Les agriculteurs se tournent vers WhatsApp pour vendre leurs produits
Vous voulez des asperges ? des herbes 100 % bio ? Plein de produits sont à vendre – et se trouvent en abondance – pendant la crise du coronavirus

Alors qu’Adi Cohen gare sa voiture, en cette journée de lundi, aux abords d’un petit centre commercial du quartier d’Arnona, à Jérusalem, un groupe de résidents se tient déjà là, attendant de récupérer des commandes d’asperges.
Et quelles asperges ! 1,5 kilo de jeunes asperges tendres, fines comme un crayon, au prix de 50 shekels et cultivées par son époux, Sagi Cohen, au moshav Prazon, dans la vallée de Jezréel.
Ces asperges étaient destinées aux hôtels et aux restaurants d’Israël, explique Sagi, issu d’une famille d’agriculteurs depuis trois générations dans le moshav, niché dans le nord d’Israël, entre Afula et Beit Shean.
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Mais les hôtels et les restaurants du pays sont dorénavant fermés.
« Tout est bloqué pour nous avec cette histoire de coronavirus », s’exclame Cohen. « L’espace aérien est fermé, il n’y a plus de vols et nous, on envoie tous nos légumes par avion, pas par bateau. L’Europe vient de fermer et les hôtels là-bas aussi. Et nous, on se retrouve avec tous ces produits », déplore-t-il.

La famille Cohen a donc décidé de faire ce que de nombreux agriculteurs ont déjà fait ces dernières semaines : les vendre eux-mêmes sur le marché israélien.
« On a décidé de faire de la pub sur Facebook », dit-il. « C’était, semble-t-il, la solution la plus évidente. »
En une seule journée, ce sont 30 000 demandes d’asperges qui ont afflué via Facebook et 20 000 grâce à WhatsApp et autres applications.
Dorénavant, le couple Cohen et ses enfants arpentent le pays au volant de leur voiture pour être à même de livrer leurs précieuses tiges vertes et odorantes avant le seder de Pessah, mercredi soir.
« Cela a été un étonnant effort de ralliement de la part des gens, dans tout Israël », ajoute-t-il. « Et vraiment, on ne pourra pas remercier suffisamment tout le monde. Ils nous ont véritablement aidés », se réjouit-il.
Les ventes des asperges ont aidé, bien que les herbes aromatiques cultivées dans l’exploitation – qui en vend environ 1 000 tonnes par an – partiront à la poubelle, regrette Cohen.
« Ce sont des années de travail qui sont anéanties », estime-t-il.
Quand le coronavirus est devenu une menace bien réelle au sein de l’Etat juif, le gouvernement a fermé les écoles et les lieux de travail. L’industrie du tourisme, dont font partie les restaurants et les cafés, ainsi que les cultivateurs israéliens n’étaient pas prêts à encaisser le choc.
Tandis que de nombreux agriculteurs vendent leurs produits par le biais des exportations depuis Israël, « on se retrouve seuls » aujourd’hui, dit Cohen. « Nous sommes tous supposés nous sauver nous-mêmes. »
C’est ce qu’un grand nombre d’Israéliens ont fait, cultivateurs, agriculteurs ou commerçants dans l’un des nombreux marchés en plein air du pays, qui se retrouvent avec les produits qu’ils ont achetés ou produits et qu’ils sont dorénavant dans l’incapacité de revendre.
Ceux qui ont des produits à vendre se sont donc tournés vers les réseaux sociaux, notamment vers Facebook et Instagram, et ils utilisent souvent les nombreux cercles étroits, dans la société israélienne, qui se rassemblent sur WhatsApp – l’application de messagerie qui permet aux usagers de faire circuler des messages à des groupes et utilisateurs différents en une seule seconde.
Les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de constater la catastrophe, explique Zvi Alon, directeur-général du Plant Council, qui représente et qui défend les intérêts des cultivateurs de fruits et de légumes.
« Que dire ? », s’interroge Alon, qui accuse le gouvernement israélien d’être l’une des nations de l’OCDE les moins compréhensive lorsqu’il s’agit de fournir un soutien financier aux agriculteurs. « Pour le dire très simplement, la demande a baissé d’un tiers, et il n’y a rien que nous puissions faire contre ça. »
C’est une histoire triste, déclare Yehuda Reines, agriculteur dans la vallée du Jourdain qui fait pousser des légumes verts pour le marché européen depuis 30 ans.
« Je ne me plains pas », continue-t-il. « Je n’ai jamais été millionnaire mais le monde sera différent après ce qui est arrivé et on le sait tous. »

