Les « femmes savantes » en droit juif, enfin reconnues par l’État, espèrent davantage
Le plan gouvernemental visant à verser des salaires à ces spécialistes de la halakha est important - mais il faudra plus pour faire entrer les femmes dans la vie religieuse
La reconnaissance, par le ministère des Affaires religieuses, des expertes en droit juif, le mois dernier, est un tournant majeur dans la représentation des femmes à des fonctions officielles de leadership dans le monde religieux, et elle ouvre la voie à une plus grande égalité des sexes dans la vie juive, estiment les personnes qui se trouvent sur le front de ce combat.
Jusqu’à présent, ces conseillères en Halakha – la loi juive – étaient éducatrices ou elles offraient leur expertise sur la base du bénévolat, gagnant indirectement un salaire pour leurs activités d’enseignement dans les classes ou par le biais des allocations qui leur étaient versées par leurs communautés.
Le ministère veut aujourd’hui employer directement ces spécialistes qui seront chargées de conseiller surtout les autres femmes, en leur expliquant toutes les complexités de la loi juive.
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Le programme initial comprendra 21 communautés différentes et le ministère va lancer un appel aux candidatures pour ces postes à la fin du mois.
Hila Nissan-Friedman, qui est conseillère du vice-ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, sur la question des femmes et qui est aussi son porte-parole, déclare que le gouvernement a l’intention de débloquer « un budget très engagé d’un million de shekels » pour financer ces « femmes savantes ». L’État soutiendra 90 % des salaires qui leur seront versés.
Nissan-Friedman explique que ce programme ne fait que reconnaître une réalité existante. « Les femmes apprennent déjà la Torah, les femmes ont déjà des midrashot, les femmes sont déjà yoatzot halakha, ça existe déjà, c’est ici que ça se passe », ajoute-t-elle.
Au fil des années, l’importance de ces conseillères halakhiques – ou yoatzot halakha – s’est accrue en Israël et dans le monde entier. Ce processus graduel s’est amorcé avec le nombre croissant de femmes qui ont étudié le Talmud et les autres textes religieux, ne se contentant pas de la Bible comme c’était le cas dans le passé.
Avant que ce rôle de conseillère en loi juive ne devienne un centre d’intérêt si déterminant dans le monde orthodoxe, l’un des premiers titres qui avait été accordé aux femmes instruites en droit juif avait été celui « d’avocate rabbinique », ou toanot rabaniyot – elles pouvaient représenter d’autres femmes dans les tribunaux rabbiniques. Cette fonction avait été autorisée suite à une plainte déposée devant la Haute cour par le rabbin Shlomo Riskin, qui avait ainsi aidé à rendre accessible l’étude de la Torah à un plus grand nombre de femmes sur les questions très spécifiques du mariage et du divorce.
Les connaissances de ces femmes s’approfondissant sur ces sujets, les séminaires ont alors commencé à accorder des certifications attestant de leur expertise en matière de halakha.
Le terme le plus communément utilisé de conseillère halakhique, ou yoetzet halakha, est rattaché à un rôle très précis. Les femmes qui se forment à cette fonction doivent ainsi être en mesure de répondre aux questions des autres femmes sur les lois de pureté familiale – les problématiques liées aux cycles menstruels, à la pureté rituelle ou aux contacts physiques entre une épouse et son mari pendant et immédiatement après les règles.
« Il n’y a pas de différence subtile entre une ‘yoetzet halakha’ et une ‘morat halakha’ [professeur halakhique] ou une ‘meshivat halakha’. Les ‘Yoatzot halakha’ font des études très intenses mais elles n’étudient qu’un seul sujet, le sujet de la pureté familiale », note la rabbin Devorah Evron, directrice de l’Institut Orah Stone pour les femmes au sein du séminaire Lindenbaum, un institut qui forme les femmes aux complexités et aux subtilités de la halakha. « Il n’y a aucune différence entre une ‘meshivat halakha’, une ‘morat halakha’, ou une ‘morat horaah’ [professeure intervenant dans le système éducatif]. Ils se réfèrent tous habituellement à une femme qui a étudié tous les sujets ».
