Israël en guerre - Jour 434

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Analyse

Les déboires juridiques nationaux et internationaux de Netanyahu se précisent, et l’isolement d’Israël s’intensifie

Le mandat d'arrêt de la CPI contre le Premier ministre est perçu en Israël comme injustifié, pas ses procès pour corruption, le scandale des fuites ou sa position concernant les otages

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au parlement israélien le 13 novembre 2024. (Photo de Chaim Goldberg/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au parlement israélien le 13 novembre 2024. (Photo de Chaim Goldberg/Flash90)

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu fait face à des poursuites judiciaires, chez lui et à l’étranger, qui laissent présager un avenir tout sauf calme pour le dirigeant israélien et pourraient peser sur les guerres à Gaza et au Liban, estiment des analystes ainsi que des membres des autorités.

La Cour pénale internationale (CPI) a pris Israël de court, jeudi, en émettant des mandats d’arrêt contre Netanyahu et son ex-chef de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés dans le conflit qui, depuis maintenant 13 mois, oppose Israël à l’organisation terroriste du Hamas à Gaza.

La CPI accuse Netanyahu et Gallant – que le Premier ministre a limogé en début de mois – de s’attaquer aux civils et d’utiliser la famine comme arme de guerre. Elle a également émis jeudi un mandat d’arrêt à l’encontre du chef militaire du Hamas, Mohammed Deif, qui, selon Israël, a été tué par une frappe de Tsahal à Gaza en juillet dernier.

L’annonce, qui a fait l’effet d’une bombe, est tombée à moins de deux semaines du témoignage de Netanyahu au procès pour corruption qui le poursuit depuis des années et pourrait mettre fin à sa carrière politique s’il était reconnu coupable. Il nie jusqu’à présent avoir commis un quelconque acte répréhensible.

Ce procès domestique pour corruption polarise l’opinion publique, en plus du récent scandale sur le vol et la fuite de renseignements classifiés de Tsahal impliquant des assistants de Netanyahu, mais le Premier ministre a reçu un large soutien de l’ensemble de la classe politique à la suite de la décision de la CPI, ce qui lui a donné un salutaire coup de pouce en cette période des plus troublées.

Les mandats d’arrêt interdisent effectivement à Netanyahu et Gallant de se rendre dans les 124 États membres de la CPI. Israël et les États-Unis, qui ne sont ni l’un ni l’autre membres de la Cour, se sont opposés à la mesure prise à l’encontre des deux hommes.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprimant dans une déclaration vidéo le 12 novembre 2024 ; le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, s’exprimant lors d’une conférence de presse, aux quartiers généraux de l’armée de la Kirya, à Tel Aviv, le 5 novembre 2024. (Crédit : Capture d’écran/GPO ; Miriam Alster/Flash90)

Netanyahu a qualifié la décision de la Cour d’antisémite et assuré qu’elle n’empêcherait pas Israël de protéger ses concitoyens.

« Les Israéliens sont agacés de voir que le monde est contre eux, ce qui explique qu’ils se rallient à leur dirigeant, même s’il fait face à de nombreuses critiques », explique Yonatan Freeman, expert en relations internationales à l’Université hébraïque de Jérusalem.

« Ceux qui pensent que la décision de la CPI va mettre fin à ce gouvernement, et à ce qu’ils considèrent comme une politique (de guerre) erronée, vont voir advenir le contraire », ajoute-t-il.

Un diplomate de haut rang estime que l’une des premières conséquences pourrait être qu’Israël se montre moins enclin à conclure un cessez-le-feu rapide avec le Hezbollah au Liban ou un accord pour faire libérer les otages du Hamas à Gaza.

« Cette terrible décision… porte grandement atteinte aux chances d’un accord au Liban et aux futures négociations sur la question des otages », explique Ofir Akunis, consul général d’Israël à New York.

La Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, aux Pays-Bas. (Crédit : Oliver de la Haye/iStock)

« Des dommages terribles ont été causés parce que ces organisations comme le Hezbollah et le Hamas… ont reçu le soutien de la CPI et sont donc susceptibles de faire monter les enchères parce qu’ils ont le soutien de la CPI », confie-t-il à Reuters.

Bien que le Hamas ait salué la décision de la CPI, rien n’indique que lui ou le Hezbollah y voient une occasion de faire pression sur Israël, qui a infligé d’énormes pertes aux deux groupes terroristes ces douze derniers mois ainsi qu’aux populations civiles au sein desquelles ils se mêlent.

Le Hezbollah a redoublé de tirs de roquettes sur Israël, ces derniers temps, et le Hamas refuse de libérer les 101 otages toujours détenus à Gaza sauf à ce qu’Israël mette fin à la guerre et retire ses soldats de Gaza.

Les mandats de la CPI mettent en évidence le décalage entre la façon dont la guerre est perçue en Israël et celle dont elle est perçue par beaucoup à l’étranger.

Michael Oren, député de Koulanou, lors d’une conférence organisée par NGO Monitor, intitulée « 15 ans de la conférence de Durban », tenue à la Knesset le 20 juin 2016. (Miriam Alster/Flash90)

Michael Oren, ex-ambassadeur d’Israël aux États-Unis, estime que la décision de la CPI va probablement renforcer la détermination israélienne et donner au cabinet de guerre le blanc-seing pour frapper Gaza et le Liban plus durement encore.

« En Israël, il y a un sentiment profondément ancré que l’on peut résumer ainsi : ‘Quitte à être condamnés à cause de ce que nous faisons, autant y aller à fond’ », explique-t-il à Reuters.

