Le suivi des malades par le Shin Bet doit être légiféré, estime la Cour suprême
La Haute Cour a statué que les services de sécurité ne pourraient pas continuer à utiliser des données de localisation téléphoniques après jeudi, à moins d'une loi à la Knesset

La Haute Cour de justice a statué dimanche que le travail de géolocalisation mené par le Shin Bet pour suivre les déplacements des porteurs du coronavirus à partir des données transmises par les téléphones cellulaires devait cesser, à moins que cette pratique hautement controversée ne soit ancrée dans la loi.
Néanmoins, le panel de trois juges, avec à sa tête la présidente de la Cour suprême Esther Hayut, a accordé au gouvernement le droit d’approuver une prolongation de cette surveillance pour les prochaines semaines à condition qu’un processus législatif soit amorcé. De plus, la loi devra permettre aux journalistes de protéger leurs sources en empêchant leurs données téléphoniques d’être transmises au Shin Bet, des exceptions pouvant être traitées au cas par cas, selon les magistrats.
Au cours des dernières semaines, l’agence de sécurité intérieure a travaillé en collaboration avec le ministère de la Santé dans le cadre d’un programme controversé consistant à suivre les déplacements des personnes atteintes par le coronavirus en utilisant les données issues des téléphones cellulaires et des cartes de crédit à sa disposition – une pratique qui n’est habituellement autorisée que dans la lutte anti-terroriste.
Ce jugement a été rendu à la suite de plaintes déposées par des groupes de défense des droits humains contre cette surveillance de masse, laquelle avait été temporairement autorisée par des ordonnances d’urgence dans un contexte de campagne de lutte contre l’épidémie qui a d’ores et déjà fait 202 morts dans le pays et infecté des milliers de personnes.
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Au-delà du 30 avril, lorsque le système de suivi sera soumis une nouvelle fois à approbation, « il sera nécessaire de l’ancrer dans le cadre d’une première législation appropriée, par exemple une ordonnance temporaire », ont écrit les juges, ce qui signifie que la loi devra contenir un délai d’expiration.
Ce programme « contrevient gravement au droit constitutionnel à la vie privée et il ne faut pas le prendre à la légère », a continué la cour.
« Le choix d’utiliser l’organisation de sécurité préventive de l’État pour contrôler ceux qui ne tentent pas de nuire à ce dernier, sans le consentement des personnes qui font l’objet d’une surveillance, représente une grande difficulté, et il faut trouver une autre alternative adaptée qui répondra aux principes de la protection de la vie privée », ont souligné les juges.
Une loi formalisant la surveillance par le biais des téléphones portables doit comprendre une clause stipulant que les journalistes testés positifs au virus disposeront de 24 heures pour demander une ordonnance auprès de la cour contre la transmission de leurs données téléphoniques au Shin Bet dans le but de pouvoir protéger leurs sources, ont poursuivi les magistrats.
Les journalistes contaminés devront en échange s’engager à en avertir personnellement toutes les sources avec lesquelles ils ont été en contact au cours des deux semaines qui ont précédé le diagnostic.
« La liberté de la presse et la protection des sources journalistiques sont importantes dans une période de crise nationale », a rappelé la Cour suprême.

Les plaintes contre cette surveillance ont été déposées par l’Association des droits civils en Israël, l’organisation d’aide juridique Adalah, le militant des droits humains et avocat Shahar Ben-Meir, et le syndicat des journalistes en Israël. Les plaignants clamaient que ce suivi des malades contrevenait aux droits fondamentaux relatifs à la dignité humaine et à la liberté alors que l’État n’a cessé d’affirmer que cette mesure était nécessaire pour sauver des vies, a rapporté Haaretz.
Selon un reportage diffusé samedi par la Douzième chaîne, le programme est considéré comme une réussite en raison de l’identification rapide des personnes ayant été contact avec un porteur du virus, même s’il y a encore un espoir de trouver un système alternatif.
Le ministre de l’Énergie, Yuval Steinitz, est à la tête d’une commission dont les travaux se consacrent à cette question et qui s’intéresse, entre autres, aux programmes mis en place par les autres pays dans la lutte contre la propagation de la maladie.
Le Shin Bet a souligné que son programme n’était utilisé que dans le cadre du combat contre la pandémie. Le mandat de l’agence de sécurité devrait expirer à la fin du mois, même si le reportage a expliqué qu’il pourrait avoir l’autorisation de maintenir le suivi des citoyens « jusqu’à la fin de l’urgence » – même s’il est impossible de dire pour le moment sur quels critères cette dernière pourrait être définie.
Sous les dispositions des réglementations d’urgence du gouvernement, le service de sécurité ne sera pas autorisé à continuer à utiliser les données à la fin du programme, même si le ministère de la Santé pourra, pour sa part, exploiter les informations pendant 60 jours supplémentaires à des fins de recherches et sans doute pour reconstituer le parcours suivi par le virus à travers la population.
Cette surveillance vise à informer et à placer en quarantaine toute personne s’étant trouvée dans un périmètre de deux mètres pendant dix minutes ou plus d’un malade du coronavirus dans les 14 jours qui ont précédé.
La commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset a finalement décidé la semaine dernière de ne pas établir de législation distincte permettant à la police d’utiliser la technologie de suivi des appels téléphoniques pour faire appliquer les ordres de maintien à domicile des personnes mises en quarantaine.
Gabi Ashkenazi, député de Kakhol lavan à la tête de la commission, a indiqué dans une déclaration après la réunion que les membres avaient émis de sérieuses réserves sur la formulation du projet de loi qui aurait permis à la pratique de continuer et que les représentants gouvernementaux présents avaient accepté de « réexaminer la formulation de la législation proposée ».