Les jeunes envoyés israéliens, dans la Diaspora, montrent la résilience israélienne
En proie au chagrin, à la culpabilité, inquiets pour l'avenir d'Israël, les ambassadeurs de l'Agence juive sont sur le front de la guerre pour l'opinion publique
- Halel, 18 as, jeune bénévole de l'Agence juive envoyée en Californie. (Autorisation)
- Tamar, ambassadrice de l'Agence juive, tout à gauche dans la rangée du bas. (Autorisation)
- Elay, au centre, et Tamar, à droite, les deux ambassadeurs de l'Agence juive, à Toronto. (Autorisation)
- Les Shinshinim de Pittsburgh. (Autorisation)
NEW YORK — Noa, 18 ans, et ses amis marchaient dans le centre-ville de Chicago quand des hurlements les ont fait s’arrêter net. « Libérez la Palestine », « Mort à Israël ! »
Les adolescents avaient été reconnus comme Israéliens – et plusieurs hommes, à bord d’un pick-up noir, ont continué à les abreuver d’insultes, des insultes amplifiées par un haut-parleur. Un incident perturbant, dit Noa, mais bien pâle en comparaison avec la douleur qu’elle ressent au quotidien depuis le 7 octobre, date de l’assaut barbare lancé sur le sol israélien par le Hamas, une attaque qui a fait 1 400 morts – des civils en majorité. Plus de 240 personnes ont été prises en otage ce jour-là, dont 30 enfants, et tous se trouvent encore retenus en captivité dans la bande de Gaza.
« En tant qu’Israélienne, j’aurais aimé traverser ces difficultés aux côtés de mon pays et être ici, ça me donne un certain sentiment de culpabilité », dit Noa, qui est originaire de Kiryat Gat.
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Noa est l’une des dizaines de jeunes bénévoles qui se sont mis au service de l’État juif à l’étranger pendant une « année sabbatique » qui sépare l’année de Terminale et le service militaire obligatoire. Le programme auquel ils participent consiste à envoyer des adolescents israéliens dans les communautés de la Diaspora, et il est depuis longtemps l’un des projets-phares mis en œuvre par l’Agence juive pour Israël (JAFI).
Lors d’entretiens avec 13 de ces bénévoles qui ont été déployés dans le monde entier par l’Agence juive, le Times of Israel a pu apprendre quels sont les défis que sont amenés à relever ces jeunes ambassadeurs et constater leur résilience remarquable à un moment sans précédent dans l’Histoire d’Israël – un moment qui a aussi frappé de plein fouet les communautés juives, à l’international.
« Je sais, au plus profond de moi, que ce n’est pas ma faute mais voir mes amis protéger mon pays ou apporter leur contribution d’une manière ou d’une autre, c’est dur », explique Noa qui – comme tous les jeunes que nous avons rencontrés – est arrivée dans sa communauté il y a seulement deux mois.
« Mais ce qui a été le plus difficile, c’est d’avoir connu des gens qui sont morts et de ne pas avoir été là pour leurs funérailles », ajoute Noa.

« Je n’aurais jamais cru pouvoir faire ça »
Depuis son arrivée à Toronto, il y a deux mois, Tamar a été bénévole dans une école juive, dans des synagogues et dans des mouvements de jeunesse.
« Ça a été plus dur que ce que j’imaginais quand je suis arrivée ici », dit Tamar, qui a passé son enfance dans un moshav situé à proximité d’Ashdod.
Suite au massacre du Hamas, dans un contexte de recrudescence de l’antisémitisme dans le monde, la JAFI a interdit à ses bénévoles d’aller dans le centre-ville de Toronto, ajoute Tamar.
« Oui, j’ai le sentiment d’être loin de chez moi mais j’ai aussi le sentiment de faire quelque chose que même dans mes rêves, je n’aurais jamais imaginer parvenir à faire – c’est tellement dur ! Mais c’est aussi sans aucun doute l’une des choses les plus importantes que je réaliserai dans ma vie », dit Tamar.