Il est à la tête de l’entreprise Jordan River Herbs au moshav Mehola qu’il gère avec un autre exploitant, et il cultive 500 tonnes de légumes verts et d’herbes aromatiques pour le marché israélien.
« Tout s’est arrêté d’un seul coup », dit Reines. « Tous les marchés avec lesquels nous travaillions ont fermé. Au final, tout ça va nous rester entre les mains. »
Quand l’ampleur de la crise du coronavirus est devenue claire, « tout le monde s’est préoccupé de lui-même », continue Reines. « Le système des exportations a tout simplement cessé. »
Reines a également la certitude que le système des exportations qui le soutenait, lui et de si nombreux autres agriculteurs israéliens, ne reviendra pas rapidement à la normale.
« Les Européens vont y réfléchir à deux fois avant de revenir à ce système », pense Reines. La situation est « très compliquée », ajoute-t-il.
Les produits bio constituent 1,5 % de la production agricole et ils représentaient 13 % des exportations, qui avaient atteint 360 millions de dollars, en 2017, selon Israel Agri, un portail de l’agriculture locale.

Ce sont les enfants de Reines qui ont eu l’idée de tenter de vendre des légumes et des herbes aromatiques en Israël.
« Cela va nous aider seulement un petit peu », explique Reines, qui a commencé à cultiver la terre il y a 35 ans, quand les produits bio et le basilic étaient encore considérés comme exotiques. « Avant, on avait affaire à trois ou quatre clients et maintenant, on en a des centaines dans tout le pays. »
Comme Cohen et sa famille qui livrent leurs bouquets d’asperges dans tout Israël, Reines et ses enfants font des livraisons de légumes depuis leur ferme de la Vallée du Jourdain grâce au bouche à oreille et aux groupes WhatsApp.
« Pas besoin d’être un génie pour savoir comment faire », s’exclame-t-il. « Trouver une solution au coronavirus, c’est beaucoup plus compliqué. »

Quand le virus a frappé Israël, Yaron Rozenthal a dû déterminer ce qu’il ferait avec ses 300 000 pivoines, toutes cultivées pour l’exportation au kibboutz Kfar Etzion, dont il est récemment devenu le gérant.
« On a dû reprendre l’affaire de zéro et imaginer comment faire pour vendre toutes ces fleurs », note Rozenthal. « Elles représentent un million de shekels en inventaire et il fallait sauver l’entreprise. »
Les pivoines ne sont pas très connues au sein de l’Etat juif – ces fleurs odorantes et aux nombreuses pétales sont originaires d’Asie, d’Europe et d’Amérique du nord. Cela dit, le kibboutz a commencé à en cultiver en 1976 et il en vend 300 000 par an aux Pays-Bas.
Pour Rozenthal et pour le kibboutz Kfar Etzion, cela a conduit à la nécessité de faire connaître les pivoines aux Israéliens, une fleur dont ils ne sont pas très familiers.
« C’est très onéreux à cultiver mais elles étaient vendues au prix de 30 shekels la fleur », explique Rozenthal. « C’était notre marché. »

Rozenthal était bien conscient qu’il lui serait impossible de vendre des pivoines au prix de 30 shekels la fleur en Israël, où les locaux luttent pour pouvoir être en mesure de répondre à leurs besoins. Mais il a estimé qu’il désirait au moins vendre ce qu’il avait.
Un site a donc été créé en quelques heures et les ventes ont pu commencer par le biais de ce site-vitrine, d’une page Facebook et de centaines de messages WhatsApp envoyés dans de multiples réseaux.
Le lendemain, il a fallu livrer des fleurs à Jérusalem. Une semaine plus tard, des voitures ont livré 5 000 pivoines en une seule journée à travers tout le pays. Rozenthal songe dorénavant à continuer à offrir une possibilité de vente directe aux clients après la crise, sans grossiste ou fleuriste.
« Les pivoines durent longtemps, au moins dix jours ou deux week-ends », dit-il.
למה באירופה כל כך אוהבים את האדמונית?כמו שתראו בתמונות הנהדרות שצילם חברנו יוחאי סמט הצלם המוכשר, האדמונית נקטפת…
פורסם על ידי ירון רוזנטל ב- יום חמישי, 2 באפריל 2020
Il y a encore deux mois de fleurs dans les champs, puis ce sera la saison des cerises. Le kibboutz est le plus important cultivateur de cerises dans le pays et en produit 150 à 200 tonnes chaque année.
« C’est un grave problème », clame-t-il. « Mais je crois qu’en fin de compte, ce type de crise peut créer des opportunités pour nous et que nous devons trouver le meilleur dans ces opportunités. »
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