Rencontrant son homologue iranien, le chef de la diplomatie libanaise souligne la nécessité de désarmer le Hezbollah
La première visite d'Araghchi à Beyrouth depuis le cessez-le-feu avec Israël a été ponctuée par les appels lancés par le Liban à établir des relations "d'État à État- - ce qui réduirait l'influence de Téhéran par le biais du Hezbollah
Nurit Yohanan est la correspondante du Times of Israel pour le monde arabe et palestinien.

Le ministre libanais des Affaires étrangères, Youssef Raji, a confié à son homologue iranien, Abbas Araghchi, dans la journée de mardi que le Hezbollah avait mis son pays dans une « situation difficile » lorsqu’il s’était engagé dans plus d’un an de combats dans le cadre d’hostilités qui l’avaient opposé à Israël, en 2023. Il a souligné la nécessité de désarmer le groupe terroriste soutenu par Téhéran.
Araghchi a rencontré Raji – qui est membre du parti chrétien des Forces libanaises, une faction politique qui s’oppose au Hezbollah – à Beyrouth, lors de sa première visite au Liban depuis le mois d’octobre de l’année dernière. A ce moment-là, le Hezbollah était en pleine guerre contre l’État juif dans le sud du Liban.
Un mois plus tard, Beyrouth et Jérusalem avaient signé un accord de cessez-le-feu qui avait mis un terme aux hostilités. La grande majorité des soldats israéliens s’étaient retirés du sol libanais.
Au cours de la réunion, Raji a déclaré à Araghchi que les récentes « aventures militaires » du Liban – une référence apparente au Hezbollah – avaient mis le pays dans une « situation difficile », a rapporté le média saoudien Al Arabiya.
Selon le reportage, Raji aurait également dit que ces « actions n’ont pas contribué à mettre fin à l’occupation israélienne du territoire libanais ».
Lorsqu’Israël s’était retiré du Sud-Liban dans le sillage du déploiement des forces armées libanaises – un déploiement qui avait été précisé dans l’accord de cessez-le-feu ratifié au mois de novembre 2024 – le pays avait laissé des militaires stationnés dans cinq postes situés à plusieurs centaines de mètres, à l’intérieur du Liban. L’État juif avait fait savoir que cette présence était nécessaire pour assurer la défense des communautés frontalières israéliennes.
Six mois après le début du cessez-le-feu, l’État libanais s’emploie à démanteler les infrastructures du Hezbollah dans le sud du pays. Il se serait saisi de la majorité du stock d’armes du groupe terroriste dans la même région.

Dans une interview qui a été accordée la semaine dernière au Wall Street Journal, le Premier ministre libanais Nawaf Salam a fait remarquer que son gouvernement avait atteint 80 % de ses objectifs concernant le désarmement des milices ancrées dans le sud du pays.
« Sur l’ensemble du territoire libanais, l’État doit avoir le monopole des armes », a affirmé Salam au journal américain. Il a souligné « la nécessité d’étendre et de consolider l’autorité de l’État ».
Faisant écho aux propos tenus par son Premier ministre, Raji a semblé s’opposer avec fermeté à l’idée de laisser l’ordre du jour iranien influencer l’avenir du Liban dans la journée de mardi. Il a dit à Araghchi que les capacités du pays à se rétablir à l’issue des récents combats étaient directement liées au désarmement du Hezbollah, a rapporté Al Arabiya.
Le 8 octobre 2023, le Hezbollah avait commencé à attaquer – sans provocation antérieure de la part d’Israël – des avant-postes militaires et des communautés situées dans le nord de l’État juif en signe de solidarité avec le Hamas – c’est ce qu’avait alors affirmé le groupe terroriste – tandis que l’organisation armée au pouvoir à Gaza venait de commettre, la veille, un véritable pogrom sur le sol israélien.
Les hostilités s’étaient poursuivies pendant plus d’un an, avec notamment deux mois de conflit ouvert entre les deux parties dans le sud du Liban. Elles s’étaient achevées avec la signature du cessez-le-feu qui avait été conclu au mois de novembre 2024.
Les combats ont déplacé plus d’un million de personnes à l’intérieur du Liban et ils ont entraîné des destructions qui, selon la Banque mondiale, nécessiteront de nouveaux investissements à hauteur d’onze milliards de dollars.

Raji a informé Araghchi que « la coordination entre le Liban et l’Iran devra se faire par les canaux officiels de l’État » plutôt que par le biais d’intermédiaires comme le Hezbollah, qui bénéficie du soutien de Téhéran. Le régime des ayatollahs appuie le groupe terroriste au niveau financier et autres, et le groupe terroriste a reçu de la part de la république islamique des milliards de dollars et tous les types d’armes au fil des ans.
Les propos cités par Al Arabiya n’ont pas pu être confirmés de manière indépendante.
L’importance de la souveraineté du Liban et de son contrôle sur les entités non-étatiques a été communiquée à Araghchi à plusieurs reprises au cours de sa visite.
De son côté, le président libanais Joseph Aoun a déclaré au responsable iranien, lors de leur rencontre, que Beyrouth souhaitait « renforcer les relations d’État à État avec l’Iran ». Ces propos ont été rapportés par son bureau à l’issue de l’entretien entre les deux hommes.
Pour sa part, Araghchi a fait savoir, alors qu’il venait de quitter une réunion avec le président du Parlement, Nabih Berri, un allié du Hezbollah, que l’Iran espérait « avoir des relations (avec le Liban) sur la base du respect mutuel et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des deux pays ».

Puis, alors qu’il abordait le sujet des affaires intérieures du Liban, il a indiqué que l’Iran apportait son soutien à un dialogue national entre les groupes rivaux dans le pays du cèdre.
Il a également condamné la présence continue des soldats de « l’entité sioniste » à plusieurs endroits stratégiques du Liban, et il a déclaré que l’Iran soutenait « tous les efforts déployés par le gouvernement et par le peuple libanais pour expulser les occupants par tous les moyens possibles, y compris par le biais d’un travail diplomatique ».
Il a ajouté que les entreprises iraniennes étaient prêtes à participer à la reconstruction du Liban si le gouvernement libanais le souhaitait.
Depuis le début de l’accord de cessez-le-feu signé par Israël et le Liban – un accord conclu sous l’égide des États-Unis – l’armée israélienne a continué à cibler des terroristes et des infrastructures du Hezbollah, déclarant que le groupe terroriste et ses membres violaient l’accord de trêve. Selon Tsahal, plus de 180 hommes armés du Hezbollah ont été tués au cours de cette période.
Le cessez-le-feu, qui s’appuie sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies de 2006, exige du Hezbollah qu’il retire ses combattants jusqu’au nord du fleuve Litani – à environ 30 kilomètres de la frontière – et qu’il démantèle toutes ses infrastructures militaires dans le sud du Liban.
S’adressant au Wall Street Journal la semaine dernière, un responsable anonyme, au sein de Tsahal, a indiqué qu’Israël était « généralement satisfait » des progrès réalisés par l’armée libanaise dans le démantèlement des infrastructures du Hezbollah, et il a reconnu que les forces libanaises étaient « beaucoup plus efficaces que prévu ».