Les combats continuent au Soudan, des témoins craignent un « siège » à Khartoum
"C'est un siège complet et si ça continue, la nourriture va manquer dans les magasins", s'est inquiété un habitant de l'île de Tuti
Tirs d’artillerie, combats de rue et explosions ont fait trembler mardi Khartoum, la capitale du Soudan où armée et paramilitaires continuent à se disputer le pouvoir alors que la crise humanitaire s’aggrave.
En plein cœur de la capitale, sur l’île de Tuti, à la confluence du Nil Bleu et du Nil Blanc, les paramilitaires bloquent l’unique pont et empêchent les habitants d’utiliser les bateaux reliant l’île au reste de Khartoum, a affirmé mardi un groupe d’avocats pro-démocratie.
Les paramilitaires « tirent sur quiconque s’approche de la rive », selon ces avocats.
« C’est un siège complet et si ça continue, la nourriture va manquer dans les magasins », s’est inquiété Mohammed Youssouf, un habitant de l’île, lors d’une conversation téléphonique avec l’AFP.
À Khartoum, l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane affronte les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », dans des combats « avec tous types d’armes », ont raconté à l’AFP des habitants du sud de la ville.
« Des civils ont été blessés dans les combats », ont déclaré mardi les comités de résistance, qui organisent l’entraide entre les habitants.
La violence des explosions fait « trembler les murs des maisons », selon des témoignages. D’autres ont fait état de « tirs à l’artillerie lourde » provenant des casernes de l’armée dans la banlieue nord.
Dans le nord de Khartoum, « plusieurs dizaines de manifestants » se sont rassemblés, selon des témoins, criant « Burhane est un assassin, Hemedti est un assassin ».
Crise humanitaire sévère
Le conflit qui a éclaté le 15 avril a fait plus de 1 800 morts, selon l’ONG ACLED, spécialisée dans la collecte d’informations dans les zones de conflit. Plus d’un million et demi de personnes ont quitté leur foyer, selon l’ONU.
« Nous sommes face à une crise humanitaire sévère qui ne va qu’empirer avec l’effondrement de l’économie et du système de santé », a prévenu la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR).
Selon elle, « la saison des pluies qui approche, combinée à la famine imminente et aux épidémies qui semblent désormais inévitables, comme le choléra et le paludisme, vont aggraver la situation ».
Au Soudan, déjà l’un des pays les plus pauvres du monde avant la guerre, 25 des 45 millions d’habitants ont aujourd’hui besoin d’aide humanitaire, selon l’ONU.
Le 31 mai, l’armée s’est retirée des négociations qui visaient à créer des couloirs sécurisés pour laisser passer les civils et l’aide humanitaire.
Le 1er juin, les États-Unis et l’Arabie saoudite, médiateurs entre les deux camps, ont annoncé la suspension de ces négociations avant que Washington n’annonce des sanctions contre des entreprises associées à l’armée et aux paramilitaires.
Les États-Unis se sont ensuite dits prêts à reprendre les discussions à Jeddah avec les émissaires des deux camps s’ils sont « sérieux » dans leur volonté de respecter le cessez-le-feu. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est arrivé mardi en Arabie saoudite, où le conflit au Soudan sera au menu de ses entretiens.
Le général Burhane a déclaré mardi avoir reçu un appel téléphonique du ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, posant les conditions à une reprise des négociations.
Le chef de l’armée a « insisté sur la nécessité » que les paramilitaires quittent les hôpitaux et les maisons qu’ils occupent, et « ouvrent des couloirs humanitaires », selon un communiqué de l’armée.
Le général Daglo a annoncé avoir lui aussi reçu un appel du ministre saoudien deux jours plus tôt, dans lequel il a réitéré son « soutien » à des négociations.
Mais alors que les deux camps affirment défendre les civils, la mission des Nations unies au Soudan a annoncé lundi que des dizaines d’actes de violence, parmi lesquels des meurtres, des attaques contre des hôpitaux, des violences sexuelles ou contre des enfants, commis par les deux parties, faisaient l’objet d’enquêtes de défenseurs des droits de l’Homme.