L’économie israélienne encaisse le choc d’un conflit sans précédent
Le manque d'activité mais surtout de main d'oeuvre rongent les entreprises - de l'industrie à la high-tech
Lorsque la sirène d’alerte à la roquette retentit dans la vaste halle de production, les ouvriers n’ont qu’une poignée de secondes pour rejoindre l’abri. Presque une routine dans cette usine du sud d’Israël, à portée de tirs de roquette émanant des groupes terroristes palestiniens de la bande de Gaza.
Comme l’ensemble de l’économie nationale, le groupe Rav-Bariach tente de s’adapter à une situation de guerre sans commune mesure avec les précédents conflits israélo-palestiniens.
« Dans les premières semaines de la guerre, les alertes étaient beaucoup plus nombreuses », explique Ravid Brosh, responsable du développement international du groupe, dans l’une des salles sécurisées de l’usine où l’alerte est levée après quelques minutes.
L’abri opaque est équipé des produits conçus sur place : Rav-Bariach est le principal fabricant israélien de portes blindées, coupe-feu, de protection, et de serrures, qu’il fournit pour des résidences privées comme des ministères ou ambassades à travers le pays.
Avoir son siège et son usine phare à Ashkelon, ville côtière de quelque 150 000 habitants, n’est pas anodin. Le site du groupe est situé à moins de dix kilomètres de la bande de Gaza.
Des roquettes sont tirées régulièrement par le mouvement terroriste islamiste palestinien Hamas ou ses alliés vers le sud d’Israël et interceptées par le bouclier antimissile « Dôme de fer ». Leurs débris causent souvent des dégâts et font parfois des blessés.
Appelés et déplacés
L’un d’eux a atterri, le 10 octobre, sur la passerelle surplombant les ateliers de production, après avoir traversé le plafond. « Cela fait partie de notre réalité », explique Idan Zu-Aretz, PDG de l’entreprise.
Au quotidien, c’est surtout le manque de main d’œuvre qui perturbe le plus l’activité de l’entreprise depuis le début de la guerre déclenchée par des massacres menés par une horde de terroristes du Hamas et de civils gazaouis sur le territoire israélien le 7 octobre.
« Il nous manque des bras. Certains employés ont été recrutés dans l’armée, d’autres ont été déplacés dans d’autres régions pour des raisons de sécurité », constate Idan Zu-Aretz, qui estime fonctionner avec 60 à 65 % de son personnel habituel sur ce site, comptant quelque 600 employés en temps normal.
Au-delà des plus de 360 000 réservistes mobilisés selon des chiffres officiels, au moins 200 000 Israéliens ont été contraints de quitter leurs domiciles dans le sud d’Israël, ou au nord, à la frontière avec le Liban, une zone touchée chaque jour par des échanges de tirs entre l’armée israélienne et le groupe terroriste du Hezbollah, allié du Hamas.
Si la société et l’économie israéliennes sont habituées aux crises, « tous les conflits israélo-arabes des dernières années étaient relativement mineurs par rapport à celui d’aujourd’hui », note M. Bental.
Anxiété ambiante
Certains secteurs souffrent plus que d’autres : « celui de la construction est à l’arrêt », note-t-il. Il employait de nombreux travailleurs palestiniens dont les permis de travail ont été annulés en raison du conflit et les Arabes israéliens « ne sont plus les bienvenus sur les chantiers en Israël ».
Le secteur de l’hôtellerie-restauration est, lui, plombé par le moral en berne des consommateurs. Signe de l’anxiété ambiante, peu après l’attaque du Hamas, le volume des transactions par carte de crédit a chuté de 10 % dans le pays, et jusqu’à 20 % après le début de l’opération militaire à Gaza le 27 octobre.
La capacité de résistance de la puissante branche de la tech israélienne, qui compte pour 18 % du PIB, sera déterminante. Dans une enquête menée fin octobre auprès de 500 entreprises du secteur, 70 % ont déclaré des commandes et projets importants annulés ou reportés depuis le début de la guerre.
Alors que beaucoup d’instituts économiques ont sabré leurs prévisions de croissance pour 2023 et 2024, la banque nationale d’Israël fait preuve d’un relatif optimisme tablant pour l’an prochain sur une croissance du PIB de 2,8 %.
« Il y a beaucoup de conditionnel dans les scénarios. Une extension du conflit dans le nord d’Israël changerait totalement la donne », prévient pourtant Benjamin Bental.
Et alors que la guerre va entraîner des milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour le budget de l’Etat, 300 économistes israéliens de renom ont interpellé le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans une lettre ouverte, fin octobre.
Ils lui ont demandé des mesures urgentes, lui reprochant de ne pas « comprendre l’ampleur de la crise économique à laquelle l’économie israélienne est confrontée ».