Avec Tamar, à Toronto, il y a aussi Elay, 18 ans, originaire de Kiryat Ono. Parmi ses projets, il veut faire du bénévolat dans une école Montessori, dans une synagogue de la ville et dans le mouvement Judaea, qui regroupe les jeunes Juifs sionistes en Amérique du nord.
Quand Elay a eu connaissance de l’ampleur de l’assaut barbare perpétré par le Hamas, il raconte avoir d’abord ressenti de la honte.
« Ils nous ont pris par surprise une fois encore et je pensais qu’on avait tiré les leçons du passé, de la guerre de Yom Kippour, mais il s’avère que non », déclare Elay au Times of Israel.
Il y a eu un peu de réconfort ces derniers jours, note Elay, avec notamment ces 26 000 soutiens d’Israël qui ont organisé un rassemblement à Toronto.
« Moi et mes compatriotes sommes nés pour vivre une vie qui est placée, en quelque sorte, sous le signe de la guerre et même si ça semble triste, nous y sommes habitués », continue Elay. « J’ai le sentiment que le moment est venu d’apporter de la positivité aux gens, ici ».
Elay n’est pas le seul jeune ambassadeur de l’Agence juive à dire qu’il a ressenti de la honte après les massacres.

« D’abord, j’ai vraiment ressenti de la honte dans la mesure où je ne suis pas en Israël en ce moment de besoin, mais ensuite, j’ai ressenti de la fierté à l’idée d’être le visage de mon pays à l’étranger et de faire des choses que la majorité des gens n’ont pas l’occasion de faire », explique Lidor, 18 ans, qui se trouve à Pittsburgh. Il est originaire de Misgav.
« J’ai été comme déconnecté de la réalité depuis le début », ajoute-t-il. « La différence entre ce qu’on vit en Israël, la peur, et la vie quotidienne aux États-Unis, ça peut vous rendre fou », s’exclame-t-il.
A Toronto, avec Elay et Tamar, il y a Sharon, 18 ans, qui remarque elle aussi la dissonance entre la vie de tous les jours en Amérique du nord et le quotidien qu’elle mène en Israël.
« C’est vraiment bizarre de marcher dans la rue en toute liberté en parlant à un ami qui se cache, pendant ce temps, dans un abri antiaérien et qui n’est pas en mesure d’en sortir », indique Sharon.
« Parmi les choses les plus dures, il y a la gestion de ce sentiment de culpabilité. Un grand nombre d’entre nous – et j’en fais partie – nous sentons extrêmement coupables de nous trouver actuellement à l’étranger alors que ceux que nous aimons se battent pour nos vies », dit Sharon, originaire de Mevaseret Zion.
« Les trois dernières semaines ont été incroyablement accablantes », fait-elle remarquer.
« J’aurais l’impression que nous avons réellement perdu »
A Durban, en Afrique du sud, deux Shinshiniot – l’acronyme, en hébreu, qui désigne ceux qui effectuent leur « année de service » – sont au service d’une communauté juive d’environ un millier de personnes, déclare Nitzan, 18 ans, qui vient de Kfar Adumim.

« Il y a une semaine, il y a eu une marche pro-palestinienne à deux blocs d’immeubles de chez moi », raconte Nitzan, qui dit s’être inspirée de la réponse apportée par le rabbin Leo Dee au meurtre de son épouse et de deux de ses filles par des terroristes du Hamas, au début de l’année.
« Je me suis souvenue avoir vu tous ces gens qui venaient le voir après ce qui était arrivé et j’ai réalisé combien il était important de redresser la tête, comme lui l’avait fait », explique Nitzan, qui ajoute que « l’âme du peuple juif » s’était révélée de manière évidente à ce moment-là.
« C’est un ensemble de petites vagues qui font naître cette âme. Et c’est ce que nous tentons de faire ici. Il ne s’agit pas d’une action isolée, d’une seule parole, d’une seule activité mais de tout un ensemble de choses », déclare Nitzan.