Même si le rôle tenu par les femmes au sein des autorités religieuses est balbutiant dans le monde religieux, l’idée de femmes expertes en halakha n’est pas entièrement nouveau. « Quand on revient sur l’Histoire, il y a toujours eu des femmes qui connaissaient la loi juive et qui pouvaient en parler. Depuis Devorah la prophète, ou Brouriah, nous avons connaissance de la présence de femmes à travers toute l’Histoire », continue Evron.
La docteure Tova Ganzel, qui réside à Jérusalem et qui est professeure à l’université Bar-Ilan, a été l’une des deux premières femmes à avoir été diplômées du programme des yoetzet halakha par le centre Nishmat. Après avoir terminé ses études, elle a commencé à conseiller des amies et des connaissances sur des sujets relatifs à la loi juive quand elles venaient lui poser des questions.
« Et le nombre de questions n’a fait qu’augmenter jusqu’à ce qu’il soit impossible pour nous de répondre au niveau personnel », raconte Ganzel. C’est à ce moment-là que la doyenne de Nishmat, Chana Henkin, a décidé d’ouvrir une hotline pour les femmes en quête de conseil halakhique. Sur cette hotline, qui est encore en service aujourd’hui, des conseillères répondent aux questions de pureté familiale et de santé des femmes – des sujets qui, pour les femmes qui s’interrogent, sont parfois difficiles à aborder avec un rabbin masculin.
Même si le programme de Nishmat et la ligne d’urgence qui a été mise en service ont marqué les débuts des yoatzot halakha, le rôle tenu par les femmes expertes en loi juive a continué à s’élargir, des séminaires comme Lindenbaum et Matan commençant à offrir des certifications aux femmes ayant étudié de plus larges pans de la halakha – à un niveau équivalent à celui d’un étudiant rabbinique masculin.
Cette tendance croissante de l’étude des femmes, dans le judaïsme orthodoxe, ne se limite pas à Israël. La Yeshivat Maharat, qui a été fondée en 2009 à New York, propose l’ordination rabbinique à des femmes orthodoxes venues du monde entier.
Cela a entraîné une plus grande inclusion des femmes dans les fonctions religieuses à responsabilité au niveau local. Un exemple, en Israël, est l’implantation d’Efrat, où une femme rabbin, Shira Marili Mirvis, est la seule guide spirituelle de la synagogue Shirat HaTamar. Même cas de figure dans le quartier Katamon de Jérusalem, où Carmit Feintuch, elle aussi rabbin, avait aidé à diriger la synagogue Rambam avant de fonder sa propre synagogue avec son époux.
L’une des principales femmes ayant poussé à la reconnaissance des conseillères par le gouvernement est la rabbin Mali Sztrigler, une yoetzet halakha qui habite l’implantation d’Ofra, qui a fait ses études dans les séminaires Nishmat, Matan et Beit Morasha. En plus de son expertise en loi juive, Sztrigler est ingénieure et elle a travaillé, dans le passé, au ministère israélien de l’Économie. Sa priorité aujourd’hui, au-delà du financement du gouvernement, est la reconnaissance plus large des femmes dans la halakha « à une fonction officielle, de la même manière qu’un rabbin occupe une fonction officielle ».
« Je veux que les femmes puissent être reconnues, qu’elles puissent être payées pour le travail qu’elles abattent », explique Sztrigler.
Le prochain domaine où les femmes cherchent à obtenir plus d’égalité dans la vie religieuse est celui des examens d’ordination du Grand rabbinat, qui testent les connaissances des candidats en loi juive et que seuls les hommes peuvent passer pour le moment.
Il n’y a aujourd’hui aucun équivalent offert aux femmes qui soit reconnu par l’État. Mais l’ONG religieuse progressiste Itim cherche à changer cela et elle a porté plainte devant la Haute-cour de justice pour exiger du rabbinat de permettre aux femmes de passer les mêmes examens que les hommes.
Ces examens étant obligatoires pour accéder à certains postes de service civil – le chef d’un centre communautaire local, par exemple, doit avoir soit un diplôme universitaire, soit une ordination du Grand rabbinat – Itim affirme qu’en refusant aux femmes le droit de passer ces examens, l’État leur porte préjudice au niveau économique en entravant leurs capacités à trouver un emploi.
Si Evron dit être optimiste sur la décision qui a été prise par le ministère concernant les conseillères halakhiques, ces examens standardisés sont, de son point de vue, déterminants pour que les femmes puissent, en devenant responsables religieuses, enfin bénéficier de l’égalité.
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