 morts parmi les Palestiniens, la grande majorité lors d’affrontements avec les troupes israéliennes, mais certains lors de circonstances plus contestables, dont 60 depuis le début de l’année, fragilisant ainsi des liens déjà tendus. La campagne a été lancée l’année dernière pour endiguer une série d’attaques meurtrières contre des Israéliens, au cours desquelles 31 personnes ont été tuées en 2022. Rien que cette année, 11 personnes ont été tuées dans des attentats terroristes palestiniens à Jérusalem-Est, 10 civils et un agent de la police des frontières.
Ramallah est censé envoyer une délégation dirigée par le ministre des Affaires intérieures de l’AP et secrétaire général de l’OLP, Hussein al-Sheikh, aux côtés du chef des services de renseignement de l’AP, Majed Faraj, et de Majdi Khaldi, principal conseiller diplomatique du président de l’AP, Mahmoud Abbas, a indiqué la source. Israël sera représenté par le président du Conseil national de sécurité, Tzachi Hanegbi. Le coordinateur du Conseil national de sécurité des États-Unis pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, et la secrétaire adjointe aux affaires proche-orientales, Barbara Leaf, devraient représenter l’administration du président Joe Biden.
Une ligne de communication secrète a été établie entre Al-Sheikh et Hanegbi, les contacts officiels entre Jérusalem et Ramallah étant essentiellement gelés. Malgré la ligne dure de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Abbas a chargé al-Sheikh de maintenir une voie de communication discrète avec Jérusalem, afin de garder le contact et d’éviter une nouvelle détérioration des liens. Le canal secondaire s’est avéré très résistant durant cette période de crise, et al-Sheikh et Hanegbi ont tenu plusieurs réunions en personne et virtuelles, a déclaré lundi un responsable palestinien.
La source palestinienne a ajouté que le raid de mercredi à Naplouse avait accru la pression sur cette voie de communication, mais selon la source, Ramallah finirait par accepter de participer au sommet d’Aqaba dimanche.
Le raid visait une escouade appartenant au groupe armé de la Fosse aux lions à Naplouse.
Outre les trois membres visés de la Fosse aux lions, plusieurs autres hommes armés palestiniens ont également été tués au cours des échanges de tirs nourris qui ont éclaté. Le bilan comprend également trois civils âgés de 61, 66 et 72 ans, selon le ministère palestinien de la Santé. Cette opération de Tsahal en Cisjordanie est celle qui a fait le plus grand nombre de morts parmi les Palestiniens depuis que les Nations unies ont commencé à recenser ces données en 2005.
Le raid a suscité une série de réactions internationales, notamment de la part des participants potentiels au sommet, à savoir la Jordanie, l’Égypte et les États-Unis.

Le but de la conférence est de formaliser l’accord israélien visant à geler l’expansion de nouvelles implantations pendant plusieurs mois, ainsi que de réduire les raids de Tsahal dans les villes palestiniennes et les démolitions ou expulsions de Palestiniens de leurs maisons pour la même période. Selon la source palestinienne, Ramallah serait furieuse qu’aucun de ces engagements n’ait été respecté cette semaine et exigerait que les États-Unis fassent pression sur Israël pour qu’il adhère à l’accord.
Ce sont les promesses des États-Unis sur leur capacité à limiter les actions israéliennes en Cisjordanie qui ont convaincu l’AP de retirer son soutien à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant l’arrêt immédiat des implantations. Les États-Unis ont accepté de soutenir une déclaration présidentielle plus symbolique condamnant les implantations. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a également indiqué à Mahmoud Abbas, au cours du week-end, qu’il serait invité à rencontrer le président américain Joe Biden à la Maison Blanche, une invitation qui n’a pas encore été faite à Netanyahu.
Abbas, de son côté, a également accepté d’adopter un plan soutenu par les États-Unis visant à renforcer la présence sécuritaire de l’AP dans le nord de la Cisjordanie, où un certain nombre de groupes terroristes ont réussi à s’implanter, et ce, dû à l’affaiblissement de l’AP. Selon Israël, ce serait justement l’incapacité de l’AP à maîtriser les organisations terroristes qui l’a contraint à envoyer ses propres forces dans les villes du nord de la Cisjordanie. Ramallah a rétorqué que ces raids de Tsahal n’ont fait que nuire à la légitimité de l’Autorité palestinienne et à sa capacité de réprimer les groupes armés.
Le plan de sécurité américain pour le nord de la Cisjordanie devrait être affiné par les parties à Aqaba, selon la source palestinienne.
La Maison-Blanche a refusé tout commentaire au sujet de la conférence, mais le porte-parole américain, Karine Jean-Pierre, a déclaré jeudi que McGurk se trouvait actuellement au Moyen-Orient « avec une délégation interagences pour une série d’engagements diplomatiques » et que son voyage comprendrait des arrêts en Égypte, en Jordanie, à Oman et aux Émirats.