Liya, 18 ans, dont la famille réside à Petah Tikvah, vit et travaille avec Nitzan. Les deux jeunes femmes sont pratiquantes – elles respectent les fêtes juives et le Shabbat – et elles n’ont appris les détails de l’assaut barbare perpétré par le Hamas que deux jours plus tard, dit Liya.
« J’ai eu deux jours de vraie dépression. J’ai pensé à revenir en Israël. Mais certaines personnes de la communauté, ici – des Israéliens – sont venus nous voir et ils prennent soin de nous et nous allons donc rester », s’exclame-t-elle.
Selon Nitzan, la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le peuple juif est analogue à celle qui prévalait lors de la guerre de Yom Kippour, lorsque « l’âme juive s’est éveillée et que nous avons constaté que cette âme pouvait nous faire gagner une guerre ».
« C’est ce que Liya et moi tentons de faire ici », continue Nitzan. « Nous devons donner ce supplément d’âme à Israël ».

En plus de Liya, d’autres jeunes ambassadeurs évoquent le poids émotionnel et psychique de ces trois semaines de guerre.
« Les trois dernières semaines n’ont pas été faciles. Nous avons vu et nous avons entendu tout ce qui s’est passé en Israël avec le sentiment que nous restions en marge de tout ça », déplore Omri, 18 ans, qui vit à Ramat Gan et qui se trouve actuellement à Las Vegas.
« Pendant les premiers jours, je ne voulais pas quitter mon logement et aller travailler parce que j’avais le sentiment que personne ne comprendrait ce que je vivais », continue Omri, qui a depuis trouvé du réconfort en organisant des collectes de fonds pour soutenir Israël, avec notamment une kermesse qui a rapporté 7 000 dollars.
Omri confie au Times of Israel – il n’a pas été le seul à le dire – qu’il ne changera pas d’apparence dans la rue pour se cacher des fanatiques.
« C’est important pour moi de ne pas modifier mon apparence extérieure, qu’il s’agisse de tee-shirts avec des inscription en hébreu ou de l’étoile de David que je porte autour du cou. Si je devais la cacher, j’aurais l’impression que nous avons réellement perdu », indique Omri.
Bien sûr, tous les bénévoles ne se sentent pas à l’aise en portant en public des symboles juifs ou israéliens.

« On a peur quand on marche dans la rue, on cache nos symboles juifs et israéliens et on essaye de ne pas parler en hébreu », raconte Noam, dont la famille réside à Karmiel et qui séjourne à Pittsburgh pour son service.
Israël et le judaïsme ont été une source de fierté pour elle pendant toute sa vie, ajoute-t-elle.
« Je suis née et j’ai grandi dans un foyer sioniste, avec un père qui a été agent de police pendant presque trente ans et deux sœurs qui occupent des postes d’officières au sein de l’armée », dit-elle.
« Je n’ai pas parlé avec ma sœur aînée depuis le début de la guerre parce qu’elle travaille tout le temps, et je m’inquiète pour elle », explique Noam. « Je m’inquiète pour mes deux sœurs et je fais de mon mieux pour les aider de loin ».
Autre bénévole à se qualifier de « sioniste et fière de l’être », Halel, 18 ans, qui se trouve dans la région de la baie de San Francisco – un secteur célèbre pour ses activités anti-israéliennes.
« Ces trois dernières semaines, il s’est déroulé un scénario que je n’aurais jamais imaginé vivre », déclare Halel, originaire de Hod Hasharon. « Je vis du côté de Berkeley et les manifestations, les défilés pro-Palestine et pro-Hamas qui peuvent y avoir lieu sont réellement effrayants, non seulement pour un Israélien mais tout simplement pour un Juif », s’exclame-t-elle.
« Je sais que j’ai de l’impact »
Si certains bénévoles se trouvent actuellement dans des bastions d’activités anti-israéliennes, comme c’est le cas de Durban et de Berkeley, d’autres ont été envoyés dans des villes où les expressions d’antisémitisme, en comparaison, restent très mesurées.
« L’antisémitisme n’est pas partout, ici, mais il y a eu une manifestation vraiment inquiétante devant l’ambassade et parfois, on reçoit des photos de graffitis antisémites », déclare Eitan, dont la famille habite Shoham et qui est actuellement à Mexico City.
« On m’a parlé de deux agressions physiques », précise Eitan lors de son entretien avec le Times of Israel. « Le public, de manière générale, n’est pas réellement informé de la situation et parfois, ça entraîne des problèmes. »