La confiance ébranlée

Netanyahu a reçu un large soutien dans son pays en raison des mesures prises par la CPI, mais il n’en va pas de même pour l’affaire de corruption dans laquelle il est accusé de corruption, abus de confiance et fraude.

Le procès s’est ouvert en 2020 et Netanyahu doit enfin se présenter à la barre le mois prochain, le tribunal ayant rejeté sa dernière demande de report de témoignage, motivée par un manque de temps pour préparer sa défense.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Cour de district de Jérusalem pendant le témoignage d’Arnon Milchan au près pour corruption de Netanyahu, le 2 juillet 2023. (Crédit : Oren Ben Hakoon/POOL)

Il aurait dû témoigner l’an dernier, mais la date a été reportée en raison de la guerre. Ses détracteurs l’accusent de prolonger la guerre à Gaza pour retarder le jour du jugement et rester au pouvoir, ce qu’il nie.

La semaine dernière, Netanyahu aurait demandé au service de sécurité du Shin Bet de dire au tribunal qu’il serait dangereux pour le Premier ministre de témoigner, en particulier après l’attaque de drone du Hezbollah sur son domicile privé. Le Shin Bet a refusé de le faire.

Personnalité clivante en Israël, Netanyahu a vu sa cote de popularité fortement baisser à la suite de l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël qui a pris son gouvernement au dépourvu, a fait plus de
1 200 morts et 251 otages kidnappés à Gaza.

La campagne militaire israélienne qui a suivi a fait plus de 44 000 victimes selon le ministère de la Santé du Hamas, dont le bilan ne peut être vérifié et qui ne fait pas le distinguo entre civils et hommes armés. Israël assure de faire en sorte de minimiser les pertes civiles et affirme que le Hamas utilise les civils de Gaza comme boucliers humains en se battant depuis des zones civiles – maisons, hôpitaux, écoles et mosquées.

Le Premier ministre a refusé de suivre l’avis de la procureure générale de l’État de mettre en place une commission d’enquête indépendante sur ce qui s’est passé le 7 octobre et la conduite de la guerre par Israël. Il est favorable à une commission d’enquête uniquement composée de politiciens, ce qui, selon ses contempteurs, ne répondrait pas aux exigences de la CPI.

Le quotidien Yedioth Ahronoth a déclaré que le défaut d’enquête indépendante était l’un des facteurs qui avait poussé la CPI à agir.
« Netanyahu préfère le risque des mandats d’arrêt plutôt que celui d’une commission », a-t-il écrit vendredi.

Menace d’arrestation

Avec le mandat de la CPI, le Premier ministre voit son avenir s’obscurcir et lui fait rejoindre les rangs des dirigeants frappés d’une semblable humiliation, à commencer par Mouammar Kadhafi en Libye ou Slobodan Milosevic en Serbie.

Il risque d’être arrêté s’il se rend dans l’un des 124 États signataires de la Cour, y compris la plupart des pays d’Europe.

Les États-Unis, qui ne sont pas membres de la CPI, et les dirigeants israéliens espèrent que le président élu des États-Unis, Donald Trump, fera pression et imposera des sanctions aux responsables de la CPI.

Le président américain Joe Biden, entouré du secrétaire d’État Antony Blinken (à gauche) et du secrétaire à la Défense Lloyd Austin (à droite), s’exprimant lors d’une réunion avec les membres de son cabinet, dans la salle du Cabinet de la Maison Blanche, le 20 septembre 2024. (Crédit : Manuel Balce Ceneta/AP)

La Maison-Blanche a déclaré jeudi qu’elle « rejetait fondamentalement » la décision de la CPI.

« Laissez-moi dire une fois de plus les choses clairement : quoi que la CPI puisse insinuer, il n’y a aucune équivalence – aucune – entre Israël et le Hamas. Nous serons toujours aux côtés d’Israël contre ceux qui menacent sa sécurité », a déclaré le président américain Joe Biden, qui a qualifié les mandats d’arrêt de « scandaleux ».

Jeudi, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a déclaré au Times of Israel que Washington était « profondément préoccupé par l’empressement du procureur à demander l’émission de mandats d’arrêt et les erreurs de procédure troublantes qui ont conduit à cette décision ».

« Les États-Unis ont clairement indiqué que la CPI n’avait pas compétence en la matière », a ajouté le porte-parole. « En coordination avec nos partenaires, Israël y compris, nous examinons les prochaines étapes. »

En faisant allusion à la prochaine administration aux commandes de la Maison Blanche, le conseiller à la sécurité nationale de Trump, le représentant Républicain et faucon Mike Waltz, de Floride, a écrit sur X : « Attendez-vous à une réponse forte au parti pris antisémite de la CPI et de l’ONU en janvier », lorsque Trump prendra ses fonctions.

« La CPI n’a aucune légitimité et ces allégations ont été réfutées par le gouvernement américain », a écrit Waltz, ajoutant qu’« Israël défend son peuple [et] ses frontières contre des terroristes génocidaires en toute conformité avec le droit ».

Dans les capitales occidentales, les autorité israéliennes parlementent avec leurs homologues et leur demandent d’ignorer les mandats d’arrêt, ce que la Hongrie a d’ores et déjà promis de faire.

Mais ces accusations ne vont pas disparaître de sitôt, sinon jamais, ce qui implique que les chefs d’Etat et de gouvernement se montreront de plus en plus réticents à entretenir des relations avec Netanyahu, estime Yuval Shany, chercheur principal à l’Institut israélien de la démocratie.

« Très concrètement, l’État israélien va être beaucoup plus isolé à l’avenir », dit-il en guise de conclusion à Reuters.

Jacob Magid a contribué à cet article.

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