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Légalisation du cannabis et nationalisme juif, le programme de Moshe Feiglin

Chef emblématique de droite, Moshe Feiglin surfe sur une vague d'engouement des électeurs pour son programme pro-cannabis, mais ils pourraient être surpris par ailleurs

Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Le président de Zehut, Moshe Feiglin, s'exprime lors d'une manifestation organisée après l'assassinat d'Ori Ansbacher, 19 ans, sur la place Rabin à Tel Aviv, le 9 février 2019. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
Le président de Zehut, Moshe Feiglin, s'exprime lors d'une manifestation organisée après l'assassinat d'Ori Ansbacher, 19 ans, sur la place Rabin à Tel Aviv, le 9 février 2019. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Lors des élections de 2009, le parti « Holocaust Survivors and Grown-Up Green Leaf » – une fusion entre une ramification du parti pro-marijuana Aleh Yarok et, oui, des survivants de la Shoah – avait été largement considéré comme une blague.

Promettant de légaliser le cannabis et, séparément (peut-être), d’améliorer les services publics et les droits des retraités ayant survécu aux atrocités nazies, l’union improbable fut créée pour aider chacune de ses composantes à atteindre le seuil électoral de 2 % à l’époque.

Le parti avait obtenu 2 346 voix, soit seulement 0,07 % du total des suffrages exprimés, loin d’être suffisant pour sortir de l’ombre et se hisser sur le devant de la scène nationale.

Dix ans plus tard, alors qu’il ne reste plus qu’un mois avant les élections de 2019, les fumeurs d’herbe font à nouveau équipe avec des acolytes inattendus dans un effort audacieux d’entrée à la Knesset. Mais cette fois, leurs grands espoirs ne s’envoleront peut-être pas en fumée, sans mauvais jeu de mots.

Le président de Zehut, Moshe Feiglin, s’exprime lors d’une manifestation organisée après l’assassinat d’Ori Ansbacher, 19 ans, sur la place Rabin, Tel Aviv, le 9 février 2019. (Tomer Neuberg / Flash90)

Le parti Aleh Yarok ne se présentant pas aux élections nationales pour la première fois en 20 ans, les partisans de la légalisation du cannabis se sont tournés en masse vers le parti nationaliste et quasi-libertaire Zehut, dirigé par l’ancien député Likud et idéologue de droite Moshe Feiglin, qui a fait de la légalisation de la marijuana un élément clé de son programme radical et iconoclaste.

Avec le soutien de l’humoriste et militant de la légalisation Gadi Wilcherski, qui rejoint Feiglin lors de la plupart des événements de Zehut, le parti présente un vaste plan pour « mettre fin à la persécution des consommateurs de cannabis » par « la légalisation complète et réglementée du cannabis, basée sur les restrictions sur la vente de l’alcool et sur les restrictions déjà en vigueur là où le cannabis est légal ».

Gadi Wilcherski lors du lancement de la campagne électorale de Zehut à Tel Aviv, le 30 janvier 2019. (Flash90)

Alors que de nombreux sondages (dont un réalisé pour le Times of Israel) ont d’abord ignoré Zehut dans le but de simplifier les sondages pour les électeurs confrontés à un nombre record de 46 partis en lice, un récent engouement pour le parti, en partie dû à son programme de légalisation du cannabis, a obligé tant les instituts de sondage que les experts à le prendre en compte. Alors que plusieurs partis en place approchent dangereusement du seuil de 3,25 %, Zehut a commencé à émerger de la brume électorale comme un candidat ayant de réelles chances d’obtenir des sièges à la Knesset.

Selon les sondages publiés dans les quotidiens Haaretz et Israel Hayom dimanche, Zehut entrera à la Knesset, alors que Yisrael Beytenu et le parti Gesher de la députée Orly Levy-Abekasis ne le feront pas. Un troisième sondage, publié dans Yedioth Ahronoth, a placé le parti de Feiglin tout près du seuil avec 3,1 % des voix.

Feiglin, un outsider politique qui a lutté pendant des décennies pour obtenir la reconnaissance du grand public, pourrait devenir un faiseur de rois après les élections s’il réussit à surfer sur la vague qui le soutient jusqu’au Parlement israélien.

S’exprimant sur la Douzième chaîne dimanche soir au sujet de sa popularité croissante, l’intéressé a déclaré que la pleine légalisation du cannabis serait sa condition pour entrer dans une coalition, qu’elle soit dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu ou par son principal rival, Benny Gantz.

Avec l’auto-glorification qui le caractérise, il a déclaré : « je ne suis dans la poche de personne. J’irai là où nous pouvons avoir le plus d’impact. Nous avons l’œil sur les ministères des Finances et de l’Éducation, où nous serons en mesure de mettre en œuvre notre programme ».

