Le sexe, les affaires et les contrats des Juifs du Caire au Moyen Age exposés à Cambridge
L'exposition dévoile des dizaines de fragments qui racontent l'histoire des gens ordinaires vivant sous l'Islam au Moyen Âge
Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives

« Du poivre long, du galanga, du gingembre et l’aristoloche, une once de chacun [de ces ingrédients], de la cannelle et de l’anis, deux onces de chacun [de ces ingrédients], un clou de girofle et de la muscade, un quart d’once de chacun ». Ces ingrédients exotiques ne sont pas seulement destinés à épicer un plat mais aussi à améliorer la vie sexuelle d’un homme.
La recette aphrodisiaque, destinée au neveu de Saladin, le Sultan Omar, faisait partie d’un brouillon judéo-arabe écrit par Maimonides au 12ème siècle qui a été retrouvé au Caire. C’est l’un des fragments de textes de la Guenizah du Caire présentés dans une exposition qui sera inaugurée jeudi à l’université de Cambridge.
L’université abrite des milliers de fragments trouvés dans la Guenizah – un dépôt de textes sacrés abandonnés – à la fin du 19e siècle qui documentent un millénaire de la vie juive dans la métropole égyptienne.
« L’histoire abandonnée : la Guenizah du Caire médiéval » est l’une des plus grandes collections de fragments qui sera exposée, a déclaré l’université de Cambridge qui se propose de raconter l’histoire perdue des Juifs ordinaires.
Les 50 ou 60 fragments exposés pour les six prochains mois proposent aux visiteurs un aperçu de l’histoire à travers la vie des Juifs – des gens ordinaires – au Caire pendant la période médiévale. Ils traitent du mariage, de la mort, de l’amour, des affaires et du sexe.

La collection connue sous le nom de Guenizah du Caire comprend environ 320 000 fragments de parchemin et de papier qui ont été jetés au cours des siècles par la communauté juive, y compris des textes religieux, des contrats, des recettes, des amulettes magiques et des lettres. Certains ont été traduits en anglais pour l’exposition pour la première fois.
Selon la loi juive, les documents qui portent le nom de Dieu ne peuvent être détruits. Au lieu de cela, la communauté juive a fourré les papiers et les parchemins dans les trous du mur de la section des Femmes de la synagogue de Ben Ezra dans le quartier de Fustat. Le climat aride de l’Égypte a contribué à préserver ce trésor de documents dans la petite pièce de l’autre côté du trou jusqu’à ce qu’ils attirent l’attention des érudits européens au tournant du XXe siècle.
Parmi les points d’orgue de l’exposition figurent le papier d’un jeune élève qui apprenait l’alphabet hébraïque, avec des petits dessins griffonnés dans la marge. Il y a également un accord prénuptial datant du XIe siècle exigeant du futur marié indiscipliné de contrôler son comportement futur, des lettres et des traités écrits de la main de Maimonides.
On retrouve également l’un des premiers exemples connus de contrat de fiançailles, datant du 12e siècle, pour s’assurer que les mariées ne seraient pas enfermées dans un mariage si leur mari venait à disparaitre pendant un voyage à l’étranger.

Le but de l’exposition était de montrer aux visiteurs la richesse de la vie juive au Moyen Âge, lorsque la grande majorité de la population juive mondiale vivait sous l’islam, a expliqué Ben Outhwaite, responsable de l’unité de recherche Genizah et co-conservateur de l’exposition, au Times of Israël.
Il a déclaré que c’était un défi de sélectionner des éléments des « matériaux colossaux » mis à disposition de l’université et de les présenter de manière convaincante à un public.
« Nous ne voulions pas dépeindre une image d’une utopie interconfessionnelle heureuse, où les Juifs vivaient joyeusement sous l’islam sans problème, d’autre part, nous ne voulions pas dépeindre l’image, populaire auprès d’une partie de la presse de la droite dans ce pays, qui par exemple, à l’image du dhimmi, souffrait de l’oppression du gouvernement cruel musulman », a-t-il déclaré.
« Ce serait une erreur d’imposer un récit simple », a affirmé Outhwaite.
Ces deux représentations pourraient avoir été vraies à différentes périodes et endroits, mais il appartient aux visiteurs de décider en voyant la vie des Juifs de Caire à travers leurs propres mots.
L’Histoire abandonnée : la Guenizah du Caire médiéval est ouverte au public à la bibliothèque de l’université de Cambridge jusqu’au 28 octobre 2017.