L’élection finie, Mandelblit enclenche le processus d’audition de Netanyahu
Les avocats du chef du gouvernement recevront jeudi les preuves incriminant ce dernier afin qu'ils préparent sa défense dans des affaires de corruption présumée

Les avocats de Benjamin Netanyahu recevront jeudi les preuves mettant en cause le Premier ministre dans les affaires de corruption pesant sur lui. Ils se préparent en effet aux auditions préalables à une inculpation devant se tenir dans les trois prochains mois.
Netanyahu fait figure de suspect dans trois enquêtes criminelles, désignées par la police Affaires 1 000, 2 000 et 4 000, pour lesquelles les enquêteurs ont recommandé une mise en examen pour corruption.
Le procureur général Avichai Mandelblit a annoncé en février qu’il comptait inculper Benjamin Netanyahu dans les trois affaires, au terme d’auditions préalables.
Invoquant des craintes de fuite dans la presse des preuves contre le président du Likud en pleine campagne électorale, ses avocats avaient demandé au magistrat de suspendre le processus d’audition et de ne pas leur transmettre les preuves en question, même si cela retarde leur préparation.
L’élection désormais finie, les avocats du chef du gouvernement viennent d’être convoqués par le bureau du procureur général au ministère de la Justice jeudi afin de recevoir les dossiers nécessaires à la préparation de la défense de leur client.
Avichai Mandelblit a fait savoir que les auditions auront dans les trois mois suivant le jour de l’élection.

Le Premier ministre a toujours nié tout acte répréhensible dans les trois affaires et dénoncé les enquêtes menées contre lui comme relevant d’une « chasse aux sorcières » impliquant la gauche, les médias et la police, faisant pression sans relâche sur un procureur général « faible » qui partage leur objectif.
Dans l’Affaire 1 000, qui implique des cadeaux et des avantages dont aurait bénéficié Netanyahu de la part de bienfaiteurs milliardaires – et notamment du producteur de Hollywood né en Israël Arnon Milchan – en échange de faveurs diverses, Mandelblit a fait savoir qu’il avait l’intention d’inculper Netanyahu pour fraude et abus de confiance.
Dans l’Affaire 2 000, dans laquelle le président du Likud est accusé d’avoir tenté de conclure un accord de compromis avec le propriétaire du journal Yedioth Ahronoth, Arnon Mozes, pour affaiblir une publication rivale contre une couverture plus positive des actions du Premier ministre dans le Yedioth, Mandelblit réclamera l’inculpation de Netanyahu pour fraude et abus de confiance et celle de Mozes pour pots-de-vin.
Dans l’Affaire 4 000 – considérée comme la plus grave – le Premier ministre est accusé d’avoir prôné des décisions de régulation qui auraient profité à Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire du géant des télécommunications Bezeq, pour des centaines de millions de dollars en échange d’une couverture positive de ses actions sur le site d’information Walla. Dans ce dossier, Mandelblit a fait savoir qu’il voulait inculper les deux hommes pour pots-de-vin.
De nouveaux soupçons sont aussi nés au sujet d’un possible conflit d’intérêt lié à des accords d’affaires restés secrets, en lien avec un fabricant naval allemand à qui Israël avait acheté des sous-marins. Ces acquisitions ont fait l’objet de l’enquête appelée Affaire 3 000, qui implique plusieurs proches conseillers de Netanyahu mais pas le Premier ministre lui-même.
Les spéculations vont bon train sur le fait que Netanyahu pourrait utiliser sa nouvelle force politique pour prôner une législation qui lui accorderait l’immunité judiciaire pendant toute la durée de son mandat. Il aurait conditionné l’entrée dans sa nouvelle coalition gouvernementale au soutien des partis à ce qu’on qualifie de « loi française », un texte qui protégerait de toutes poursuites judiciaires un Premier ministre en exercice.

Le député David Bitan (Likud), lui aussi sous le coup d’une enquête, avait défendu un projet de loi pour protéger les Premiers ministres en exercice de toute mise en examen pendant leur mandat.
Le député Bezalel Smotrich, numéro deux de l’Union des partis de droite, a pour sa part proposé un projet de loi, au début du mois de mars, qui donnerait aux parlementaires plus de pouvoir pour bloquer des accusations à l’encontre de membres élus de la Knesset – et notamment à l’encontre du Premier ministre.
Netanyahu lui-même a affirmé qu’il avait rejeté de telles initiatives visant à le protéger, affirmant devant les caméras de la Douzième chaîne, fin mars, que « les faits eux-mêmes » le disculperaient.
« Tout sera expliqué lors de l’audience. Je n’ai pas encore prononcé un mot pour ma défense, un seul mot… Ce ne sont que des balivernes », avait-il assuré.
Alors que jamais un Premier ministre en exercice n’a été aussi proche d’une inculpation, Netanyahu n’est pas dans l’obligation, à ce stade, de démissionner. Au cours de son audience, il pourra plaider son cas avant que des inculpations officielles ne soient prononcées.
De plus, selon un texte de loi existant, les membres de la Knesset peuvent obtenir l’immunité si une majorité de parlementaires sont convaincus que l’accusé a été traité de manière inéquitable et que les accusations sont basées sur une discrimination ou qu’elles relèvent de la mauvaise foi, au sens juridique du terme.
« La Knesset peut lui accorder l’immunité si elle est persuadée qu’il est la victime d’une vendetta – comme il le pense », avait commenté un juriste, Mordechai Kremnitzer, à la fin de l’année dernière, interrogé par le Times of Israel.