Le Royaume-Uni adopte une large définition de l’antisémitisme pour le combattre
L’objectif est de définir clairement l'antisémitisme pour mieux le combattre légalement.

Le Royaume-Uni sera l’un des premiers pays au monde à adopter une définition internationale de l’antisémitisme pour lutter contre les crimes de haine et les incitations à la haine et à la violence, ciblant les juifs, qui sont en hausse depuis le début de l’année.
Lundi, dans des extraits publiés avant le discours que va prononcer la Première ministre britannique, Theresa May, on lit que « cela signifie qu’il y aura une définition unique de l’antisémitisme, dans son essence, ses actes ou des paroles qui montrent de la haine envers les Juifs parce qu’ils sont Juifs. Et quiconque sera coupable de cela sera poursuivi », rapporte Reuters.
« Il est inacceptable que l’antisémitisme existe dans ce pays. Il est encore plus grave que les incidents soient en hausse. En tant que gouvernement, nous passons un cap et adoptons cette mesure qui est une étape décisive », est-il écrit. Il n’a pas été précisé quand ce discours devait être prononcé.
La définition adoptée par le Royaume-Uni a été formulée cette année par l’Alliance internationale pour le souvenir de l’Holocauste (IHRA), une agence intergouvernementale de 31 pays occidentaux. Elle est conçue dans le but de compliquer la possibilité de fuir les répercussions de comportement discriminatoire ou partial à cause d’un manque de précision ou d’opinions divergentes de ce que constitue l’antisémitisme.
L’intention était de « garantir que les coupables ne peuvent pas échapper à leur antisémitisme parce que le terme est mal défini, ou parce que différentes organisations ou institutions en ont des interprétations différentes », a déclaré Downing Street dans un communiqué cité par le Guardian.
La définition de l’IHRA est la suivante : « l’antisémitisme est une certaine perception des juifs, qui peut être exprimée comme une haine dirigée envers les juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme sont dirigées contre des individus juifs ou non juifs ou contre leur propriété, les institutions communautaires juives et les locaux religieux. »
Selon la définition, « les manifestations peuvent inclure le ciblage de l’Etat d’Israël, conçu comme une collectivité juive. Cependant, la critique d’Israël similaire à celle portée contre d’autres pays ne peut pas être perçue comme antisémite. »
Elle a été adoptée en mai comme définition de travail non contraignante par le groupe de 31 états membres, dont le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, la France, l’Espagne et Israël.
Cette année, un groupe de veille avait noté une hausse de 11 % des actes antisémites sur les six premiers mois de l’année 2016 au Royaume-Uni.

Le Community Security Trust (CST) avait enregistré 557 actes antisémites pendant cette période, contre 500 au premier semestre 2015.
Ce total de 557 incidents est le deuxième plus haut que le CST n’a jamais enregistré pour la période courant entre janvier et juin. Le premier date du premier semestre 2009 où 629 incidents avaient été enregistrés.
Le premier semestre 2016 a également connu un débat clivant au Royaume-Uni sur le maintien ou la sortie du pays de l’Union européenne. La sortie l’a finalement emporté avec 52 % des voix lors d’un référendum organisé le 23 juin.
Selon les chiffres du CST et de la police, le Royaume-Uni a connu une hausse considérable des actes xénophobes suite au référendum, dont l’immigration était un thème central. A noter que les juifs n’ont pas été particulièrement ciblés par ces attaques après le vote.
La semaine dernière, un tribunal britannique a jugé un homme coupable de mener une campagne antisémite en ligne contre la députée juive Luciana Berger.
En octobre, une commission d’enquête parlementaire britannique avait maintenu les accusations contre la direction du Labour, qui ne s’attaque pas sérieusement à l’antisémitisme dans ses rangs.
Ce rapport avait suivi une attention médiatique intense autour du Labour. Les médias britanniques avaient rapporté des dizaines de cas impliquant des paroles antisémites ou anti-israéliennes par des membres du parti, dont des députés importants, fidèles à leur président, Jeremy Corbyn.
Portée constamment par les dirigeants de la communauté juive britannique suite à l’élection en 2015 de Corbyn à la tête du Labour, l’accusation a été réaffirmée dans un rapport cinglant intitulé « Antisémitisme au Royaume-Uni » et écrit par la commission spéciale des Affaires internes de la Chambre des Communes, la Chambre basse du Parlement britannique.
« L’absence de leadership [de Corbyn] constante sur ce sujet, et sa réticence à séparer l’antisémitisme des autres formes de racisme, a créé ce que certains ont appelé un ‘espace sûr’ pour ceux ayant de viles attitudes envers les juifs », pouvait-on lire dans le rapport, qui a été accepté à l’unanimité par les 11 députés qui l’ont écrit. Cinq d’entre eux sont des élus du Labour.

Le document était la première enquête importante sur l’antisémitisme au Labour sous la direction de Corbyn, un problème que le Conseil des représentants des juifs britanniques et d’autres organes communautaires ont accusé Corbyn de minimiser, et même de blanchir dans des enquêtes internes au parti.
A l’époque, le rapport de la commission avait appelé le Labour à adopter une définition de l’antisémitisme, à prendre des mesures plus strictes contre ceux qui faisaient des déclarations antisémites, et à former ses membres sur la différence entre la critique d’Israël et la propagation de l’antisémitisme, entre autres mesures.
Lundi, une porte-parole de Corbyn a annoncé que lui et le Labour acceptait la définition de l’IHRA.
« Jeremy Corbyn et le Labour partagent l’opinion que les paroles ou les comportements qui démontrent de la haine envers les juifs sont de l’antisémitisme, et sont répugnantes et inacceptables, comme toute autre forme de racisme », a déclaré la porte-parole.
JTA a contribué à cet article.