Eitan, comme plusieurs jeunes autres ambassadeurs, confie avoir ressenti une peur intense, ces dernières semaines. C’est aussi le cas de Liron, âgée de 17 ans, qui se trouve à Denver.
« Je pense que le sentiment qui a dominé chez moi au cours des dernières semaines, c’est la peur », déclare Liron, qui vit habituellement à Sde Boker.
« Ce sentiment d’être si éloigné de vos amis, de votre famille et de votre peuple pendant cette période terrible est dur, c’est inimaginable. Même si j’ai conscience du fait que j’ai un réel impact sur un grand nombre de personnes de la communauté, ici », note-t-elle.
A Denver, il y a quatre bénévoles de l’Agence juive dans les écoles publiques de toute la ville. Une expérience qui aide Liron à faire face au trauma induit par son éloignement de son pays natal, alors même qu’Israël est en guerre.
« Nous prenons part à des clubs juifs qui sont ouverts aux Juifs et aux non-juifs », raconte Liron. « Au cours des semaines précédentes, nous nous sommes rendus dans les 11 lycées de la ville et nous avons ouvert le dialogue avec des centaines d’adolescents. Probablement aux environs de 700 », continue-t-elle.

Ofek, autre jeune ambassadeur, est immergé, lui aussi, dans la sensibilisation pro-israélienne. Le jeune homme qui réside à Shoham sert à Los Angeles. Il déclare que les semaines qui viennent de s’écouler ont été « les plus dures » de sa vie.
« Je pense en permanence à ma mère, à ma sœur qui est soldate et même à mes animaux de compagnie qui sont probablement terrifiés par les sirènes d’alerte et qui sont, eux aussi, en danger », déclare Ofek dont le cousin – le sergent Ben Rubenstein, 20 ans, qui était originaire de Hod Hasharon — a été assassiné par les terroristes du Hamas alors qu’il défendait Sderot, le 7 octobre.
Pour sensibiliser le public sur le conflit, Ofek fait du bénévolat au sein de l’ONG TalkIsrael pour « changer le débat sur Israël sur internet en orientant les jeunes créateurs de contenu et en les aidant à atteindre un plus grand nombre de jeunes », explique-t-il.

Comme d’autres volontaire, Ofek raconte rencontrer des restrictions d’ordre sécuritaire, des annulations d’événement, ajoutant que la communauté juive a même fait l’objet de menaces.
Par exemple, une partie du service d’Ofek concerne la prise en charge des Scouts israélites locaux, où 150 élèves de Terminale sont parvenus à collecter des milliers de dollars pour Israël depuis le 7 octobre.
Toutefois, note Ofek, certaines activités des Scouts ont été annulées en raison « de menaces proférées à l’encontre d’individus juifs », dit-il.
Nullement découragé ou impressionné, Ofek est allé dans des lieux publics, samedi, placer des panneaux avec des photos des otages israéliens actuellement détenus à Gaza. Son cœur « battait la chamade » quand il a collé les affiches sur les panneaux, raconte-t-il, ajoutant avoir été très inquiet de la possibilité que des fanatiques puissent l’apercevoir et l’agresser.
En même temps, en tant que jeune ambassadeur, Ofek répond quotidiennement à certaines questions, qui sont souvent les mêmes, précise-t-il. Celle qui lui est le plus posée concerne sa famille, restée en Israël. Comment va-t-elle ?
« Et là, ma réponse est toujours la même : Ils ne vont pas bien, et je raconte l’histoire de mon cousin qui a été tué de manière à ce qu’ils comprennent ce que c’est d’être Israélien, ce que c’est de perdre quelqu’un qui tentait de protéger un quartier face aux terroristes. Ce que c’est d’être à la fois si fier de lui et pourtant si triste », déclare Ofek.
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