D’abord en tant que fondateur du mouvement de protestation Zo Artzeinu, qui espérait empêcher les accords d’Oslo de 1993 en bloquant la circulation à travers Israël, l’activité publique de Feiglin au cours des 25 dernières années a été définie par une insistance tenace à prendre des positions politiques plus qu’impopulaires. Mieux connu pour son plaidoyer agressif en faveur des implantations en Cisjordanie et ses déclarations parfois incendiaires – ce qui lui a valu d’être privé par Netanyahu d’une 20e place réaliste sur la liste électorale du Likud en 2009 et de se voir interdire l’accès au Royaume-Uni – il a toujours préféré le purisme idéologique au pragmatisme populiste.

Ne parvenant pas à trouver une place réaliste sur la liste du Likud avant les élections nationales de 2015 (après avoir finalement réussi à entrer à la Knesset avec le parti pour la première fois seulement deux ans auparavant), Feiglin avait quitté le parti au pouvoir pour former son propre « mouvement politique », qui à l’époque allait « changer le visage de la politique israélienne ».

Et il y a beaucoup de choses que Feiglin veut changer.

Au-delà de la légalisation de la marijuana, le programme de 344 pages du parti présente un vaste ensemble de politiques libertaires comprenant des promesses de réorganisation du système éducatif israélien pour ressembler au programme américain de chèque d’éducation, l’introduction de politiques économiques agressives de libre marché et la suppression des cartes d’identité biométriques récemment introduites.

Dans le même temps, ses politiques économiques et sociales s’accompagnent d’un puissant – et pas si libertaire – parfum de dogme religieux et nationaliste.

Feiglin est un opposant farouche à un état palestinien, soutient la construction d’un troisième Temple à Jérusalem, s’est demandé pourquoi les citoyens non-juifs d’Israël ont leur mot à dire dans la politique israélienne et a appelé à priver les Arabes israéliens de certains droits.

Au début des années 2000, Feiglin a d’abord tenté d’influencer la politique israélienne avec une croisade brutale pour s’emparer du Likud via sa faction d’extrême droite Manhigut Yehudit (leadership juif). Le groupe cherchait à prendre pied au sein du vénérable parti de droite afin de « rendre le pays au peuple et de diriger l’Etat d’Israël par des valeurs juives authentiques ».

A Likud supporter carries a poster of far-right party member Moshe Feiglin (Uri Lenz/Flash90)
Un militant du Likud porte une affiche de Moshe Feiglin, membre d’extrême droite du parti. (Uri Lenz/Flash90)

Feiglin, qui a depuis renoncé au Likud, semble toujours chercher à atteindre le même objectif, aujourd’hui à travers Zehut. Parmi ses politiques libertaires se cachent un certain nombre de propositions paradoxales qui ouvriraient la voie à un accroissement considérable de la coercition religieuse en Israël.

Feiglin, par exemple, propose de supprimer le contrôle du Grand Rabbinat sur divers aspects de la vie civile. Répondant à des questions au sujet d’une affirmation publique passée selon laquelle il était un « fier homophobe », il dit avoir aujourd’hui adouci sa position, « ne déteste personne à cause de qui il aime », et croit que l’État ne devrait avoir aucune influence sur la façon dont les gens se marient.

Paradoxalement, son programme stipule que « les institutions de l’Etat doivent être attachées à la loi et à la tradition juives » et que seules les conversions juives orthodoxes et les courants du judaïsme devraient être reconnus par elles.

Interrogé dimanche par la Douzième chaîne sur le fait de savoir si, en déclarant qu’il rejoindrait une coalition dirigée par le parti centriste Kakhol lavan de Gantz, il pourrait atténuer son opposition à l’abandon du contrôle israélien sur certaines parties du Grand Israël, Feiglin a répondu simplement : « De toute évidence, notre opposition à ce que vous appelez un état palestinien est absolue et notre loyauté envers la Terre d’Israël est absolue ».

Ce que Feiglin n’a pas dit, c’est que le programme de Zehut demande spécifiquement des mesures pour annexer toute la Cisjordanie, encourager les Palestiniens à quitter les territoires, déplacer les installations gouvernementales au mont du Temple à Jérusalem et restreindre l’autorité de la Cour suprême et du procureur général.

Moshe Feiglin, le dirigeant de Zehut, prononce une allocution lors de l’ouverture de la campagne du parti à Tel Aviv, le 30 janvier 2019. (Flash90)

Dans un entretien accordé au Times of Israel en janvier, alors que Zehut lançait la toute première élection primaire israélienne ouverte au public, Feiglin a affirmé qu’il n’y avait aucune contradiction dans sa vision du monde : « Je ne suis pas libertaire, je suis juif », a-t-il dit. « Le concept de liberté vient de mon judaïsme. »

Plutôt qu’un méli-mélo de propositions politiques disjointes, le programme de son parti est, en fait, « une vision sociologique entièrement nouvelle » pour le peuple juif qui « parle aux vastes cercles de la société israélienne », a-t-il affirmé.

Tout en continuant à défendre les vues intransigeantes qui ont fait de lui une star auprès des jeunes résidents des implantations anti-étatiques, Feiglin espère qu’un public très différent va maintenant prendre la parole. Fort de sa politique pro-marijuana, il se peut que les résultats soient supérieurs à ses attentes.

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